Bernard Debroux : Comment est née ta vocation artistique et quelles ont été les étapes marquantes de ton parcours ?
Fabrice Don de Dieu : Je suis artiste comédien et danseur originaire du sud Kivu où je suis né en 1977. Mon père et ma mère sont congolais. J’ai fait mes premiers pas au théâtre en première année secondaire, à Bukavu (sud Kivu), dans une troupe qui s’appellait Vangu théâtre dirigée par Jeannot Musingilwa. Je n’oublie pas cette première expérience, bien qu’elle remonte à plus de vingt ans. C’est là que j’ai pris goût à ce qu’on appelle le « théâtre en français ». L’Étudiant de Soweto a été la première pièce que j’ai jouée. Elle parlait de l’apartheid en Afrique du Sud. C’était déjà à l’époque un théâtre engagé. Ensuite, j’ai continué mes études à Kinshasa où j’ai obtenu mon baccalauréat en pédagogie générale et je me suis inscrit à l’Institut National des Arts de Kinshasa. J’y ai étudié cinq ans, suivant une formation en comédie, interprétation et danse, et obtenu mon diplôme avec « distinction ». En 2008, j’ai créé ma propre structure : Kongo Drama Compagnie. Le nom provient du Royaume Kongo, qui signifiait le Royaume de paix. Je voulais mettre en place une structure artistique qui fasse de l’art au service de la paix. Je mène aussi des activités culturelles dans des écoles. Je donne des stages comme metteur en scène, et comme interprète. Je me bats pour qu’on puisse reconnaître le métier d’acteur et d’artiste à Kinshasa et au Congo. Mon credo c’est « la persévérance mène à la réussite ».
Ma toute première pièce avec Kongo Drama Compagnie a été créée en 2010 : Procès Ngungi. C’était une palabre où on amenait un moustique en justice. Elle parle du paludisme sous forme de comédie. La deuxième création, Elykia, était un spectacle de danse, créé fin 2010 et qui a tourné en 2011. En 2012 j’ai collaboré avec d’autres structures. On a créé et joué un spectacle sur les violences faites aux femmes, pour la remise du trophée au docteur Mukwege à Kinshasa. Il est une icône de la lutte contre la violence faite aux femmes dans l’Est du pays. Nous avons ensuite créé Trop c’est trop qui traitait des déplacés de guerre et qui a été joué en direct à la radio et à la télévision nationale. Plus récemment, en 2013, nous avons fait une grande campagne qui était aussi le titre d’un spectacle, Wangu Mutoto ni Mali que nous avons joué dans la province du Katanga avec un camion mobile : trente-deux représentations, chaque fois devant mille à trois mille personnes. Pour terminer l’année nous avons monté un spectacle de danse qui s’appelle Kua Kua Kua Kulangue qui signifie « trop trop trop parler » avec lequel nous continuons à tourner (Kinshasa, Lubumbashi). Nous espérons le monter ailleurs aussi, peut-être en Belgique. Ce spectacle est une recherche d’équilibre entre ce qu’on écoute, ce qu’on dit et ce qu’on fait.
Je collabore comme opérateur culturel avec le KVS depuis leur venue à Kinshasa en 2005. En 2007 j’ai été l’assistant de Paul Kerstens. En 2012 j’ai participé à l’organisation des ateliers de Tap Jazz Ensemble, une compagnie américaine de danse de claquettes qui a travaillé en lien avec une vingtaine de danseurs congolais.
B. D. : As-tu un espace à Kinshasa pour ta compagnie ?
F. D. D.: Non. Nous avons un petit bureau à Kasa-vubu (commune du centre ville) et nous répétons dans un quartier périphérique, à Ndjili, au siège d’un ballet traditionnel, Konono International qui met à notre disposition des espaces de répétition quatre jours par semaine.
B. D. : Où présentez-vous vos spectacles ?
F. D. D. : Partout ! Nous étions la première structure congolaise qui a fait de la danse contemporaine sur une place publique, sur un rond-point à Ndjili, un endroit où les gens ne pouvaient pas s’imaginer voir cela !