Carnet d’Aix #4 : La flûte enchantée — Simon McBurney

Opéra
Critique

Carnet d’Aix #4 : La flûte enchantée — Simon McBurney

Le 23 Juil 2018
La flûte enchantée, mise en scène Simon Mc Burney. Photo Pascal Victor/ArtComArt.
La flûte enchantée, mise en scène Simon Mc Burney. Photo Pascal Victor/ArtComArt.

same­di 14 juil­let 2018

Pas de fes­ti­val d’Aix sans un opéra de Mozart… Bernard Foc­croulle a eu la bonne idée de réin­viter la troupe qui avait créé cette mag­nifique ver­sion lors du fes­ti­val 2014.


Simon McBur­ney monte cet opéra comme une pièce de théâtre. Tout au long de la représen­ta­tion, on a l’impression d’assister à une pièce de Shake­speare.
Comme le relève le met­teur en scène, bien des per­son­nages de l’oeuvre sont proches de La Tem­pête (que Mozart aurait eu l’intention d’adapter en opéra) et l’intrigue qui mêle élé­ments réal­istes et sym­bol­iques, approche con­crète, triv­iale et envolées mag­iques et féériques sont bien dans la veine du maître de Strat­ford…
Ce qui fait l’engouement tou­jours renou­velé de La flûte enchan­tée dont les airs célèbres sont devenus de véri­ta­bles « stan­dards », même pour un pub­lic qui n’est pas féru d’opéra, comme ceux de Papageno ou de La Reine de la nuit, c’est qu’elle révèle des pos­si­bil­ités inépuis­ables d’invention scéniques.
La réus­site de la ver­sion de McBur­ney réside à la fois dans la sim­plic­ité et l’humilité de son approche qui per­met toute­fois d’ouvrir des portes pour abor­der les « strates » mul­ti­ples qui font le mys­tère de l’oeuvre.
De chaque côté de la scène deux « régis­seurs », une femme côté cour, Ruth Sul­li­van, un homme côté jardin, Robin Beer. L’une, illus­tra­trice sonore mani­ant à vue les tech­niques anci­ennes du théâtre, l’autre, illus­tra­teur vidéo et dessi­na­teur, vont nous accom­pa­g­n­er tout au long de la représen­ta­tion et nous pro­pos­er une suc­ces­sion de signes visuels et sonores, célébra­tions « brechti­ennes » du plaisir du théâtre.
La mise en scène de McBur­ney est en tout point exem­plaire dans sa réus­site de la fusion entre musique et théâtre. Il a fait hauss­er la fos­se d’orchestre (qui n’en n’est plus une) au max­i­mum pour plac­er les musi­ciens presque à hau­teur du plateau. Avant le début de la représen­ta­tion, cer­tains sont d’ailleurs en scène et rejoignent pro­gres­sive­ment leurs col­lègues au sein de l’orchestre. La flûtiste Gior­gia Browne et le joueur de Glock­en­spiel, Arnaud de Pasquale, seront d’ailleurs sol­lic­ités pour y revenir au cours de la représen­ta­tion. C’est Raphaël Pichon qui dirige avec bon­heur le choeur et l’orchestre de l’ensemble Pyg­malion.
La suc­ces­sion d’épreuves que doivent pass­er les per­son­nages de la fable font référence aux appren­tis­sages « maçon­niques »  imposées au pos­tu­lant qui demande à être « ini­tié ». De manière plus uni­verselle, elles nous ren­voient aux épreuves tra­ver­sées dans nos vies de femmes et d’hommes pour peut-être accéder à une cer­taine félic­ité…

Il faudrait citer tous les chanteurs qui ont recueil­li une ova­tion qui ne trompe pas à l’issue du spec­ta­cle. Pour les rôles prin­ci­paux, Dim­it­ry Ivashechenko en Saras­tro d’une grandeur majestueuse, Stanis­las de Bar­beyrac en Tamino d’une jeunesse fougueuse et généreuse, Kathryn Lewek, sai­sis­sante en reine de la nuit ver­sion sor­cière en chaise roulante (!), Mari Eriksmoen, belle et touchante Pam­i­na dans sa can­deur amoureuse et l’inoubliable Thomas Olie­mans en Papageno qui apporte au per­son­nage un humour con­tagieux et toute une palette d’émotions poé­tiques et de sen­ti­ments pro­fondé­ment humains.

Car c’est finale­ment la pro­fonde human­ité que l’ensemble des pro­tag­o­nistes font ressor­tir de cette grande oeu­vre. On en ressort boulever­sé et heureux avec dans la tête on ne sait trop pourquoi ces vers de Ver­laine :
« De la musique avant toute chose
et pour cela préfère l’impair
Plus vague et sol­u­ble dans l’air
sans rien en lui qui pèse ou qui pose »

Die Zauberflöte, Amadeus Mozart, livret d’Emmanuel Schikaneder, direction musicale Raphael Pichon, mise en scène Simon McBurney, décors Michael Levine, costumes Nicky Gillibrand, lumière Jean Kalman, Vidéo Finn Ross, Son Gareth Fry, Drei Knaben Knabenchor der Chorakademie Dortmund, Chœur English Voices, Orchestre Freiburger Barockorchester, Festival d'Aix en Provence, du 6 au 24 juillet 2018 au Grand Théâtre de Provence.
Avec : Stanislas de Barbeyrac (Tamino), Mari Eriksmoen (Pamina), Olga Pudova (Die Konigin der Nacht), Thomas Oliemans (Papageno), Regula Mühlemann (Papagena), Christof Fischesser (Sarastro), Andreas Conrad (Monostatos), les Dames Ana-Maria Labin, Silvia de La Muela, Claudia Huckle.
(Reprise de la production du festival d’Aix-en-Provence 2014.)
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Simon McBurney
Festival international d'art lyrique d'Aix-en-Provence
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Bernard Debroux
Bernard Debroux
Fondateur et membre du comité de rédaction d'Alternatives théâtrales (directeur de publication de 1979 à...Plus d'info
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