Requiem pour une enfance

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Requiem pour une enfance

Entretien avec Nagao Kazuo

Le 14 Avr 1985
La troupe Byakkosha
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Article publié pour le numéro
Le butô et ses fantômes-Couverture du Numéro 22-23 d'Alternatives ThéâtralesLe butô et ses fantômes-Couverture du Numéro 22-23 d'Alternatives Théâtrales
22 – 23
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Il n’y a pas que pour ses acteurs, dra­maturges-met­teurs en scène, fon­da­tions cul­turelles et publics (entre autres) que le théâtre japon­ais pra­tique le sys­tème des vas­es non com­mu­ni­cants : la cri­tique elle-même met un point d’hon­neur à refléter fidèle­ment le jeu de démar­ca­tions étanch­es qui régit la vie théâ­trale, On n’est pas, au Japon, « cri­tique dra­ma­tique » tout court :comme on déclin­erait ses nom, prénom, date de nais­sance et rési­dence prin­ci­pale, le spé­cial­iste pré­cise aus­sitôt son ter­rain — théâtre médié­val unique­ment, kyô­gen1 essen­tielle­ment, école Izu­mi surtout, avec une prédilec­tion pour les rôles d’a­do2. Et quand les con­traintes formelles (dynas­ties de rôles, enseigne­ment réservé ou, dans les revues elles-mêmes spé­cial­isées, l’at­tri­bu­tion rigoureuse des colonnes) ne suff­isent pas à étouf­fer dans l’œuf les voca­tions œcuméniques3, la « pres­sion morale » de la tra­di­tion prend le relais pour éviter du moins que ça se sache.

Si Nagao Kazuo, spé­cial­iste à la fois du pres­tigieux théâtre nô et de la scan­daleuse danse butô (mais dans des pub­li­ca­tions dif­férentes), est une excep­tion fla­grante à la règle des chapelles, il ne lui avait pas pour autant sem­blé judi­cieux de ten­ter une com­para­i­son entre les deux styles — et où pub­li­er, d’ailleurs, le résul­tat de ses réflex­ions, puisque les organes con­sacrés à l’une des deux chapelles ignorent l’autre superbe­ment ?

Nagao Kazuo : Nô et butô ? Curieuse ques­tion ! Mais voyons… Il y a bien, oui, les Vingt-sept nuits des qua­tre saisons, cette danse créée il y a une dizaine d’an­nées par Hijika­ta, sur un tem­po extrême­ment lent qui évo­quait le nô à s’y mépren­dre… Mais cette ressem­blance, Hijika­ta la rap­por­tait explicite­ment aux sou­venirs d’en­fance qui lui avaient inspiré ce spec­ta­cle et aux hivers rigoureux du Tôhoku, sa région natale, quand il fait si froid qu’on gèle debout — « ça, ajoutait-il, c’est vrai­ment le butô !» Et je suis prêt à croire qu’­ef­fec­tive­ment il s’agis­sait non pas d’une quel­conque copie, alors même que la démarche des danseurs, évolu­ant à pas glis­sés et silen­cieux, se rap­prochait en tout du hako­bi de la danse nô, mais bien d’une con­ver­gence naturelle en fonc­tion d’un sujet com­mun : ce que c’est que d’être japon­ais. Le nô lui-même, après tout, a‑t-il pu faire autre chose que stylis­er l’at­ti­tude naturelle du corps japon­ais, fonc­tion de sa mor­pholo­gie et de son car­ac­tère à la fois ? Et Hijika­ta lui-même, qu’a-t-il fait sinon cela ?

Kasai Aki­ra, lui aus­si — et plus que Hijika­ta — évo­quait sou­vent cer­tains aspects du nô, mais de lui non plus on ne peut pas dire qu’il s’en soit inspiré directe­ment : même sa prédilec­tion mar­quée pour une scène car­rée encadrée de qua­tre piliers d’an­gle ren­voie prob­a­ble­ment moins au nô lui-même qu’à ses arché­types et ébauch­es, tels qu’on les retrou­ve dans les kagu­ra4 des céré­monies shin­to, céré­monies que Kasai con­nais­sait bien pour avoir étudié les anciens arts mar­ti­aux indis­so­cia­bles de ce culte.

On pour­rait citer encore Maro Aka­ji5, qu’on ne con­naît pas à l’é­tranger parce qu’il n’a jamais quit­té le Japon, mais qui est célèbre ici — moins pour sa façon de danser que pour sa façon de se tenir immo­bile. On pense évidem­ment tout de suite à la séquence dite kuse6 dans la struc­ture-type du drame nô, cette par­tie absol­u­ment sta­tique qui peut dur­er jusqu’à quinze ou vingt min­utes mais où, pour peu que l’ac­teur-danseur soit un maître, on ne s’en­nuie pas une sec­onde ! 

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