Myriam van Imschoot est une artiste sonore qui a pour matériau de prédilection la voix. Sa dernière œuvre, Mars, avec le YouYou group, fut créée en avril 2021 à Bruxelles et présentée en septembre de la même année au Centre Pompidou à Paris.
Cela fait environ quinze ans que tu développes un travail multidisciplinaire autour du son et de la voix. Comment est né cet intérêt pour le son ? Peux-tu nous expliquer comment cet intérêt s’est développé au sein de ton parcours ?
Je n’ai pas une formation classique qui dit « voilà je suis compositrice, ou chanteuse, ou metteuse en scène ». Je me sens quelqu’un de syncrétique qui a créé sa voix/voie. Après mes études en linguistique et en philologie germanique avec une orientation vers la philosophie et une spécialisation en théâtre, j’ai travaillé en tant que chercheuse, écrivaine, dramaturge. Ce parcours a glissé vers la pratique. En 2006, j’ai commencé mon propre travail artistique.
Pour moi, le travail avec le son se trouve dans un triangle des Bermudes composé par le jeu, la crise et la biographie. C’est le jeu parce qu’écouter le son et faire du son appartiennent à cet ordre. C’est quelque chose qui m’attire, une jouissance. C’est la crise, selon cette sensation que le son peut nous sauver quand on a besoin de comprendre un monde en transition. Le son fonctionne comme un outil de diagnostic. Et c’est aussi la biographie. J’ai parlé tard dans ma vie. Dans mon premier spectacle, un solo qui s’appelle Living Archive datant de 20111, j’ai mimé mon rapport au langage et mon amour compulsif pour les enregistrements. Il y avait un monologue ou je ‘scratchais’ les mots, je les avalais afin de les vomir, « a stuttering machine » (littéralement machine à bégayer ou machine bégayante). C’est un spectacle qui part de la question : que reste-t-il de ma vie si je ne regarde que les traces sonores fragmentaires ?
En travaillant là-dessus, je me suis rendu compte que le désir compulsif d’avoir des traces sonores était déjà un héritage de mon père, qui travaillait avec un sonar dans l’armée. Dans la famille, il ne faisait que des prises de son au lieu de prendre des photos. En travaillant sur cette pièce, je n’avais aucune idée que j’allais découvrir une archive sonore cachée de ma famille, avec des journaux intimes, des lettres lues, etc. Dans la pièce, je me suis laissée habitée par les autres voix comme une ventriloque. Les voix parlaient à travers moi, elles sortaient des walkmans, enregistreurs, etc. que je portais et manipulais sur scène. Et moi, j’étais muette, sauf quand de temps en temps je chantais. Et je pense vraiment que les voix des autres venaient avant la mienne.
Comment choisis-tu les voix avec lesquelles tu travailles ?