Dieudonné Niangouna, « Retour sur une sorcellerie »

Théâtre
Parole d’artiste

Dieudonné Niangouna, « Retour sur une sorcellerie »

D’après un entretien avec Dieudonné Nianguna

Le 6 Mai 2013

A

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Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 117-118 - Utopies contemporaines
117 – 118

Le Fes­ti­val

EN 2004, je répé­tais à Mar­seille et je suis passé pour la pre­mière fois à Avi­gnon. À Braz­zav­ille, on con­nais­sait deux choses d’Avignon : le pont et le fes­ti­val. J’y ai vu quelques spec­ta­cles, WOYZECK de Thomas Oster­meier, Wakeu Fogain dans L’ILLUSION COMIQUE (mise en scène de Frédéric Fis­bach). En 2005 je n’ai pas pu y aller parce que j’étais en créa­tion à Paris mais je suis retourné en 2006, invité par le fes­ti­val. Je devais choisir le lieu pour ATTITUDE CLANDO. Hort­ense Archam­bault et Vin­cent Bau­driller avaient lu mes textes et avaient vu mes spec­ta­cles. Ils m’ont fait part à ce moment-là de leur inten­tion de tra­vailler avec moi. J’ai accep­té à con­di­tion qu’ils vien­nent à Braz­zav­ille. J’avais con­sen­ti à me déplac­er, c’étaient à eux de le faire aus­si pour qu’un réel échange, une équité par­faite, puisse s’instaurer. Ils sont venus en juin 2006, et on a com­mencé à col­la­bor­er. Cela s’est passé avec un vrai courage et une hon­nêteté fon­da­men­tale. Qu’on me mon­tre tel ou tel artiste ou le spec­ta­cle d’untel parce qu’il est beau, parce qu’il est bien, parce que le pub­lic va aimer, ça ne m’intéresse pas. Ce qui est impor­tant c’est de savoir d’où l’artiste par­le. Si l’on com­prend d’où par­le un artiste les choses qu’il fait pren­nent un sens. Ce n’est plus seule­ment un nom dans une pro­gram­ma­tion. Si la prove­nance, l’origine, n’est pas prise en compte, le reste est une somme de ceris­es sur le gâteau sans le gâteau.

En 2006 donc notre rela­tion s’est établie de manière respectueuse. Hort­ense Archam­bault et Vin­cent Bau­driller m’ont mon­tré plein de choses et je leur ai fait décou­vrir des artistes du Con­go, des livres, etc. C’est ain­si que j’ai mon­té ATTITUDE CLANDO en 2007. Grâce au Fes­ti­val j’ai noué des tas de parte­nar­i­ats, ren­con­tré des tas d’artistes. Rodri­go Gar­cia par exem­ple. Je l’ai invité à venir créer un spec­ta­cle à Braz­zav­ille avec des Con­go­lais. Il m’a même aidé quand je répé­tais ATTITUDE CLANDO là-bas, c’est lui qui allumait le char­bon.

Il y a Joseph Nadj aus­si avec qui on a beau­coup dis­cuté, Nico­las Bouchaud, Frédéric Fis­bach… On s’est vu aus­si en dehors d’Avignon. Avec Bouchaud surtout, on a beau­coup de pro­jets. Il est venu voir les deux spec­ta­cles que j’ai faits après. Ça donne toute une famille d’artistes qui se sont ren­con­trés à un endroit et qui évo­quent, à par­tir de là, leurs pas­sions, leurs désirs, leurs textes, leurs pro­jets.

L’expérience d’artiste asso­cié

Ça me plait tou­jours de jouer au Fes­ti­val. C’est un lieu mag­ique pour faire enten­dre la poé­tique d’un auteur. C’est un peu comme la sor­cel­lerie… Chez nous on dit que l’Homme a deux vis­ages, la face et la nuque. C’est une chose que je mets tou­jours au cen­tre de mon œuvre, le dou­ble aspect des choses. C’est ce que j’ai retrou­vé au Fes­ti­val d’Avignon, ce dou­ble vis­age, qui m’a tout de suite intéressé. C’est à la fois un endroit de créa­tion intense, une espèce de lab­o­ra­toire, très foi­son­nant ; dif­férentes formes d’art et de théâtre. Le Fes­ti­val ne défend pas une seule et unique façon de faire du théâtre, il y en a plein. Chaque créa­teur mon­tre sa per­cep­tion des choses en réfléchissant, en tra­vail­lant comme dans le lab­o­ra­toire d’un sci­en­tifique, avec ses pro­duits : chlorure de sodi­um, éprou­vettes, tubes à essai, etc. Tout cela est en per­pétuelle recherche et en inces­sant ren­dez-vous avec le pub­lic. Et ce pub­lic, c’est l’autre face. Il est un grand créa­teur au fes­ti­val d’Avignon ; il s’accapare les œuvres. Il fait intru­sion dans l’humble masure et dans le lab­o­ra­toire du poète, il s’empare de son œuvre, la mange, la digère, la chie, la pleure, la pié­tine, en par­le, la com­mente, la partage, etc. Il fait enten­dre qu’il pense. C’est cela la dou­ble face : le créa­teur qui vient à un ren­dez-vous avec le pub­lic qui récupère l’œuvre et en fait son affaire. Au final le théâtre doit appartenir au pub­lic. Cha­cun repart avec le spec­ta­cle chez soi, chez sa femme, son enfant, son mari, au bar où il partagera un verre, le spec­ta­cle grandi­ra dans sa vie. L’artiste arrête le spec­ta­cle quand la pro­duc­tion s’arrête, quand les tournées se ter­mi­nent, quand on n’a plus de dates. Mais dans la tête du spec­ta­teur le spec­ta­cle ne s’arrête jamais. En Avi­gnon tu as tout cela en temps réel. Il y a des artistes et des spec­ta­teurs et la créa­tion des spec­ta­teurs. Et là, je renoue avec la sor­cel­lerie.

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Laurence Van Goethem
Laurence Van Goethem, romaniste et traductrice, a travaillé longtemps pour Alternatives théâtrales. Elle est cofondatrice...Plus d'info
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