Les rôles d’enfants par Camille Garcia
Entretien
Théâtre
Jeune Public
Portrait

Les rôles d’enfants par Camille Garcia

De L’Adoptée de Joël Jouanneau à Neige de Pauline Bureau

Le 8 Déc 2025
L’adoptée, texte et mise en scène de Joël Jouanneau, 2004, Scène nationale Évreux-Louviers, Évreux © Joël Jouanneau
L’adoptée, texte et mise en scène de Joël Jouanneau, 2004, Scène nationale Évreux-Louviers, Évreux © Joël Jouanneau

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L’adoptée, texte et mise en scène de Joël Jouanneau, 2004, Scène nationale Évreux-Louviers, Évreux © Joël Jouanneau
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Entre­tien avec Camille Gar­cia1

Quand j’étais enfant… 

Quand j’étais enfant, je suis tombée grave­ment malade. Une fois que les traite­ments ont fonc­tion­né et que toute cette his­toire s’est résolue, j’ai eu envie de goûter à plein de choses. Théâtre, dessin, danse, j’avais plus de sept activ­ités par semaine ! C’était une soif de vie énorme ! 

J’ai débuté le théâtre à l’âge de neuf ans et j’ai eu la chance de ren­con­tr­er, à Com­piègne, la ville où j’habitais, Vin­cent Mar­tin ain­si que Thier­ry Fer­rer et Lau­rent Vach­er, qui étaient les artistes et pro­fesseurs de l’Acte théâ­tral2, une com­pag­nie de théâtre de rue. Ma semaine était cen­trée sur ces heures d’atelier théâtre du mer­cre­di, rem­plie de joie, de gestes et de sons. À tra­vers toutes sortes de jeux et d’exercices col­lec­tifs ou de recherch­es plus indi­vidu­elles, j’y ai décou­vert des émo­tions etdes sen­sa­tions physiques encore ancrées en moi aujourd’hui. Il y avait égale­ment les spec­ta­cles de fin d’année, qui com­pre­naient une cen­taine d’élèves, toutes généra­tions con­fon­dues : l’Acte théâ­tral voy­ait les choses en grand et investis­sait le grand plateau du Théâtre de Com­piègne. Je me sou­viens, entre autres, du spec­ta­cle Mémoire de vivre : l’histoire d’une femme qui, relisant son jour­nal intime, retra­ver­sait les épreuves de sa vie. Nous inter­pré­tions cela par des tableaux col­lec­tifs et musi­caux qui restent tou­jours gravés en moi.

Donc, mon envie de jouer, elle vient claire­ment à la fois de ce bon­heur trou­vé et de l’exigence de ce théâtre-là.

Le texte théâ­tral, c’est arrivé assez tard …

 J’ai été briève­ment ini­tiée à une pièce de théâtre au col­lège – Le Bour­geois gen­til­homme de Molière – et je me sou­viens encore de ma mère cou­sant mon cos­tume de Mon­sieur Jour­dain en velours bleu. C’est après mon bac, dans les cours de l’école du Samovar (à l’époque rue de Charonne), avec Philippe Dor­moy comme enseignant, que le texte théâ­tral est entré dans ma vie. À l’époque, le Samovar3 n’était pas l’école de clowns qu’elle est dev­enue, mais une école de théâtre avec des cours les plus divers : théâtre de texte, chant, clown, théâtre gestuel, masque, mar­i­on­nettes… L’enseignement était très ouvert et il fal­lait choisir un peu à la carte. En par­al­lèle à ces cours, je suis entrée, en tant qu’actrice pro­fes­sion­nelle, dans la com­pag­nie de l’Acte théâ­tral, avec laque­lle j’avais débuté enfant !

Durant cette même année, j’ai passé le con­cours du Con­ser­va­toire nation­al supérieur d’art dra­ma­tique, où j’ai été sélec­tion­née. Là, j’ai pu appro­fondir le tra­vail du texte avec Philippe Adrien, pour lequel j’ai eu la joie de faire une créa­tion d’Yvonne, princesse de Bour­gogne4 de Gom­brow­icz un peu plus tard, avec Daniel Mes­guich, qui effec­tu­ait un tra­vail au mil­limètre près sur les textes et les scènes, et surtout avec Joël Jouan­neau, avec qui j’ai tra­vail­lé dix ans par la suite. 

Même à l’heure actuelle, je n’ai pas une grande cul­ture théâ­trale. Pen­dant longtemps, le texte n’était pas ce qui m’intéressait le plus : j’adorais les rôles qua­si muets et ça ne me dérangeait pas de ne pas avoir de texte sur le plateau. Avec l’âge cepen­dant, je sens que les choses changent peu à peu. Récem­ment, j’ai joué un long mono­logue. Donc les choses évolu­ent, et plus j’avance dans ma car­rière, plus j’ai des textes con­séquents. 

L’adoptée, texte et mise en scène de Joël Jouanneau, 2004, Scène nationale Évreux-Louviers, Évreux © Joël Jouanneau
L’adoptée, texte et mise en scène de Joël Jouan­neau, 2004, Scène nationale Évreux-Lou­viers, Évreux © Joël Jouan­neau

Les rôles d’enfant

 J’ai véri­ta­ble­ment abor­dé un rôle d’enfant dans L’Adoptée5, un spec­ta­cle jeune pub­lic de Joël Jouan­neau. J’avais le rôle d’un petit garçon étranger et muet qui débar­quait du jour au lende­main chez Pro­colp, une vieille femme rus­tre en pleine cam­pagne. Je ne par­lais qu’à la fin de la pièce, en grom­melot (lan­gage imag­i­naire). Joël Jouan­neau avait une langue très forte, et il jouait telle­ment avec les mots et les sonorités que les adultes étaient désta­bil­isés au niveau du sens, con­traire­ment aux enfants, qui les accueil­laient comme ils venaient. 

Pour jouer l’enfant, on ne va pas le nier, il y a l’avantage de ma petite taille. Je fais très exacte­ment un mètre quar­ante-trois et demi ! Quand je suis seule sur le plateau, c’est moins fla­grant qu’en présence d’autres acteurs : c’est à ce moment-là que cela se voit !  Il y a ma voix aus­si, elle est assez aiguë. J’ai fait beau­coup de fic­tions radio­phoniques, où l’on m’a demandé de pren­dre en charge des voix d’enfants. Grâce au théâtre de rue, j’ai acquis de la puis­sance vocale, mais le spec­tre de ma voix, pas très large, n’était que dans les aigus. Aujourd’hui, j’ai gag­né de l’amplitude !

Pour jouer l’enfant au plateau, deux choses m’importent. D’une part, le cos­tume, qui aide énor­mé­ment. D’autre part, évidem­ment, il y a le tra­vail cor­porel, l’expression des émo­tions et la manière de tiss­er des rela­tions avec les autres comé­di­ens et comé­di­ennes. Dans L’Adoptée, je n’avais pas de texte, alors j’ai beau­coup tra­vail­lé le corps et le rela­tion­nel.  Joël avait écrit ce texte en réso­nance avec son enfance, dans la ferme de ses par­ents. 

En tant que spec­ta­trice, la présence d’un « véri­ta­ble » enfant sur le plateau me fait un peu décrocher, comme celle d’un un ani­mal – si je puis me per­me­t­tre de les associ­er –, car cela m’attire trop l’œil. Un adulte peut très bien jouer ce rôle et la présence de l’enfant peut se trou­ver en soi. En rai­son de la mal­adie qui m’a frap­pée de façon pré­coce, il y a une part d’enfant qui est restée blo­quée en moi (comme c’est le cas pour beau­coup d’acteurs, par ailleurs) et cette chose qui reste, c’est une curiosité de dingue et d’ouverture au monde ! À l’hôpital, quand j’étais malade, j’avais un mag­né­to­cas­sette et j’écoutais Hen­ri Dès. J’avais toutes les cas­settes de ce chanteur, et ses chan­sons, que je con­nais par cœur, ont nour­ri mon imag­i­naire. Mes livres d’enfant, je les ai gardés. Les livres de mes enfants, je les garde aus­si.  

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Portrait de Leyli Daryoush
Écrit par Leyli Daryoush
Leyli Dary­oush (née en 1975 à Téhéran) est musi­co­logue, doc­teure en études théâ­trales (2009) et mem­bre du comité...Plus d'info
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Par Marion Boudier
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