La petite maison sans grâce entraîne l’adhésion des spectateurs.

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La petite maison sans grâce entraîne l’adhésion des spectateurs.

Le 19 Fév 2016
Philippe Jeusette dans "J'habitais une petite maison sans grâce, j'aimais le boudin" de Jean-Marie Piemme. Photo © Alice Piemme.
Philippe Jeusette dans "J'habitais une petite maison sans grâce, j'aimais le boudin" de Jean-Marie Piemme. Photo © Alice Piemme.
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Lorsque Philippe Jeusette m’a pro­posé de jouer des moments de Spout­nik, un texte auto­bi­ographique, j’ai dit oui immé­di­ate­ment, c’est un acteur puis­sant qui sait alli­er force et finesse, vio­lence et fan­taisie, et trou­ver le con­tact avec le spec­ta­teur. Et Lorsque Vir­ginie Thiri­on a pro­posé de trans­former le mono­logue en un spec­ta­cle à trois per­son­nages, intro­duisant, out­re le Je qui par­le, la fig­ure de la mère et last but not least un musi­cien qui au besoin pren­dra la parole, j’y ai vu une ouver­ture du texte vers le spec­ta­teur. L’erreur aurait été d’enfermer le texte dans son pro­jet auto­bi­ographique, de le soci­ol­o­gis­er, de le faire fonc­tion­ner comme une illus­tra­tion des années 1950. Sa visée uni­ver­sal­isante en aurait été con­sid­érable­ment réduite. Au con­traire en intro­duisant un musi­cien (Éric Ron­sse) et ses com­po­si­tions musi­cales dans l’affaire, en prévoy­ant dans le par­cours du texte des ouver­tures imag­i­naires (pas­sage du spout­nik, inter­pré­ta­tion d’une chan­son d’Elvis Pres­ley par Philippe Jeusette), la dimen­sion doc­u­men­taire, local­isée, ouvre le texte à une dimen­sion fic­tion­nelle. L’évocation visuelle des années d’enfance n’a pas dis­paru. Elle sub­siste dans quelques rares pho­tos pro­jetées, un bout de film, et prin­ci­pale­ment dans la repro­duc­tion d’une cui­sine ouvrière, plan­tée sur une petite tour­nette entre les pieds de pro­jecteurs posés sur le plateau, comme cita­tion d’un espace réal­iste, util­isé parci­monieuse­ment par les acteurs, l’espace prin­ci­pal étant plutôt le reste du plateau où est plan­té ce petit décor. Musique, scéno­gra­phie et mise en jeu con­courent ain­si à ce que le Je-vrai de la nar­ra­tion devi­enne un Il-de-ce-temps-là dont on racon­te l’histoire aujourd’hui. Le biographique du texte sol­licite ain­si plus facile­ment le biographique de cha­cun. Et cha­cun peut se retrou­ver dans une his­toire qui n’est pas la sienne. Le geste de mise en scène accom­plit un mou­ve­ment de mise à dis­tance des faits déjà act­if dans la teneur affectueuse­ment ironique de l’écriture. Je n’ai pas assisté aux répéti­tions. Je suis arrivé con­fi­ant à la pré-générale. Au vu du spec­ta­cle, j’ai été embal­lé… et désarçon­né. De me voir sur scène dans un corps rad­i­cale­ment autre que le mien m’a sur­pris, comme si me regar­dant dans un miroir, j’y voy­ais un moi-même inat­ten­du. Mais d’entendre les mots de mon exis­tence proférés sur une scène de théâtre m’a ramené à une lec­ture per­son­nelle de mes sou­venirs que je croy­ais évac­uée par l’écriture. Alors que je con­nais chaque mot du texte, l’émotion m’est venue d’un coup, comme si je ne le con­nais­sais pas. Mon cerveau recon­nais­sait la qual­ité du tra­vail, mais mon corps était inca­pable de vivre le spec­ta­cle comme un spec­ta­cle. J’étais dans un no man’s land, écartelé entre le passé et le présent, inca­pable d’être le spec­ta­teur que j’étais. Et inca­pable de revenir à l’enfant que j’avais été, autant que de ne pas y revenir. L’embouteillage men­tal et affec­tif s’est estom­pé après avoir vu quelques fois le spec­ta­cle. Du texte vrai-pour-moi, je suis passé à la recon­nais­sance d’une fic­tion vraie-pour-tous. L’émotion est d’une qual­ité autre. Moins due à la recon­nais­sance du vécu qu’à la qual­ité de la propo­si­tion scénique, elle acquiert une force artis­tique, elle devient l’émotion-plaisir que donne le théâtre quand il est bien mené.

Le spectacle J'habitais une petite maison sans grâce, j'aimais le boudin est à voir du 16 février au 5 mars 2016 au Théâtre Varia. 

Avec Philippe Jeusette, Eric Ronsse, Claire Bodson | Composition Musicale Eric Ronsse | Scénographie Sarah De Battice avec l’aide de Philippine Boyard | Construction Laurent Notte, Philippine Boyard, Margaud Carpentiers | Costumes Elise De Battice | Réalisation des images Alice Piemme, Tawfik Matine | Création et Régie Lumière Eric Vanden Dunghen | Assistanat Tawfik Matine | Adaptation et Réalisation Philippe Jeusette, Virginie Thirion

Un spectacle du Collectif Travaux Publics. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, service du Théâtre et du Théâtre Varia. 
J’habitais une petite maison sans grâce, j’aimais le boudin a été créé le 28 novembre 2013 au Théâtre Varia. 
Le texte original Spoutnik est paru aux éditions Aden en 2008, Collection « Rivière de Cassis ».
www.jeanmariepiemme.be

 

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Théâtre
HS21 - Accents toniques
31
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Jean-Marie Piemme
Auteur, dramaturge. www.jeanmariepiemme.bePlus d'info
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