Circus 68 au Théâtre de Poche de Bruxelles

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Circus 68 au Théâtre de Poche de Bruxelles

Le 27 Mai 2018
Circus 68. Photo Yves Kerstius.
Circus 68. Photo Yves Kerstius.

Écoutez, jeunes gens, la leçon de l’Histoire
Jacques Bertin

Mai 68, cinquante ans après… Impos­si­ble de pass­er à côté de l’évènement.

Depuis des mois les jour­naux, les heb­do­madaires, les émis­sions de télévi­sion, les enquêtes, les reportages n’ont de cesse de mar­quer l’évènement.
Que peut faire le théâtre ? Informer, ren­dre sen­si­ble, jouer…
J’allais à cette représen­ta­tion avec le désir de revivre des moments qui m’ont pro­fondé­ment mar­qué et retrou­ver un peu de l’énergie et de la flamme qui par­courait ces années là et… je n’ai pas été décu !
La réus­site du spec­ta­cle tient d’abord à la per­son­nal­ité des pro­tag­o­nistes : le met­teur en scène et les deux acteurs ont tous les trois « quelque chose en eux de 68 ». L’invention déjan­tée de Chalie Degotte, la con­tes­ta­tion gouailleuse de Claude Semal, la poé­tique poli­tique de François Sikivie, col­lent au plus près de l’humeur de cette époque qui aura mené à de pro­fonds boule­verse­ments, si non dans l’utopie et la rad­i­cal­ité incan­des­cente espérée des débuts au moins dans l’évolution des moeurs, la dig­nité des femmes et des hommes, l’exercice de l’autorité, la libéra­tion de la parole, la con­science des iné­gal­ités et les luttes pos­si­bles pour les com­bat­tre.
La qual­ité du spec­ta­cle tient aus­si dans sa con­struc­tion, notam­ment dans le va et vient entre la rela­tion d’événements his­toriques pré­cis — on suit le déroule­ment en jours et dates — et la dis­tance per­ma­nente créée par le jeu aux mul­ti­ples facettes des acteurs qui font se crois­er la grande His­toire et les témoignages per­son­nels. Volon­taire­ment syn­thé­tique (le rythme soutenu est une démarche habituelle et heureuse du met­teur en scène Char­lie Degotte), le spec­ta­cle se con­cen­tre exclu­sive­ment sur les évène­ments de Paris, qui sont sans doute emblé­ma­tiques de ce qui s’est passé partout dans le monde cette année-là, et pro­pose une vision joyeuse et bur­lesque d’une série de per­son­nal­ités et de représen­tants d’institutions qui sont au coeur des évène­ments : de Gaule, Pom­pi­dou, le préfet de Police Mau­rice Gri­maud, Daniel Cohn Ben­dit, les syn­di­cats, les mou­ve­ments étu­di­ants et leurs mul­ti­ples chapelles, les grou­pus­cules poli­tiques sans oubli­er un clin d’oeil à jean-Luc Godard et… aux maoïstes. Le spec­ta­teur a droit à des numéros d’acteurs qui n’hésitent pas à imiter tout ce beau monde et à se trans­former en clowns et bateleurs (la représen­ta­tion se donne d’ailleurs sous un chapiteau de cirque).
Le médi­um de 68, c’est la radio. (Je crois me sou­venir que Cohn Ben­dit mon­nayait ses inter­views à RTL pour financer le mou­ve­ment étu­di­ant). Grâce au décor sonore très présent et per­cu­tant de Guil­laume Istace, on se retrou­ve au coeur des man­i­fes­ta­tions, des grèves et des bar­ri­cades. On entend sif­fler les grenades lacry­mogènes et on réé­coute avec bon­heur la voix prenante d’Armand Bache­li­er, le cor­re­spon­dant de la RTB à Paris, mais aus­si celle de de Gaulle- avant et après les émeutes.
N’hésitant pas à faire appel au pub­lic pour « don­ner de la voix » , le spec­ta­cle rend jus­tice aus­si aux gens de l’ombre, grévistes dans les usines, paysans dans les cam­pagnes qui, on l’oublie sou­vent, ont par­ticipé de manière déci­sive à la con­tes­ta­tion de l’ordre établi. Ca et là pointe la nos­tal­gie d’une époque moins cynique que la nôtre mais qui laisse heureuse­ment des traces et des héritages que l’on trou­ve chez les zadistes de Notre Dame des lan­des en France et dans le sou­tien aux réfugiés dans le parc Max­im­i­lien de Brux­elles.
Les artistes ont priv­ilégié l’espace vide cher à Peter Brook : deux chais­es, deux bal­ayettes et surtout deux acteurs for­mi­da­bles qui nous font vibr­er d’émotion et d’intelligence. Un théâtre pau­vre, riche d’enseignement.

Circus 68 de et avec Claude Semal et François Sikivie. 
Mise en scène : Charlie Degotte. Création sonore : Guillaume Istace
Costumes : Pascal Vervloet. 
Une coproduction du Théâtre de Poche et du Théâtre du Chien Ecrasé.
À voir jusqu'au 16 juin au Théâtre de Poche (Bruxelles)
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Critique
Claude Semal
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Bernard Debroux
Bernard Debroux
Fondateur et membre du comité de rédaction d'Alternatives théâtrales (directeur de publication de 1979 à...Plus d'info
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