Entretien avec Myriam Saduis autour d’Amor Mundi

Entretien
Théâtre

Entretien avec Myriam Saduis autour d’Amor Mundi

Création d’après Hannah Arendt

Le 20 Juil 2016
Aline Mahaux, Soufian El Boubsi et Ariane Rousseau, Mathilde Lefèvre dans Amor mundi, d’après Hannah Arendt, conception et mise en scène Myriam Saduis, FWB – Capt, théâtre Océan Nord, Théâtre 95 – Cergy Pontoise, 2015. Photo Serge Gutwirth. myriamsaduis.org
Aline Mahaux, Soufian El Boubsi et Ariane Rousseau, Mathilde Lefèvre dans Amor mundi, d’après Hannah Arendt, conception et mise en scène Myriam Saduis, FWB – Capt, théâtre Océan Nord, Théâtre 95 – Cergy Pontoise, 2015. Photo Serge Gutwirth. myriamsaduis.org

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Aline Mahaux, Soufian El Boubsi et Ariane Rousseau, Mathilde Lefèvre dans Amor mundi, d’après Hannah Arendt, conception et mise en scène Myriam Saduis, FWB – Capt, théâtre Océan Nord, Théâtre 95 – Cergy Pontoise, 2015. Photo Serge Gutwirth. myriamsaduis.org
Aline Mahaux, Soufian El Boubsi et Ariane Rousseau, Mathilde Lefèvre dans Amor mundi, d’après Hannah Arendt, conception et mise en scène Myriam Saduis, FWB – Capt, théâtre Océan Nord, Théâtre 95 – Cergy Pontoise, 2015. Photo Serge Gutwirth. myriamsaduis.org
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 129 - Scènes de femmes
129

La met­teuse en scène et auteure Myr­i­am Saduis adapte, en 2012, La Mou­ette de Tchekhov et signe La Nos­tal­gie de l’avenir1 qui lui vaut le prix de la mise en scène aux Prix de la Cri­tique en Bel­gique. Dans cette adap­ta­tion où s’entrecroisent Mey­er­hold, Fer­nan­do Pes­soa, Philip Roth, Shake­speare, six comé­di­ens enga­gent sur le plateau une énergie écla­tante et une sen­si­bil­ité aiguës pour le réc­it trag­ique d’une impos­si­bil­ité d’aimer.

En 2015, avec sa com­pag­nie Défilé, Myr­i­am Saduis crée, en copro­duc­tion avec le Théâtre 95 à Cer­gy-Pon­toise (Scène con­ven­tion­née aux écri­t­ures con­tem­po­raines) et le Théâtre Océan Nord à Brux­elles, Amor Mun­di. Sur le plateau s’écrit l’histoire d’une nuit new-yorkaise durant laque­lle Han­nah Arendt fête avec ses proches la pub­li­ca­tion de son livre Les Orig­ines du total­i­tarisme2, l’histoire d’une pen­sée en devenir, en action, en partage. 

SD Ce pro­jet est né d’une image que tu as eue : Han­nah Arendt en train de danser, entourée de sa « tribu3 ». Han­nah Arendt a écrit : « les mots justes trou­vés au bon moment sont de l’action ». En t’attachant à ce per­son­nage, tu ne voulais pas créer un théâtre didac­tique mais un théâtre de la pen­sée en action.

MS Oui. La pre­mière image a été char­nelle. Cette image dansante m’a tra­ver­sée : elle cristalli­sait tout ce que j’avais pu appréhen­der d’Arendt. C’est, somme toute, l’idée niet­zschéenne4 d’une pen­sée en mou­ve­ment car ancrée dans un corps5. Je voulais par­ler de ce qui précède la créa­tion, évo­quer le chem­ine­ment plutôt que le résul­tat de la pen­sée. Arendt se dis­tingue d’autres philosophes en ce qu’elle insiste sur le mou­ve­ment, le proces­sus de ges­ta­tion, en témoigne son Jour­nal de pen­sée6. Pour cet être pas­sion­né, la pen­sée était tou­jours liée à l’expérience – au risque sinon de n’être que sim­ple opin­ion. Ce « penser pas­sion­né », selon ses ter­mes, esquis­sait dans mon imag­i­naire un per­son­nage extrême­ment théâ­tral. 

SD Amor Mun­di (l’amour du monde, le souci du monde), à tra­vers la fig­ure d’Arendt, résonne bien enten­du avec notre actu­al­ité. Voulais-tu abor­der la ques­tion de la féminité dans la démarche artis­tique ?

MS Je voulais dress­er un por­trait de cette femme rare. La jeune Arendt s’était pré­parée à traduire, com­menter des textes grecs, vivre une vie de chercheuse. La guerre l’a déviée de ce pro­jet. L’Histoire a fait d’elle une réfugiée. Cela a totale­ment frac­turé ses per­spec­tives. Cette ren­con­tre avec l’événement me pas­sion­nait. Sa rigueur dans la réponse à l’événement his­torique, une sin­gu­lar­ité, une inflex­i­bil­ité…, là se situe, à mon sens, le trait féminin (je suis une incor­ri­gi­ble lacani­enne !). Lors de leur arrivée aux États-Unis, son mari a fait une dépres­sion. Elle, elle appre­nait l’anglais. Par ailleurs, Arendt ne réfléchis­sait pas en ter­mes de genre. Elle n’est pas une fig­ure fémin­iste au sens strict. Elle ne se posi­tion­nait pas en philosophe mais en théorici­enne poli­tique. Ni fémin­iste, ni philosophe, en quelque sorte. À un jour­nal­iste l’interrogeant sur le fait d’être la pre­mière femme à don­ner un sémi­naire de théorie poli­tique, elle répondait : « Cela ne me dérange pas, j’ai tout à fait l’habitude d’être une femme ». Façon sub­tile de se présen­ter comme déjà éman­cipée, de ramen­er l’interlocuteur au vrai sujet : le sémi­naire poli­tique, pas le genre de celle ou celui qui le donne. La sin­gu­lar­ité d’un/une artiste, ou dans ce cas d’une théorici­enne poli­tique, tient d’abord à son regard sur le monde dont la féminité fait par­tie mais ne recou­vre pas tout. De même, mon tra­vail de mise en scène tend à l’émergence d’une spé­ci­ficité artis­tique plutôt qu’au « traite­ment féminin » d’un sujet.

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Myriam Saduis
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Sabine Dacalor
Après une maîtrise de lettres modernes à la Sorbonne – Paris IV et diverses expériences...Plus d'info
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