LA MISE EN SCÈNE
Je ne suis pas un metteur en scène, ou du moins il ne me semble pas correspondre à la définition qu’on donne généralement de ce titre. Mon incapacité à expliquer ce que sont Les Troyennes, l’impossibilité dans laquelle je me trouve d’énoncer la moindre affirmation concernant cette expérience, m’incitent à tenter de dissiper toute confusion, et à rappeler quel est mon rôle exact dans ce projet. Ce rôle commence avec le choix. Thèmes, acteurs et espaces trouvent leur raison d’être, deviennent des nécessités, s’imposent à moi au hasard de mes rencontres. Je suis absolument et fondamentalement dépendant de ces coincidences qui aboutiront parfois à la fusion de ces divers éléments en un projet.
Le projet est une aventure qui a pour caractéristique première d’être ça, justement, l’aspiration de plusieurs personnes à la vivre (ce sont les aventures que j’apprécie vraiment, quand j’évoque mes souvenirs ; pas les spectacles, les aventures).

Ce projet conditionne l’année, ou les années, consacrée(s) à sa réalisation : le lieu où je vivrai, avec qui, comment, dans quel climat, sous quel thème… ;il éveille en moi des intuitions de ce que seront les bouleversements que provoquera la fusion de ses données. Vient ensuite l’élaboration proprement dite, la phase active de création, pendant laquelle nous travaillons ensemble, avec l’équipe que j’ai réunie, ou parfois mieux, qui s’est réunie. Cette période est dédiée à la recherche, souvent longue, d’une harmonie entre thème, espace et individus. Atteindre à cette harmonie (fragile), tel est mon but, car c’est elle qui sera le spectacle.
Le projet Les Troyennes procède de la même démarche : il en est l’élargissement, l’aboutissement peut-être. Je me suis trouvé sur de bons chemins, au bon moment, j’ai fait de belles rencontres, et ensuite ma tâche s’est limitée à regarder, à écouter, à provoquer et à canaliser les énergies, en spectateur privilégié.
Seul, il m’est difficile d’évoquer ce que furent et ce que seront Les Troyennes, qui sont, en réalité, le résultat de l’addition des potentialités créatrices d’au moins quarante personnes.
La parole qui m’est donnée sera toujours plus qu’incomplète, fragmentaire.
Choix du texte
J’ai toujours appartenu aux Troyennes. Fréquemment, j’ai parlé des motivations qui justifiaient mon choix de ce texte (bien que ce soit lui qui m’ait choisi, sans doute). J’ai évoqué mon travail sur l’univers féminin, qui était aussi une façon d’explorer ma propre part de féminité. J’ai souligné l’influence des femmes qui ont participé à la construction de ma vie, et cette possibilité qui s’offrait à moi de leur donner enfin une parole absolue. J’ai dit beaucoup de choses (c’est incommensurable tout ce qu’il y a à dire). J’ai débité aussi un certain nombre d’inepties…
Aujourd’hui, nous sommes à la veille des représentations des Troyennes à Bruxelles, six ans après celles de Fastes/Foules avec l’Ymagier Singulier. Et je sais que j’ai voulu raconter aussi cela : la solidarité, puis la dissolution, la quête d’une Unité perdue.






