Deux dramaturges du Shaba : Katende Katsh M’Bika et Kiluba Mwika Mulanda

Deux dramaturges du Shaba : Katende Katsh M’Bika et Kiluba Mwika Mulanda

Le 15 Juin 1995

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Théâtre d'Afrique Noire-Couverture du Numéro 48 d'Alternatives ThéâtralesThéâtre d'Afrique Noire-Couverture du Numéro 48 d'Alternatives Théâtrales
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À L’ÉPOQUE COLONIALE ou encore dans l’histoire récente, la créa­tion théâ­trale au Sha­ba1 s’est tou­jours affir­mée comme jalouse de ses spé­ci­ficités. Celles-ci s’ex­pliquent notam­ment par Le rôle de pre­mier plan joué par les grandes entre­pris­es minières dans la vie sociale et économique de la région. Le théâtre sha­bi­en s’est, en effet, dévelop­pé grâce à des ini­tia­tives émanant de l’Union minière du Haut Katan­ga et d’autres entre­pris­es, soucieuses, dans une vision colo­niale, d’of­frir « de saines dis­trac­tions » à leurs ouvri­ers. Ces entre­pris­es ont érigé des infra­struc­tures remar­quables, bien sou­vent sans équiv­a­lent dans les autres régions du pays, en ce y com­prise la cap­i­tale, Kin­shasa.2
Après l’indépen­dance, l’aspect insti­tu­tion­nel du théâtre sha­bi­en est resté mar­qué par le spon­sor­ing indus­triel, et en par­ti­c­uli­er par celui de la Gécamines, héri­tière de l’U­nion Minière.3 De ce con­texte découle un théâtre à pré­dom­i­nance didac­tique, à visée moral­isatrice et sociale, mais mar­qué heureuse­ment par la diver­sité des sen­si­bil­ités des créa­teurs.
Non moins remar­quable est la coex­is­tence d’un théâtre en langue française et de créa­tions en langues nationales, dif­fusées notam­ment par la radio et la télévi­sion.4 Des formes tra­di­tion­nelles de théâtre se sont égale­ment per­pé­tuées tels les jeux de masques de l’ethnie Tshok­we, tan­dis que le Bal­let du Sha­ba inscrira à son réper­toire chants et dans­es tirés des folk­lores eth­niques de la région. Syn­thès­es de ces tra­di­tions ances­trales, les créa­tions du Mwon­do théâtre con­naîtront un suc­cès large­ment mérité sur les scènes inter­na­tionales.5 Dans une vision nova­trice, ce groupe puis­era son inspi­ra­tion dans les con­tes et les légen­des de jadis.
En somme, la richesse des pro­duc­tions cul­turelles du Sha­ba, et du théâtre en par­ti­c­uli­er, plaide pour que des études mono­graphiques soient con­sacrées à cette région. Pour ma part, je tâcherai, à par­tir de deux textes de deux dra­maturges par­ti­c­ulière­ment exem­plaires, de dégager les traits spé­ci­fiques du théâtre sha­bi­en6

Katende et Kilu­ba : deux dra­maturges exem­plaires du théâtre du Sha­ba 

J’ai retenu ces deux dra­maturges, d’abord pour la richesse de leur réper­toire qui, par son con­tenu séman­tique et lit­téraire, est essen­tielle­ment des­tiné aux publics urbains de Lubum­bashi, Likasi et Kol­wezi. Ces trois villes résu­ment, à bien des égards, le creuset minier et indus­triel du Sha­ba et en con­stituent les cen­tres névral­giques. Il faut égale­ment soulign­er l’impact qu’’exerce incon­testable­ment l’écri­t­ure dra­maturgique de Katende et de Kilu­ba sur un pub­lic de sco­lar­isés et de let­trés. La strat­i­fi­ca­tion même de ces pop­u­la­tions urbaines, qui sont les des­ti­nataires attitrés sinon naturels des œuvres de ces auteurs, con­stitue un aspect dont on ne saurait faire l’économie. Car le pluri­eth­nisme, inimag­in­able dans un con­texte pré-colo­nial, entraîne des con­fronta­tions et des sym­bios­es qui mar­quent de leur sceau indélé­bile des con­tenus dra­maturgiques imbriqués dans le phénomène plus général des « cul­tures utbaines ».
L’Afrique dont témoignent Katende ou Kilu­ba, et bien d’autres encore, est donc l’héritière des tra­di­tions tout en étant en rup­ture avec celles-ci. Elle est mar­quée pat la coloni­sa­tion, autrement dit soumise à l’acculturation et à ses affres, et guet­tée par l’anomie. Dès lors, ses pro­duc­tions cul­turelles et théâ­trales recè­lent les signes de la quête d’un moi oublié, et la volon­té de revi­talis­er le corps social atteint dans sa chair.
Le con­flit manichéen entre passé et présent se con­stitue en démarche didac­tique et péd­a­gogique visant à la néga­tion d’une cul­ture urbaine vouée aux gémonies, et à la réha­bil­i­ta­tion, sinon à la sur­val­ori­sa­tion, des valeurs du passé, ce dont témoigne la mythi­fi­ca­tion de la tra­di­tion présente dans L’ARBRE TOMBE… de Katende Katsh (CEDPT, Likasi, 1985) ou dans LA CHUTE DU PREMIER EMPIRE LUBA de Kilu­ba (Édi­tions Écho des écrivains zaïrois, Likasi, 1991). 

Natif de Likasi, mail­lon essen­tiel de l’industrie sha­bi­enne, Katende Katsh voit Le jour en 1950. Il accom­plit son cycle pri­maire et sec­ondaire dans sa ville natale avant de rejoin­dre l’Université Lova­ni­um de Kin­shasa, où il s’in­scrit en fac­ulté poly­tech­nique. Ses ambi­tions académiques ayant tourné court, Le dra­maturge en herbe retourne au bercail et se met au ser­vice de la société Afridex qui le compte bien­tôt par­mi ses cadres. Pen­dant une ving­taine d’années, Katende ménage au mieux sa car­rière pro­fes­sion­nelle et sa pas­sion pour les planch­es. C’est à Likasi, cepen­dant, que l’œuvre de Katende s’étoffe au fil d’incontestables suc­cès de planch­es, préludes à leur heureuse for­tune édi­to­ri­ale. Déjà auteur, acteur, met­teur en scène et directeur de troupe, Katende crée à Likasi sa pro­pre mai­son d’édi­tion7 qui devient rapi­de­ment le fer de lance de l’édition théâ­trale, qua­si­ment sans équiv­a­lent dans l’espace lit­téraire extérieur au Sha­ba.
Egale­ment natif de Likasi, Kilu­ba voit lui aus­si le jour en 1950. Ses human­ités achevées, il pour­suit une for­ma­tion de soci­o­logue à l’IS­ES de Lubum­bashi, dont il sort gradué. Embauché par la Gécamines, il s’oc­cupe de la ges­tion du per­son­ñel pen­dant une douzaine d’années. Rédac­teur à Mwana Sha­ba, il prend con­gé de son poste après son élec­tion comme député de la ville de Likasi.8 Poète égale­ment, Kilu­ba a réu­ni et pub­lié trois recueils de poèmes. Son œuvre éditée à l’en­seigne de sa mai­son d’édi­tion, a été large­ment dif­fusée dans le Sha­ba et même ailleurs.9 Si le par­cours de Kïlu­ba s’avère com­pa­ra­ble à celui de Katende, s’y ajoute la dimen­sion poli­tique, que l’on repère aisé­ment au niveau des thèmes abor­dés. 

« L’ar­bre tombe… » de Katende Katsh

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