Philoscène

Théâtre
Edito

Philoscène

Pour l’amour de la pensée en jeu

Le 31 Juil 2018
Les Héros de la pensée, un projet de Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre, Théâtre des Amandiers Nanterre, dans le cadre des Mondes possibles, mai 2018. Photo Philippe Lebruman.
Les Héros de la pensée, un projet de Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre, Théâtre des Amandiers Nanterre, dans le cadre des Mondes possibles, mai 2018. Photo Philippe Lebruman.
Les Héros de la pensée, un projet de Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre, Théâtre des Amandiers Nanterre, dans le cadre des Mondes possibles, mai 2018. Photo Philippe Lebruman.
Les Héros de la pensée, un projet de Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre, Théâtre des Amandiers Nanterre, dans le cadre des Mondes possibles, mai 2018. Photo Philippe Lebruman.
Article publié pour le numéro
135

Comme François Noudel­mann l’a fort bien rap­pelé dans une émis­sion de France Cul­ture (Macadam phi­lo, 13/07/2007) : « Les philosophes ont sou­vent tourné autour du théâtre. Comme spec­ta­teurs dépris de toute illu­sion, ils ont voulu don­ner la vérité de la tragédie, le genre le plus noble à leurs yeux clair­voy­ants. Comme auteurs, ils se sont par­fois risqués au théâtre d’idées pour ten­ter d’y incar­n­er leurs abstrac­tions. Comme per­son­nages, ils ont fourni à quelques dra­maturges des bribes de légen­des, sérieuses ou dérisoires. Mais la philoso­phie au théâtre n’a pas for­cé­ment besoin de philosophes. »

Ce numéro d’Alternatives théâ­trales, bap­tisé Philoscène, La philoso­phie à l’épreuve du plateau, tente d’explorer les rela­tions qu’entretiennent les philosophes et/ou la philoso­phie avec les arts de la scène aujourd’hui. Les textes intro­duc­tifs de Denis Gué­noun et d’Alain Badiou nous pro­posent une immer­sion immé­di­ate dans les ques­tion­nements pro­pres aux grands philosophes dra­maturges. Pour Alain Badiou, « le théâtre a une fonc­tion qui n’est pas de dire le vrai, mais une fonc­tion d’éclaircissement sur l’arène où le vrai et le faux, le juste et l’injuste sont en con­flit. Il jette sur cette arène un ray­on de lumière spé­ci­fique, nou­veau. Il s’agit moins d’instruire les spec­ta­teurs que de les aver­tir de ce qu’est le réel. […] Le théâtre et la philoso­phie sont com­plices. Pla­ton lui-même par­le de « rival­ité » entre la poésie et la philoso­phie. Rival­ité veut dire qu’il y a com­mu­nauté de des­tin et de fonc­tion. »

Pour Denis Gué­noun, qui a entre autres adap­té les textes de grands auteurs de la tra­di­tion (Pla­ton, Augustin, Spin­oza), le fait d’« inviter la philoso­phie sur scène sig­ni­fie inter­roger plus pro­fondé­ment et plus rad­i­cale­ment l’acte théâ­tral pour lui-même, cela pour au moins deux raisons. La pre­mière, c’est que les très grands textes de théâtre sont tous de très grands textes de pen­sée, au sens où la manière dont l’énoncé théâ­tral est élaboré et intro­duit par ces auteurs est une chose extra­or­di­naire­ment dense en pen­sée. […] Mais il y a une sec­onde rai­son. La ques­tion philosophique essen­tielle pour moi est celle de l’extériorisation : celle de la phénomé­nal­ité, de l’expression, de la créa­tion au sens théologique. »

Com­posé en trois par­ties tout à fait per­méables, ce numéro s’attelle d’abord à la ques­tion de l’adaptation d’œuvres philosophiques. Ici, le comé­di­en Philippe Vin­cenot et les met­teurs et met­teuses en scène Michel Bernard, Bérangère Jan­nelle, Pauline D’Ollone, Nico­las Truong et Ste­faan Van Bra­bandt, nous par­lent du devenir scénique de textes qui illu­mi­nent les plateaux : avec Pla­ton (sou­vent), mais aus­si Althuss­er, Deleuze ou Arendt. Ils nous dis­ent en sub­strat où se niche la théâ­tral­ité en dehors des tra­di­tion­nelles formes dia­loguées…

C’est la ques­tion de l’écriture qui retient notre atten­tion dans la deux­ième par­tie : existe-t-il une manière pro­pre­ment philosophique d’écrire (pour) le théâtre, la danse, la scène ? Des artistes et/ou auteurs aus­si var­iés que Patrick Bon­té (créa­teur de spec­ta­cles aux fron­tières de la danse et du théâtre), Valérie Battaglia, Aurélien Bel­langer, Nico­las Doutey, Camille Louis (philosophes et dra­maturges), y réfléchissent en lien avec leur pra­tique scénique. Flo­re Garcin-Mar­rou et Hélène Beauchamp élar­gis­sent le champ de l’analyse aux scènes mar­i­on­net­tiques, Maud Hagel­stein, à celui de la per­for­mance, et Gilles Col­lard aux scènes philosophiques qui flir­tent avec des élé­ments de spir­i­tu­al­ité (en s’appuyant sur des pro­gram­ma­tions qui s’articulent autour de la ques­tion du rite, des exer­ci­ces mag­iques, voire chamaniques).

Dans le cahi­er cri­tique qui clôt cette pub­li­ca­tion, Eliane Beau­fils, Bernard Debroux, Isabelle Dumont et Alix de Morant nous livrent leurs sen­ti­ments sur des œuvres très dif­férentes (sans ordre de préférence) : le tra­vail de la per­formeuse berli­noise Anto­nia Baehr et du per­formeur suisse Mas­si­mo Furlan, Le Retour d’Ahmed écrit par Alain Badiou et inter­prété par Didi­er Galas, les formes scéniques orig­i­nales de Dominique Roodthooft et d’Isabelle Dumont. La réflex­ion entamée dans ce numéro d’Alternatives théâ­trales coédité avec le Théâtre de Liège est le fruit du tra­vail pas­sion­né de huit mem­bres de notre comité de rédac­tion bel­go-français, et d’une quin­zaine de spé­cial­istes de la scène européenne. Le sujet étant loin d’être épuisé, nous con­tin­uons de l’explorer au Fes­ti­val d’Avignon, dans le cadre des Ate­liers de la pen­sée le 15 juil­let 2018, avec Camille Louis et Alain Badiou (philosophes et dra­maturges), Nathalie Gar­raud et Nico­las Truong (philosophes et metteur.euses en scène).

En vous souhai­tant bonne lec­ture et beaux spec­ta­cles !

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Écrit par Sylvie Martin-Lahmani
Pro­fesseure asso­ciée à la Sor­bonne Nou­velle, Sylvie Mar­tin-Lah­mani s’intéresse à toutes les formes scéniques con­tem­po­raines. Par­ti­c­ulière­ment atten­tive aux...Plus d'info
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Par Olivier Dubouclez
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