Le théâtre à l’épreuve du « melting-pot »

Le théâtre à l’épreuve du « melting-pot »

Le 7 Oct 1995
Yoshi Oïda dans L'HOMME QUI, un spectacle de Peter Brook d'après Oliver Sacks. Photo Gilles Abegg.
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Yoshi Oïda dans L'HOMME QUI, un spectacle de Peter Brook d'après Oliver Sacks. Photo Gilles Abegg.
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Article publié pour le numéro
Werner Schwab-Couverture du Numéro 49 d'Alternatives ThéâtralesWerner Schwab-Couverture du Numéro 49 d'Alternatives Théâtrales
49
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Pour Ari­ane Mnouchkine

SI CE TEXTE DÉBUTE par un rac­cour­ci de réc­it, ce n’est point par nar­cis­sisme de l’aveu ou désir d’in­jecter du sub­jec­tif, mais parce que sou­vent, au théâtre, l’ex­péri­ence directe trans­forme une attente dif­fuse ou une crainte non dite en pen­sée. Lestée par le vécu théâ­tral, elle en porte la mar­que au point d’en être indis­so­cia­ble. Ce vécu d’o­rig­ine, on se doit alors de l’évo­quer.

Dans la Cour du Palais des Papes, presque col­lé à la lèvre du grand plateau, ayant à côté une amie argen­tine et quelques jeunes cri­tiques européens, je me livrais à l’ex­er­ci­ce agréable de la revis­i­ta­tion… revis­i­ta­tion des chefs-d’œu­vre de Pina Bausch ! Cela invite tou­jours à com­par­er car les sou­venirs d’épo­ques suc­ces­sives se jux­ta­posent sur fond de con­ti­nu­ité de l’œu­vre vivante qui, elle, par rap­port au livre ou au tableau, bouge tout de même. Dou­ble méta­mor­phose, du sujet et du spec­ta­cle. Lente­ment, le regard oublieux de la danse se déplaça vers les danseurs et LE SACRE DU PRINTEMPS me toucha par la dépense extrême de ces êtres du monde réu­nis sur une scène. Sur des corps dif­férents, noirs, blancs, sur des vis­ages de toutes les formes, la sueur per­lait d’abord pour couler ensuite démesuré­ment… l’ef­fort reli­ait l’ensem­ble bigar­ré dont la diver­sité plané­taire se présen­tait dans une belle entente. L’acte scénique par­ve­nait à réu­nir un groupe d’êtres humains. Par­ delà la diver­sité ini­tiale, l’u­nion finale ! Le sen­ti­ment était de pléni­tude.

Quelques jours plus tard, bon­heur inespéré et peut-être immérité, j’é­coutais au Mozar­teum à Salzbourg un con­cert dirigé par le vieux maître hon­grois San­dor Vegh dont le vis­age d’oc­togé­naire d’outre-sexe rap­pelait celui de Gor­don Craig… Vis­age d’in­no­cence sur un corps rai­di dont les bras désar­tic­ulés sem­blaient être ceux d’une poupée au terme de sa car­rière. Mais de la salle, je ne ces­sais pas de m’imag­in­er la bril­lance du regard qui dirigeait ce jeune orchestre où, une fois encore, le tra­vail réu­nis­sait des artistes de tous les coins du globe. Le maître accom­pli et les musi­ciens du monde… ensem­ble ils pro­dui­saient de la paix.

Chaque fois, la dif­férence cul­turelle, raciale, sem­blait être dis­soute par l’ex­er­ci­ce de l’art, la musique ou la danse que Béjart avait util­isées, il y a trente ans déjà, pour faire de la IXe SYMPHONIE, la preuve pro­gram­ma­tique d’une alliance des êtres par­ delà toutes les ségré­ga­tions. Ce qui chez Béjart sem­blait alors naïf car trop explicite, deve­nait chez Pina Bausch ou San­dor Vegh réal­ité implicite. Elle ne cher­chait pas à s’ériger en dis­cours et se présen­tait unique­ment comme don­née du tra­vail, ter­rain nourrici­er indis­pens­able, mais pas impéra­tive­ment évi­dent, que le spec­ta­teur reste libre de pren­dre en compte ou d’ig­nor­er. Cette unité-là ras­sure. L’u­nité obtenue par la pra­tique même de l’art va de soi. Le sens qu’elle dis­pense, bien que sub­rep­tice­ment, récon­forte. Il n’a rien de per­tur­ba­teur, l’a­paise­ment de la sépa­ra­tion devient pos­si­ble. Parce qu’i­ci l’art l’emporte sur l’his­toire, et l’u­nité sur la divi­sion, il donne des raisons d’e­spér­er.

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Georges Banu
Écrivain, essayiste et universitaire, Georges Banu a publié de nombreux ouvrages sur le théâtre, dont...Plus d'info
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