Un théâtre permanent 

Théâtre
Portrait

Un théâtre permanent 

À propos de Gwenaël Morin

Le 18 Avr 2016
Marion Couzinié (Sganarelle) et Benoît Martin (Dom Juan) dans Les Molière de Vitez d’après Molière, mise en scène Gwenaël Morin. Photo Pierre Grosbois.
Marion Couzinié (Sganarelle) et Benoît Martin (Dom Juan) dans Les Molière de Vitez d’après Molière, mise en scène Gwenaël Morin. Photo Pierre Grosbois.

A

rticle réservé aux abonné.es
Marion Couzinié (Sganarelle) et Benoît Martin (Dom Juan) dans Les Molière de Vitez d’après Molière, mise en scène Gwenaël Morin. Photo Pierre Grosbois.
Marion Couzinié (Sganarelle) et Benoît Martin (Dom Juan) dans Les Molière de Vitez d’après Molière, mise en scène Gwenaël Morin. Photo Pierre Grosbois.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 128 - There are aslternatives!
128

Début jan­vi­er 2009, dans une petite rue d’un quarti­er déshérité d’Aubervilliers. Sous un pan­neau pub­lic­i­taire pour une salle de sport pro­posant mus­cu­la­tion et boxe anglaise, une autre pan­car­te, écrite à la main, sur laque­lle on peut lire ceci : THEATRE PERMANENT [sans accents]. Est-il pos­si­ble de faire du théâtre tous les jours ? Est-il pos­si­ble tous les jours de répéter, jouer et trans­met­tre ? Est-il pos­si­ble de le faire à Aubervil­liers pen­dant un an ? Est-il pos­si­ble avec le théâtre de créer un point dans la ville ? Un point d’engagement, d’intensité et de sens ? Un point d’impact ? Est-il pos­si­ble par ténac­ité, insis­tance, résis­tance, de créer du temps et de l’espace publics ? Est-il pos­si­ble de trans­former la vie ?

En ce début jan­vi­er, le 1er très exacte­ment, Gwe­naël Morin, met­teur en scène alors âgé de trente-neuf ans, et sa troupe d’acteurs, inven­tent aux Lab­o­ra­toires d’Aubervilliers, cen­tre d’art implan­té dans ce quarti­er Vil­lette-Qua­tre-Chemins classé en zone urbaine sen­si­ble, le « Théâtre per­ma­nent ». Une aven­ture est née qui, sept ans plus tard, telle qu’elle s’est dévelop­pée et pour­suiv­ie, appa­raît comme une des seules – la seule, peut-être – qui, ces dernières années, en France, ait pro­posé une véri­ta­ble alter­na­tive, et un pro­jet d’envergure, à la fois poli­tique et artis­tique. 

Début jan­vi­er 2016, au théâtre Nan­terre-Amandiers, cen­tre dra­ma­tique nation­al le mieux doté de France, et trans­for­mé pour l’occasion, à l’intérieur comme à l’extérieur, en vaste espace col­lec­tif tapis­sé de daz­ibaos : Gwe­naël Morin tri­om­phe, avec qua­tre pièces canon­iques de Molière – L’École des femmes, Tartuffe, Dom Juan et Le Mis­an­thrope – jouées par de très jeunes comé­di­ens récem­ment sor­tis du Con­ser­va­toire de Lyon. Le same­di par­ti­c­ulière­ment, quand les qua­tre pièces sont jouées en inté­grale, Nan­terre sem­ble retrou­ver l’énergie alter­na­tive qui a ren­du son uni­ver­sité célèbre, en d’autres temps. 

Mais revenons à jan­vi­er 2009. Parce que Gwe­naël Morin est un homme qui pense que « c’est tous les jours qu’il faut faire la révo­lu­tion », il s’installe à Aubervil­liers pour un an, avec ses cinq comé­di­ens – Stéphanie Beghain, Fan­ny de Chail­lé (qui toutes deux par­tiront au bout de trois mois et seront rem­placées par Renaud Béchet, Vir­ginie Cole­myn et Ulysse Pujo), Julian Egg­er­ickx, Bar­bara Jung et Gré­goire Mon­sain­geon. Le pro­gramme est sim­ple – si l’on peut dire : jouer tous les soirs, du 1er au 24 du mois, répéter toutes les après-midi, ani­mer des ate­liers tous les matins. Cinq pièces sont choisies, des « tubes » du réper­toire, comme le dit Morin lui-même : Loren­za­c­cio, Tartuffe, Bérénice, Antigone et Ham­let

L’équipe d’Aubervilliers tourne à plein régime. Comé­di­ens et met­teur en scène font du porte-à-porte dans les HLM, les bars, les asso­ci­a­tions… Les jeunes qui fréquentent la salle de boxe voi­sine vien­nent, et revi­en­nent. Au bout d’un mois, les jeunes branchés parisiens en bas­kets fluo et les Albertivil­lar­iens qui vien­nent au théâtre pour la pre­mière fois se mêlent, assis sur des chais­es en plas­tique dans la salle sans apprêt des Lab­o­ra­toires. 

Pour Gwe­naël Morin, il ne s’agit pour­tant pas de créer une sorte de « Comédie-Française du pau­vre ». Le pro­jet est d’une tout autre nature, qui ne vise pas à faire descen­dre la « grande cul­ture » vers un pub­lic qui en serait privé, mais à voir ce que le théâtre peut trans­former dans la vie quo­ti­di­enne d’un quarti­er. « Je ne viens pas colonis­er Aubervil­liers, expli­quait le met­teur en scène en jan­vi­er 2009. Ce qui m’intéresse, c’est de sor­tir le théâtre de sa con­di­tion de pro­duit de con­som­ma­tion pour élites blasées, et de le réin­ven­ter comme espace pub­lic »1.

  1. Le Monde du 20 févri­er 2009, entre­tien avec Fabi­enne Darge. ↩︎
  2. Le Monde du 28 juin 2012, entre­tien avec Fabi­enne Darge. ↩︎
  3. Le Monde du 10 sep­tem­bre 2013, entre­tien avec Fabi­enne Darge.  ↩︎
  4. Le Monde du 28 juin 2012, op cit. ↩︎

A

rticle réservé aux abonné.es
Envie de poursuivre la lecture?

Les articles d’Alternatives Théâtrales en intégralité à partir de 5 € par mois. Abonnez-vous pour soutenir notre exigence et notre engagement.

S'abonner
Déjà abonné.e ?
Identifiez-vous pour accéder aux articles en intégralité.
Se connecter
Accès découverte. Accès à tout le site pendant 24 heures
Essayez 24h
Théâtre
Portrait
Gwenaël Morin
7
Partager
Fabienne Darge
Après des études d’histoire, de lettres et d’histoire de l’art et son diplôme du Centre...Plus d'info
Partagez vos réflexions...
La rédaction vous propose
Mon panier
0
Ajouter un code promo
Sous-total

 
Artistes
Institutions

Bonjour

Vous n'avez pas de compte?
Découvrez nos
formules d'abonnements