Arts du cirque, un intérêt nouveau pour le jeune public

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Arts du cirque, un intérêt nouveau pour le jeune public

Le 8 Mai 2025
iRRooTTaa, par la compagnie Grensgeval © Michiel Devijver
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iRRooTTaa, par la compagnie Grensgeval © Michiel Devijver
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Article publié pour le numéro

Les artistes de cirque con­tem­po­rain sont de plus en plus nom­breux à s’adresser spé­ci­fique­ment aux enfants. Qu’ils soient jon­gleurs, acro­bates ou met­teurs en scène, leurs spec­ta­cles trait­ent, bien sou­vent, de la valeur essen­tielle du jeu, voie d’exploration et de créa­tion.  

Lors de son édi­tion 2025, Spring, le fes­ti­val inter­na­tion­al des « nou­velles formes de cirque en Nor­mandie », accueil­lait au sein de son ample pro­gram­ma­tion une dizaine de spec­ta­cles pen­sés pour la jeunesse de dif­férents âges1. Ce nom­bre, en aug­men­ta­tion par rap­port aux édi­tions précé­dentes, reflète une réal­ité : de manière régulière ou ponctuelle, les artistes cir­cassiens ori­en­tent davan­tage leur tra­vail vers le jeune pub­lic, avec une écri­t­ure adap­tée et un for­mat plus court. Jusqu’au début des années 2010, la plu­part des com­pag­nies de ce secteur préféraient s’adresser au pub­lic « famil­ial » ou « ado et adulte » plutôt qu’à l’enfance, une tranche d’âge à laque­lle on asso­cie tra­di­tion­nelle­ment les arts de la piste. Noe­mi De Cler­cq, direc­trice du Cir­cus Cen­trum, une struc­ture de sou­tien au cirque en Flan­dre, le con­state : « Dans la lutte pour la recon­nais­sance du cirque comme art à part entière – et donc pour les adultes –, la ten­dance a été d’arrêter de faire des spec­ta­cles pour les enfants. » En 2014, en France, on compt­abil­i­sait moins de 5 % des pro­duc­tions qui s’adressaient à ces derniers2.

Pour autant, le « cirque voyageur » avec son chapiteau restait un motif poé­tique large­ment exploité dans les pro­duc­tions pour la jeunesse. Dans le théâtre d’objets en par­ti­c­uli­er, on a vu fleurir des vari­a­tions sur le cirque minia­ture en référence à l’installation-performance du célèbre sculp­teur Alexan­dre Calder3. L’artiste Damien Bou­vet a ain­si recréé de manière toute per­son­nelle le monde de la piste dans Petit cirque et les petits toros (sic), solo clow­nesque ten­dre et poé­tique, à par­tir de 3 ans, devenu un « clas­sique » de la créa­tion jeune pub­lic (encore au réper­toire de l’artiste depuis 1995). 

Aujourd’hui, l’of­fre de spec­ta­cles de cirque con­tem­po­rain spé­ci­fique­ment des­tinés aux jeunes spec­ta­teurs s’est étof­fée. Richard Fournier, directeur du Plon­geoir, au Mans, l’un des 15 pôles cirque nationaux en France, en témoigne : « Un nom­bre crois­sant de com­pag­nies ont le désir, mais aus­si l’expertise néces­saire, pour s’adresser aux enfants. Elles font preuve de matu­rité artis­tique, avec des pièces struc­turées offrant une dou­ble lec­ture : elles réus­sis­sent à s’adresser à la fois aux petits et aux grands. Je pense, par exem­ple, à Noé de Groupe Noces, où la choré­gra­phie, avec une forte den­sité acro­ba­tique, traite de l’éducation des garçons dans une per­spec­tive égal­i­taire. »

L’intérêt des cir­cassiens pour ce pub­lic jusque-là délais­sé a pu être aigu­il­lon­né par des insti­tu­tions, comme l’Académie Fratelli­ni4. Depuis 2012, l’École supérieure des arts du cirque, implan­tée à Saint-Denis (Île-de-France), sol­licite chaque année une per­son­nal­ité pour écrire un spec­ta­cle à des­ti­na­tion des class­es de mater­nelle, inter­prété par deux appren­tis en fin de cur­sus5. Pour les jeunes en inser­tion pro­fes­sion­nelle, cette pro­duc­tion est l’occasion d’un pre­mier con­tact avec un pub­lic mécon­nu. Sou­vent aus­si pour l’artiste con­cep­teur du spec­ta­cle. Grâce à l’invitation de l’Académie Fratelli­ni, par exem­ple, la per­formeuse Jeanne Mor­doj a com­mencé à déclin­er pour l’enfance la recherche qu’elle mène autour du corps et de la matière. Il y eut d’abord Fil­fil (2016), puis Cousumain (en tournée depuis 2021) – des spec­ta­cles qu’elle a décidé d’intégrer au réper­toire de sa com­pag­nie. 

Com­ment les auteurs de cirque s’adressent-ils aux plus jeunes ? Un cer­tain nom­bre d’entre eux font réson­ner l’approche cir­cassi­enne basée sur l’agilité et la dex­térité avec la propen­sion enfan­tine au jeu et à la créa­tiv­ité. L’« acro-danse », les spé­cial­ités sur agrès qui ampli­fient le déséquili­bre, l’envol ou la vitesse, ou encore la manip­u­la­tion et le lancer d’objets ser­vent de bases à un lan­gage con­cret immé­di­ate­ment ressen­ti par les plus petits. L’acte physique peut don­ner corps à l’élan d’exploration qui les tra­verse – élan qui est un moyen de con­nais­sance du monde, des autres, de soi-même. 

Trait(s), par Coline Garcia, compagnie Scom ©Vincent Muteau
Trait(s), par Col­ine Gar­cia, com­pag­nie Scom ©Vin­cent Muteau

La per­for­mance peut con­sis­ter à créer un petit univers. C’est ce que donne à voir L’Après-midi d’un foehn de Phia Ménard (en tournée depuis 2011) : un mys­térieux chef d’orchestre masqué découpe sous nos yeux des mar­i­on­nettes dans de banals sacs en plas­tique avant de les faire s’envoler dans un spec­tac­u­laire bal­let aérien, tan­tôt trag­ique, tan­tôt féerique, sur la musique de Debussy. Cette « pièce de vent », selon les mots de la créa­trice, offre un con­den­sé de sa recherche à la portée d’un enfant de 4 ans6. Avec Trait(s) de la com­pag­nie Scom (en tournée depuis 2021), Col­ine Gar­cia con­vie le pub­lic (à par­tir de 3 ans) à ce qui ressem­ble à un hap­pen­ing : un mélange de pein­ture en direct, d’équilibre sur roue Cyr et de musique impro­visée. L’acrobate se sert de son agrès comme d’un pinceau pour trac­er des lignes et dessin­er des fig­ures sur du papi­er dis­posé au sol, révélant le rap­port entre le geste et l’empreinte. La met­teuse en scène, engagée dans le jeune pub­lic depuis 2016, souhaitait explor­er le cer­cle tout en ren­dant hom­mage aux pein­tres Miró et Kandin­sky7. Dans Cousumain, déjà cité, 48 boîtes à cig­a­res four­nissent les élé­ments d’un jeu de con­struc­tion à faire s’effondrer, à recon­stru­ire et à mod­i­fi­er sans cesse, avec jubi­la­tion. Dans ce duo, le jonglage et les fig­ures de mains à mains par­ticipent à mon­tr­er le bouil­lon­nement de l’invention tous azimuts, au sein duquel l’un et l’autre s’apprivoisent.

Cousumain, mis en scène par Jeanne Mordoj, compagnie Bal, produit par l’Académie Fratellini ©Laetitia d'Aboville.
Cousumain, mis en scène par Jeanne Mor­doj, com­pag­nie Bal, pro­duit par l’Académie Fratelli­ni ©Laeti­tia d’Aboville.

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Naly Gérard
Journaliste indépendante spécialisée dans la culture, en particulier dans les arts du spectacle, depuis une...Plus d'info
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