Pourama Pourama 1, première forme longue de Gurshad Shaheman, artiste associé au Théâtre Les Tanneurs, est à la fois un grand souffle de l’intime et un questionnement de ses puissances : que signifient cette confiance et cette tendresse ? Comment oser les faire exister en soi, malgré la perte et la trahison ? Et de quelle manière ce jeu du proche, du complice et du distant opère-t-il avec sa famille, ses amants, un public, des clients ?
Nous passons le plus clair de nos vies à osciller entre le plus secret de notre être et celui que nous livrons à la mise en scène sociale, et il est donc naturel d’une certaine manière que le spectacle commence sans avoir tout à fait l’air d’en être un : dans une salle vidée de ses gradins et de son plateau, les spectateur.rice.s sont invité.e.s à mettre un masque en carton à l’effigie d’un homme, dont apprendra plus tard que c’est le père du performeur, et à s’asseoir par terre, puis à prendre un verre de vodka à un bar où sert un Gurshad Shaheman masqué également. Il va ensuite se mettre au milieu du public, debout parmi les spectateur.rice.s assis.es. Il regarde droit devant lui alors qu’apparaissent sur un grand écran les mots « Touch Me ». Quand un membre du public le touche, une phrase retentit. Il ne faut guère longtemps pour qu’un ou une spectatricene vienne lui tenir longuement la main, poser sa tête contre son épaule ou le serrer dans ses bras. La voix préenregistrée du performeur nous dévoile alors le récit de son enfance pendant que sont projetées des photos de famille. On y voit par exemple un petit garçon de quatre ans en culotte courte dans le désert, un fusil à la main. Il nous raconte l’Iran en guerre des années 80, un père ingénieur missionné au front, dur et inaccessible, qui rejette la sensibilité de son fils et ne le touche jamais, une mère, des tantes et surtout une grand-mère aimantes, des rêves de robes roses et la solitude implacable de l’enfant incompris, de l’enfant gay, de celui qui ne pourra jamais, et il le sait, répondre aux attentes paternelles.
Aucune expérience d’exil n’est la même et pourtant elles se ressemblent souvent : l’apprentissage d’une nouvelle langue, de nouvelles coutumes, de nouveaux paysages, le réconfort apporté par celles et ceux qui connaissent, même mal, la culture d’origine ; la très grande vulnérabilité, la perte, l’étourdissement, la désorientation, l’enthousiasme aussi .