À une soirée où j’étais arrivé assez tard…

Théâtre
Parole d’artiste

À une soirée où j’étais arrivé assez tard…

Le 20 Mar 2018
Stéphane Olivier et Miguel Decleire dans Blind Date de Transquinquennal, 2008. Photo Céline Renchon.
Stéphane Olivier et Miguel Decleire dans Blind Date de Transquinquennal, 2008. Photo Céline Renchon.
Stéphane Olivier et Miguel Decleire dans Blind Date de Transquinquennal, 2008. Photo Céline Renchon.
Stéphane Olivier et Miguel Decleire dans Blind Date de Transquinquennal, 2008. Photo Céline Renchon.
Article publié pour le numéro
Couverture deu numéro 134 - Institutions / insurrections
134

Alors que Tran­squin­quen­nal tire sa longue révérence, don­nons à ces lignes le par­fum hagiographique pré-posthume qui con­vient et prof­i­tons-en pour clar­i­fi­er un point à l’adresse de celui qui, un jour, me mit plus bas que terre.
Cher Tran­squin­quen­nal, c’était à une soirée où j’étais arrivé assez tard, une soirée qui avait fait le tri entre ceux qui étaient déjà par­tis et ceux qui allaient rester longtemps encore. J’y avais été entraîné par quelqu’un que je con­nais­sais peu et dont le goût des mélanges et des ren­con­tres inso­lites avait fait de moi une belle prise. La pénurie d’alcool menaçait et mon inter­mé­di­aire s’est tout de suite pro­posé de par­tir à la recherche de nou­velles muni­tions. Je me suis retrou­vé donc à l’attendre, un peu à l’écart, assis dans un fau­teuil trop bas, où j’ai entamé l’étude médi­ta­tive de l’assemblée. Il y avait là essen­tielle­ment des gens du méti­er ou d’aspirants au méti­er, tous bien plus jeunes que moi. Un petit groupe se démar­quait par son agi­ta­tion. De dos, j’apercevais le bout de barbe de celui qui sem­blait être le leader et qui finit par pronon­cer ton nom. Apparem­ment celui-ci avait tra­vail­lé avec toi. Je n’ai pas réa­gi tout de suite. Depuis que je t’ai quit­té il y a une dizaine d’années, j’ai veil­lé à me mon­tr­er dis­cret à ton sujet. Entre ceux qui croient tou­jours que je fais par­tie de toi, ceux qui savent que je t’ai quit­té et qui m’en par­lent, pos­i­tive­ment ou non, plus « libre­ment » depuis, j’ai appris à ne pas la ramen­er, à n’encombrer per­son­ne avec mon anci­enne appar­te­nance, à ne pas radot­er sur cette part pour­tant la plus con­sti­tu­tive de mon par­cours pro­fes­sion­nel. Mais le groupe relançait le bar­bu et l’énonciation de ton nom s’est mul­ti­pliée. Alors, sans doute à cause de l’alcool et peut-être parce que j’avais besoin de me sen­tir un peu exis­ter dans cette soirée où je ne con­nais­sais per­son­ne, j’ai fini par lâch­er : « C’est moi qui lui ai don­né son nom. » Le petit groupe s’est retourné. « Quel nom ? » a dit le bar­bu. — Tran­squin­quen­nal. — Ah bon ? — Oui, Tran­squin­quen­nal. C’est moi qui l’ai porté, avec Bernard, sur les fonts bap­tismaux du Moni­teur belge. » Le bar­bu a cessé de clign­er les yeux pour me fix­er d’un regard vide, et j’ai com­pris tout de suite mon erreur. Il ne me con­nais­sait pas. Vrai ou faux, ce que j’affirmais, ne valait rien. Soit j’étais mythomane, soit j’étais pathé­tique, ou alors les deux à la fois. J’ai fait un signe vague de la main pour qu’on ne s’attarde plus sur ma per­son­ne, et je me suis rencogné dans ma médi­ta­tion.

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