Tom Pauwels est compositeur et musicien, directeur d’ICTUS, un ensemble musical contemporain qui collabore à l’internationale et de façon étroite avec des chercheurs et artistes venus du théâtre, de la danse et de la performance.
Qui êtes-vous Tom Pauwels ?
Haha, vous commencez fort ! Il nous faudra au moins quarante séances. Plus sérieusement, je suis guitariste, pédagogue (j’ai fondé un programme de postmaster en 2009 au KASK, le conservatoire de Gand) et curateur d’ICTUS, un ensemble de musique moderne fondé en 1994 à Bruxelles. En tant que curateur, une fonction que je partage avec Jean-Luc Plouvier, j’essaie de comprendre dans quelle direction l’ensemble évolue, ce dont les musiciens ont besoin et ce qui peut être fait par les organisateurs, les maisons qui nous reçoivent, pour soutenir au mieux notre travail. ICTUS a 25 ans et certains des pères fondateurs sont toujours présents, loyaux et inventifs, ils ont été capables de se remettre en question. Moi j’ai 46 ans, j’appartiens à la deuxième génération, et ensuite vient la troisième génération, qui a d’autres capacités musicales et amène de nouveaux horizons artistiques. Mon boulot est de voir comment nous pouvons travailler ensemble, avec cette constellation de forces. Et bien sûr, je suis aussi toujours guitariste.
Je viens d’une famille de musicien·ne·s amateur.rice.s où il était absolument évident que j’étudierai la musique ; c’est quelque chose que je n’ai jamais remis en question. J’ai commencé par faire de la guitare classique ; en fait mon rêve était de jouer de la harpe, mais elles coûtaient trop cher. Adolescent, j’étais bon à l’école sans faire beaucoup d’efforts, mais rien ne me passionnait. La musique en revanche faisait naître en moi des sentiments très forts, mêlés de terreur et d’émer- veillement en même temps qu’une émotion profonde et du désir. Je savais que je me devais d’essayer d’y arriver, d’aller au-delà de cette peur et j’adorais la magie de la performance même si je souffrais beaucoup du trac. À 18 ans, je suis donc venu à Bruxelles pour faire le Conservatoire et comme j’étais le seul guitariste de ma classe, j’ai tout de suite eu de nombreux concerts. De plus, à l’époque, la communauté flamande injec- tait beaucoup d’argent dans la scène artistique bruxelloise, la ville était en train de naître à elle- même, de devenir cet épicentre des arts qu’elle est aujourd’hui. Mon rêve était de rejoindre ICTUS : je voulais travailler à ce niveau-là, avec ces gens-là dont je savais qu’ils m’obligeraient à grandir artistiquement, ce que j’ai fait après avoir joué pendant plusieurs années avec mon propre ensemble, Black Jacket’s Company.
Pour ce qui est de mes influences, la prin- cipale est sans nul doute Helmut Lachenmann, le grand compositeur allemand, qui a par exemple écrit des partitions dans lesquelles ne sont notés que le rythme et les gestes du corps, ce qui a été crucial, car je cherchais justement à trouver un moyen d’utiliser mon corps comme moyen d’expression. J’ai dévoré son livre Musik als existentielle Erfahrung, un pamphlet postmarxiste qui déconstruit la musique, s’attaque aux maisons d’opéras, etc., et qui m’a énormément marqué. Je l’ai rencontré par la suite, un homme très charismatique qui a déterminé beaucoup de choses pour moi. Ensuite, il y a mes ami·e·s, au premier rang desquel·le·s David Helbich, Maud Le Pladec, Matthew Shlomowitz et Eva Reiter.
Pouvez-vous nous en dire plus sur ICTUS ?