À L’EXCEPTION des renseignements qu’il donne lui-même dans son autobiographie, nous possédons peu de renseignements sur Thomas Bernhard. Cette biographie, composée de quatre livres, paraît selon un ordre qui ne respecte pas exactement la chronologie puisque le dernier livre paru : « Un enfant » est le livre qui porte sur les douze premières années de sa vie.
Ce livre : « Un enfant », contrairement aux autres volumes, ne comporte pas de sous-titres, ne met pas l’accent sur un thème majeur.
Installés à Vienne, les grands-parents de Thomas Bernhard le prennent en charge à partir de 1932. Au début des années 30, ces grands-parents sont encore au centre de la vie de famille. C’est ainsi que leur fils Farald vit également sous leur toit. Cependant, l’inventeur cocasse qui sommeille en l’oncle Farald — il essaie de mettre au point une casserole qui ne déborde pas ou un moteur à eau — est souvent entraîné à se réfugier dans la clandestinité du fait de son engagement au sein du parti communiste autrichien.
Ami et auxiliaire d’Ernst Fischer, personnage important de la hiérarchie du P.C., l’oncle Farald est souvent recherché par la police à cause de son activisme.
C’est lui, Farald, qui introduit Emile Fabjan dans la famille Freumbilcher. Cet aide-coiffeur épousera en 1937 Herta, la mère de Thomas, devenant ainsi son tuteur, son père nourricier, son parrain.
C’est lui aussi qui bientôt devra pourvoir, par son seul travail, à la subsistance d’une famille oscillant entre cinq et neuf personnes. Bernhard décrira toujours son beau-père avec énormément d’indulgence et de respect.
En 1934, l’Autriche est menacée par la guerre civile. Un régime autoritaire, de type fasciste (italien) arrive au pouvoir. Ce climat politique malsain et menaçant incite les grandsparents à partir pour Seekirchen, sur le Wallersee. Malgré des conditions de vie extrêmement précaires (la famille est obligée de s’installer dans une seule chambre à l’étage du buffet de la gare), cette époque de son existence correspondra dans l’esprit de Bernhard à la seule période heureuse de sa vie.
Il découvre un paradis dans cet univers rural où il s’initie au monde. Si son grand-père tient un rôle primordial dans les découvertes qu’il est entraîné à faire alors, il découvre également l’amitié avec des enfants de son âge. Cependant, cette vie sera également marquée par une fascination de la mort. « Ma place préférée, à Seekirchen, avoue-t-il, c’était dès le tout début, le cimetière ». A l’église, il marque aussi sa prédilection pour la messe des morts.
À cinq ans, il est inscrit à l’école primaire où il passe une brillante (ce sera la seule) première année.
Depuis ce moment-là, sa lecture favorite c’est l’atlas de géographie. 1938 : Un jour, Thomas, se voit annoncer qu’il ira rejoindre ses parents installés en Allemagne. Si cela déclenche les vitupérations du grand-père qui abomine ce pays, il doit se ranger aux arguments avancés : plongé dans une crise économique de plus en plus accusée, le chômage croît démesurément en Autriche. Le seul endroit où Emile Fabjan, son beau-père, soit parvenu à trouver du travail, c’est de l’autre côté de la frontière, à Traunstein en Bavière. C’est ainsi que Bernhard se trouve momentanément séparé de ses grands-parents restés en Autriche, le temps de leur trouver une maison à la campagne.
Bernhard connaît la grande ville (Vienne) et le village à la campagne. Ici, c’est une petite ville dans la région des pré-Alpes de Haute Bavière, qu’il découvre. A Traunstein, sa mère et son beau-père s’installent dans un appartement au-dessus d’un magasin d’articles funéraires !
A l’école où il est inscrit, il est d’emblée désigné comme étranger. « Mon paradis s’est alors transformé en enfer », déclare-t-il. Objet des brimades répétées de la part de ses camarades et de ses professeurs, il pense de plus en plus au suicide.
L’annexion de l’Autriche est dans l’air. Dans la précipitation imposée par les événements, l’oncle Farald se marie avant de rejoindre l’armée du Général Dietl, stationnée, à Narvik, puis à Mourmansk. Bientôt, Emile Fabjan, le beau-père de Thomas Bernhard, sera à son tour incorporé dans l’armée allemande et mourra à la guerre.
Dans l’intervalle, les grands-parents trouvent à se loger à Ettendorf. Le grand-père reçoit le Prix national autrichien de littérature. Personne cependant ne parviendra à déterminer s’il a reçu cette récompense pour les qualités littéraires de son livre ou si le jury a voulu se démarquer des apologies du nazisme qui caractérisent la littérature autrichienne de l’époque.

