Delphine Peraya, une nouvelle auteure de théâtre

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Delphine Peraya, une nouvelle auteure de théâtre

Le 25 Nov 2021
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L’arrivée d’une mai­son d’édition de textes de théâtre en Bel­gique fran­coph­o­ne est trop rare pour ne pas être saluée et encour­agée ! C’est au cœur de la pandémie, en 2020, qu’Aurélie Vau­thrin-Ledent a fait le pari un peu fou de soutenir la créa­tion théâ­trale par l’édition en lançant, dans une démarche coopéra­tive, une col­lec­tion de petits livres de théâtre au for­mat A5 et au prix de 10 euros (!) sous le joli nom de « les oiseaux de nuit ».

J’ai vu, par plaisir et par pro­fes­sion, des cen­taines (plusieurs mil­liers ?) de spec­ta­cles de théâtre. Curieuse­ment, grand lecteur de romans, d’essais poli­tiques ou philosophiques, je lis rarement des pièces de théâtre… C’est pour­tant la ren­con­tre avec cer­taines d’entre elles qui m’ont fait bas­culer, durant une courte péri­ode de ma vie, vers la mise en scène : moment cap­ti­vant de la tra­duc­tion des textes vers la scène, de l’incarnation des mots dans le corps des actri­ces et des acteurs, gour­man­dise des mots qui s’échappent vers le pub­lic, fas­ci­na­tion pour une pen­sée en acte et les émo­tions qu’elle pro­cure.

Un heureux hasard a voulu que je ren­con­tre une jeune artiste qui fait ses pre­miers pas dans l’écriture de textes de théâtre et que « les oiseaux de nuit » ont eu le bon goût d’éditer. Sous le titre étrange (mais judi­cieux) « C’est lorsque le glaçon a totale­ment fon­du que l’eau est la plus froide », Del­phine Per­aya a écrit un très beau texte aux lec­tures plurielles et qui m’apparaît comme une for­mi­da­ble matière à jouer.

Je ne sais si l’auteure a lu « la dis­pari­tion », cet éton­nant texte de Georges Per­rec, 300 pages écrites sans la let­tre e, mais je crois savoir que la dis­pari­tion est un thème qui la ques­tionne depuis l’enfance et qu’on retrou­ve en fil­igrane tout au long du réc­it. À l’occasion d’un aménagement/déménagement, un cou­ple de deux jeunes femmes s’interrogent sur la place des objets en même temps que sur la dif­fi­culté de com­mu­ni­quer entre elles leurs sen­ti­ments. Entre les dia­logues menés par Sacha et Camille, un per­son­nage de petite fille inter­vient (sera-t-il une voix off dans le spec­ta­cle ? ou un per­son­nage représen­té que les pro­tag­o­nistes ne voient pas — un défi à relever pour la mise en scène) qui est à la fois une sorte de voix intérieure des per­son­nages, mais aus­si un regard extérieur sur eux pour met­tre leurs com­porte­ments et agisse­ments en per­spec­tive.

Entrelacé dans ce pre­mier réc­it s’en glisse un autre qui abor­de au tra­vers du dia­logue entre trois femmes (appelées ici « trois généra­tions ») le thème de la mémoire — un con­cept proche de celui de la dis­pari­tion, d’autant qu’est mise en avant ici la ques­tion de sa perte par la « pre­mière généra­tion » qui oscille entre présence et absence à la réal­ité, expéri­ence qu’ont vécu et que vivent douloureuse­ment toutes celles et ceux qui ont vu se dégrad­er les capac­ités de dis­cerne­ment d’un proche.

On pour­rait penser par la descrip­tion que je viens d’esquisser de l’univers dans lequel baigne « C’est lorsque le glaçon… » qu’il s’agit d’une pièce austère et sévère. Il n’en est rien.

Le tal­ent de Del­phine Per­aya fait se mêler dans son réc­it la grande et la petite his­toire, le con­cret de la vie quo­ti­di­enne et une pen­sée inter­rog­a­tive et lucide sur le monde, une écri­t­ure qui mêle approche prosaïque et dimen­sion poé­tique, de petites dos­es d’humour bien­v­enues, tout ce qu’il faut pour que des actri­ces s’emparent de ce texte orig­i­nal et touchant et le parta­gent avec le pub­lic.

Affiche lors du Festival Cocq'Arts 2020
Affiche lors du Fes­ti­val Coc­q’Arts 2020

Mais le texte existe aus­si par sa qual­ité lit­téraire et sa dynamique pro­pre, et devrait ravir le lecteur curieux de nou­velles inven­tions d’écriture.

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Delphine Peraya
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Bernard Debroux
Bernard Debroux
Fondateur et membre du comité de rédaction d'Alternatives théâtrales (directeur de publication de 1979 à...Plus d'info
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