« La pensée est un apanage humain, et non genré »

Théâtre
Portrait

« La pensée est un apanage humain, et non genré »

D’après un entretien avec Maëlle Poésy

Le 24 Juil 2016
Jonas Marmy et Marc Lamigeon dans Candide, Si c’est ça le meilleur des mondes d’après Voltaire, mise en scène Maëlle Poesy, Cie Crossroad (Drôle de bizarre), 2014. Photo Vincent Arbelet.
Jonas Marmy et Marc Lamigeon dans Candide, Si c’est ça le meilleur des mondes d’après Voltaire, mise en scène Maëlle Poesy, Cie Crossroad (Drôle de bizarre), 2014. Photo Vincent Arbelet.

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Jonas Marmy et Marc Lamigeon dans Candide, Si c’est ça le meilleur des mondes d’après Voltaire, mise en scène Maëlle Poesy, Cie Crossroad (Drôle de bizarre), 2014. Photo Vincent Arbelet.
Jonas Marmy et Marc Lamigeon dans Candide, Si c’est ça le meilleur des mondes d’après Voltaire, mise en scène Maëlle Poesy, Cie Crossroad (Drôle de bizarre), 2014. Photo Vincent Arbelet.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 129 - Scènes de femmes
129

Tout est allé vite, pour Maëlle Poésy. En 2011, à vingt-sept ans, à peine sor­tie de l’école du Théâtre nation­al de Stras­bourg (TNS), elle a créé sa com­pag­nie, Cross­road (Drôle de bizarre). Elle a mis en scène Funérailles d’hiver, d’Hanokh Levin, Pur­ga­toire à Ingol­stadt, de Marieluise Fleiss­er et Can­dide, si c’est ça le meilleur des mon­des, d’après Voltaire. Can­dide a embal­lé les pro­gram­ma­teurs, a beau­coup tourné, et la sai­son théâ­trale 2015 – 2016 a été pour Maëlle Poésy celle d’une recon­nais­sance pré­coce et écla­tante : la jeune femme a présen­té Can­dide au Théâtre de la Cité inter­na­tionale, et mis en scène, au Stu­dio-Théâtre de la Comédie-Française, Le Chant du cygne et L’Ours, deux petites pièces de Tchekhov. Et la voilà à Avi­gnon, où elle est pro­gram­mée dès l’ouverture du fes­ti­val avec une créa­tion, Ceux qui errent ne se trompent pas, inspirée par La Lucid­ité, le roman de José Sara­m­a­go. 

Vis­i­ble­ment, aucun obsta­cle ne s’est dressé sur la route de la jeune « met­teuse en scène » qui, comme beau­coup d’autres aujourd’hui, assume ce terme plutôt que celui de « met­teure en scène », trop neu­tre. « Je préfère que les fonc­tions soient vrai­ment mis­es au féminin. Il me sem­ble impor­tant qu’il existe des mots féminins attribués à cer­taines fonc­tions, et que ceux-ci entrent peu à peu dans l’usage. Mais j’ai pas mal de soucis avec les ser­vices de rela­tions publiques des théâtres, qui, la plu­part du temps, refusent d’employer le terme de « met­teuse en scène » dans leurs doc­u­ments de com­mu­ni­ca­tion… ». 

Maëlle Poésy s’amuse que l’« on pose tou­jours les mêmes ques­tions aux femmes-met­teurs en scène, notam­ment celle de savoir si nous traduisons dans nos spec­ta­cles un point de vue féminin sur le monde. Mais on ne demande jamais aux met­teurs en scène hommes s’ils imprèg­nent les leurs d’un regard mas­culin ! ». « Je ne m’envisage pas du tout comme femme met­teuse en scène, mais comme met­teuse en scène tout court, pour­suit-elle. On fait du théâtre avec sa sub­jec­tiv­ité, quelle qu’elle soit, et elle n’est pas réduite à la ques­tion sex­uée. Et au sein de mon équipe, qui est con­sti­tuée de femmes et d’hommes, c’est une ques­tion que je ne me pose jamais, et que l’on ne me pose jamais ». Pour autant, la jeune femme recon­naît l’importance d’une démarche poli­tique et volon­tariste, dans un théâtre français qui a tardé à accorder une place aux met­teuses en scène. « L’impulsion don­née par Aurélie Fil­ipet­ti a réelle­ment entraîné un change­ment, et ouvert des portes. Nous nous retrou­vons aujourd’hui plus nom­breuses », con­state-t-elle. Mais Maëlle Poésy n’aime pas beau­coup les éti­quettes. « Et je ne suis pas une grande fana­tique des « gen­der stud­ies » à l’américaine. Je tra­vaille plutôt à l’intuition. Ce qui m’importe, c’est que la pen­sée du monde soit partagée, au théâtre. La pen­sée est un apanage humain, et non gen­ré ». 

Elle s’étonne, quand on lui dit que l’on peut voir, tout de même, dans sa mise en scène de L’Ours, un regard féminin porté sur la pièce de Tchekhov, une inter­pré­ta­tion qui tranche avec celles qui ont sou­vent pu être apportées à cette œuvre de jeunesse de l’auteur russe. Ce n’est pas tant que le regard porté sur le per­son­nage féminin soit dif­férent – quoique… –, dans cette pièce qui con­fronte une jeune pro­prié­taire, qui joue les veuves éplorées depuis sept mois, et un jeune pro­prié­taire en colère, lesquels se lan­cent dans une vaste scène de ménage, avant de tomber dans les bras l’un de l’autre. C’est plutôt que les rap­ports homme-femme y soient envis­agés avec plus de sub­til­ité qu’ils ne le sont le plus sou­vent dans cette pièce, la plu­part du temps mon­tée comme une sim­ple farce avec les stéréo­types d’usage, pro­jetés aus­si bien sur l’homme – for­cé­ment un rus­tre et un gou­jat – que sur la femme – for­cé­ment une hys­térique. 

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Maëlle Poésy
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Fabienne Darge
Après des études d’histoire, de lettres et d’histoire de l’art et son diplôme du Centre...Plus d'info
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