Le terrain était, de toute évidence, propice. Coiffé, sur la moitié de sa longueur, de plusieurs rangées de panneaux solaires, l’Opéra de Göteborg est, et demeure, en dépit du quart de siècle écoulé depuis son inauguration, à la pointe de la transition énergétique. La présence, au sein de l’institution, du Miljögruppen, en charge des questions environnementales et de la durabilité, en est d’ailleurs plus qu’un signe, le véritable moteur. Ces préoccupations ne sont donc en aucun cas, ainsi que le remarque Stephen Langridge, directeur artistique de 2012 à 2019 – fonction qu’il occupe désormais au très prestigieux Festival de Glyndebourne –, la vague traduction d’un « diktat venu d’en haut », mais la conséquence, éminemment tangible, car résolue, d’une « lame de fond ».
Lors de sa première visite dans le théâtre, le metteur en scène britannique se sentait déjà concerné par les problématiques liées au changement climatique. Sans doute cette conscience fut-elle affûtée à l’occasion de l’Amedalsveckan, rendez-vous annuel, sur l’île de Gotland, de tout ce que la Suède compte de partis politiques et de groupes de pression, où il s’orienta, faute de connaissances linguistiques, vers les conférences et débats tenus en anglais, traitant invariablement de durabilité et d’écoresponsabilité. Comment appréhender ces sujets d’un point de vue artistique ? Comment les intégrer à une réflexion dramaturgique ? À quelles œuvres les appliquer ? Autant d’interrogations qu’il devient difficile d’éluder dans l’élaboration d’une programmation. Les affinités, tant de l’orchestre, que des chanteurs de la maison, et plus largement scandinaves, avec le répertoire romantique allemand, n’ont certes pas manqué de peser dans la balance. Et c’est ainsi qu’à la liste des opéras de Wagner joués à Göteborg, s’est ajouté Der Ring des Nibelungen. « La Tétralogie contient autant de sujets qu’il y a d’êtres humains pour l’aborder, remarque Stephen Langridge, mais l’un d’eux est certainement la destruction de la nature. Le premier grand crime de Wotan est de briser une branche du Frêne du monde (der Weltesche) – c’est, en somme, la destruction par l’homme de sa propre nature, comme de celle qui l’entoure. Mon intention était de pousser aussi loin que possible dans une direction durable – avec quatre productions en une, l’expérimentation n’en était que plus intéressante. J’ai beaucoup réfléchi à la meilleure façon de mener à bien cette aventure. Ce n’est pas la peine de monter le Ring, si on n’a pas une grande idée courageuse. Notre projet est donc devenu aussi bien artistique, que politique. À la fois dans le contenu, et le processus. Mais sans s’accrocher à un concept unidimensionnel. Une part de notre responsabilité était, en effet, de raconter cette histoire aussi clairement que possible. »