Le Concert-Party

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Le 13 Juin 1995

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Théâtre d'Afrique Noire-Couverture du Numéro 48 d'Alternatives ThéâtralesThéâtre d'Afrique Noire-Couverture du Numéro 48 d'Alternatives Théâtrales
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Ce texte sur le Con­cert-Par­ty et l’en­tre­tien qui suit avec Azé Koko­viv­ina font par­tie d’un doc­u­ment radio­phonique sur le Con­cert-Par­ty au Togo, réal­isé par Gré­goire Ingold pour Radio France Inter­na­tionale, à la demande de Françoise Ligi­er.

Un peu d’his­toire 

AU DÉBUT de ce siè­cle sur la côte du Ghana, alors « Gold Coast », le nom­bre d’Européens aug­mente. Par nos­tal­gie du pays et pour tromper l’immobile moi­teur des week-ends, on s’in­vite entre soi à des « Con­cert-Par­ty », petites soirées où alter­nent musique et théâtre et où cha­cun présente ses tal­ents de musi­cien ou d’ac­teur. S’échap­pant des pro­priétés clos­es, le son du phono et les éclats de rire per­cent la nuit.
Sekon­di, 1930 : trois amis for­ment un orchestre. Tous trois ont fréquen­té l’é­cole et par­lent anglais. Aux morceaux musi­caux, ils ajoutent des sketch­es et créent trois per­son­nages : le gen­tle­man, le boy et la jeune fille (un trav­es­ti) . Accou­trement de for­tune, maquil­lage en noir et blanc, ils chantent en pid­gin, impro­visent en anglais et se pro­duisent dans les bars de leur quarti­er, puis de toute la ville. On les appelle « Bob’s Trio — Con­cert-Par­ty ».
Ce groupe vient de définir, à son insu, les règles que pra­tiquent, depuis soix­ante ans, plusieurs généra­tions d’ac­teurs. Le Con­cert-Par­ty vient de naître, les groupes se mul­ti­plient, se con­cur­ren­cent. Du Ghana, le genre gagne les pays voisins. À Lomé, en 1965, on dénom­bre plusieurs Con­cert-Bands respec­tant le cadre défi­ni par leurs précurseurs.
Trois points seule­ment ont été mod­i­fiés : aban­don de l’anglais, vers 1946, au prof­it des langues nationales ; créa­tion, dans les années 50, de la musique « high-life » qui apporte au nou­veau réper­toire ses gui­tares élec­triques ; plus récem­ment, inté­gra­tion dans les groupes d’élé­ments féminins (au Ghana seule­ment) . 

Un soir à. Lomé…

Ven­dre­di, 19 heures. Ren­dez-vous au domi­cile du « Prési­dent Dod­ji ». Celui-ci arbore sa cas­quette des grands soirs — rouge rayée de blanc —. Nous prenons un taxi ; le bar est assez loin, dans un quarti­er périphérique. Les autres sont par­tis au début de l’après-midi pour installer les instru­ments et faire la pub­lic­ité dans le quarti­er. Dod­ji ne con­naît pas bien le chemin… 

— Qu’est ce que vous jouez ce soir ?
— Je ne sais pas. Ça dépend quels acteurs seront là ! On peut jouer n’im­porte quelle scène. On ne s’est jamais pro­duit dans ce bar…
Au détour de la nuit, une petite place, un néon vert, la musique déjà : c’est le bar. Con­tre le mur, un tableau noir avec écrit dessus : 

AIG ! AIG !
Encore du rire à gogo
Dod­ji inter­na­tion­al
Con­cert band de Lomé
Roi de la tragédie-comédie togo­laise
Informe le pub­lic qu’il présente un spec­ta­cle de choix — de pre­mière classe —
Ven­dre­di 27 jan­vi­er — à par­tir de 21h.
au Bar l’Etacado — prix 200 FCFA
Mille regrets aux absents — Mer­ci. 


La porte de la cour est ouverte. À cette heure, on peut entr­er libre­ment. Des enfants, nom­breux, dansent le Kwasa-Kwasa. Les instru­ments sont en place mais il n’y a per­son­ne. La musique vient d’une cas­sette.
Jean­not et Ben sont au bar. Ils boivent une bière. Koko est par­ti vers cinq heures avec Capo­ral pour la pub­lic­ité. Ismaël ne vien­dra pas : sa mère est malade. Then ne vien­dra pas non plus. Les autres, on les attend.
Il faut louer des bancs. Il y a un vieux dans le quarti­er qui en a mais ne veut plus les louer depuis que le dernier groupe de Con­cert est par­ti sans pay­er. On va le voir quand même. Dod­hji se fait diplo­mate. Bon, c’est d’ac­cord. Qu’on lui garde une place au pre­mier rang. Les enfants vien­dront chercher les bancs.
Koko­ro­co et Loulowi revi­en­nent. Jean et Aba sont arrivés. 20 h 30 : il est temps de com­mencer. Fofae, le gui­tariste solo, n’est tou­jours pas là. Tant pis. On monte la sono à fond. Aba chante cinq, six, huit morceaux pour mon­tr­er qu’on est prêt, que le matériel fonc­tionne bien. Dod­ji prend le micro et présente le groupe. Ensuite, il prie tout le monde de sor­tir : on va com­mencer la vente des bil­lets. L’orchestre ter­mine le morceau, les petits dansent encore, Koko les chas­se.

— Tous les gui­taristes de Lomé ont été for­més dans le groupe. Ils appren­nent ici, et puis foutent le camp, et regarde ce soir, il n’y en a pas un pour jouer avec nous. Les gui­taristes sont des ingrats. Ce qu’ils veu­lent, c’est l’ar­gent. Si ailleurs on paye mieux, ils s’en vont tout de suite.
Ben arrive avec un gui­tariste qu’il a trou­vé dans la rue. Le nou­veau-venu rejoint le groupe, prend la gui­tare, essaye, tant bien que mal, d’en­tr­er dans la danse.
Il est 23 h. La moitié de la cour n’est pas encore rem­plie. Il y a du monde, mais dehors, devant la porte. Ils atten­dent quoi ? Que ça com­mence mais on ne peut pas com­mencer avec une salle à moitié vide. Alors on attend. On rejoue les meilleurs morceaux pour « ambiancer ».
— Qu’est ce que vous allez jouer ?
— Je ne sais pas. Si Agbo est absent, on ne peut pas jouer L’ENFANT PRODIGUE ; c’est lui qui tient le rôle.
Koko et Ayavi mon­tent la loge. Ils ont plan­té un piquet devant l’angle du mur et ten­dent des tis­sus pour faire par­avent.
Dod­ji a rassem­blé quelques acteurs au fond de la cour. Il leur racon­te l’his­toire qu’ils vont jouer. Ce sera celle de Wako, le chauf­feur de camion : il a un acci­dent et perd son emploi. Une de ses épous­es l’abandonne et part avec un riche gen­tle­man. Lui, va leur deman­der de l’aide, mais il se fait ren­voy­er, bat­tre. L’autre co-épouse reste fidèle et cherche du tra­vail. Finale­ment, Wako trou­ve un médecin qui le soigne gratis et lui prête de l’ar­gent. Wako peut acheter des habits neufs, il trou­ve du tra­vail. Pen­dant ce temps, on décou­vre que le gen­tle­man est un faux gen­tle­man. Tous ses beaux habits, il les a emprun­tés et juste­ment, on vient les lui réclamer. Quand la femme revient — la méchante co-épouse —, il dit que c’est sa tenue de sport et qu’il s’entraîne pour la coupe du monde. Elle finit par com­pren­dre la vérité et retourne deman­der par­don à son pre­mier époux. Wako est devenu riche : la bonne épouse porte des habits neufs, le boy aus­si. Wako accepte d’aider le méchant cou­ple. Il reprend sa femme, non comme épouse mais comme sa femme de cham­bre ; le faux gen­tle­man sera Le boy du boy.
Main­tenant, le pub­lic est entré. Beau­coup de femmes ; devant, par terre, les enfants ; debout, ceux qui sont arrivés trop tard. Dans la loge, Koko­ro­co se maquille : blanc et noir, la face coupée en deux ver­ti­cale­ment ; œil noir sur joue blanche, sour­cil blanc sur fond noir et vice ver­sa. Pour le cos­tume, c’est facile : tout à l’envers. On retourne le pan­talon, la veste ; un pied est chaussé avec la chaus­sure de l’autre qui reste nu.
Dod­ji fait une nou­velle annonce au micro et appelle les derniers spec­ta­teurs à entr­er. Ensuite, il appelle Koko­ro­co, le pre­mier comé­di­en, celui qui sait faire rire.
Le rideau de la loge s’agite. Koko­ro­co se pré­cip­ite sur la piste. Il s’ac­croche au micro, ses jambes le font danser, valser… Il chante l’air de bien­v­enue pour ceux qui sont restés chez eux. Sa voix saute, nasil­larde, puis dégorge des sons rauques. Il tourne et revient. Chante encore et puis, c’est l’histoire.
Celle du jour où il a fait for­tune. Il était allé aux funérailles de son oncle et avait vu tout l’ar­gent et tous Les présents qu’on offrait au défunt. Alors il est tombé malade et puis il est mort tout à fait, dans les deux jours. Ensuite, il a fait le mort vivant : tout le monde a déguer­pi et lui, il a empoché le gros lot. Donc, suiv­ez les con­seils de Koko­ro­co : pour faire for­tune il faut mourir en vitesse.
À Koko­ro­co aus­si on donne de l’ar­gent, des pièces jetées ou col­lées sur son front, mais égale­ment des cap­sules de bière. Et puis c’est Aba, le deux­ième comé­di­en et Agbé, le troisième. Maquil­lages noirs et blancs asymétriques, accou­trements dépe­nail­lés. Dod­ji reprend le micro. Il annonce au pub­lic que l’on est arrivé au moment du spec­ta­cle :
— LA TRISTE HISTOIRE DE WAKO OU LE MEILLEUR N’EST JAMAIS SÛR. C’est son titre. C’est une scène qui con­tient de bons enseigne­ments pour tous. Donc que ceux qui savent rire, rient au bon moment, que ceux qui savent pleur­er, ne s’en privent pas.
Il est minu­it trente. Le spec­ta­cle va com­mencer. 

Le lieu scénique

L’or­gan­i­sa­tion de l’espace du Con­cert est invari­able. Micro à l’a­vant scène ; au fond, au cen­tre, la bat­terie encadrée de part et d’autre par les gui­tares bass­es et solo ; par­fois, à côté de la bat­terie, des per­cus­sions. La sonori­sa­tion est posée sur des caiss­es entre les micros. L’é­clairage est réduit à une seule ampoule sus­pendue à un piquet. Pour Les scènes d’apparition de spec­tres, on rem­place l’ampoule blanche par une de couleur ou, plus sim­ple­ment, on coupe la lumière. 

Le réper­toire


Si chaque Con­cert Band tra­vaille selon des principes iden­tiques, c’est par son réper­toire qu’un groupe se dis­tingue. On peut éval­uer à cinq ou six le nom­bre de scènes qui con­stituent le réper­toire per­ma­nent d’un groupe. L’in­ven­tion d’un nou­veau canevas est sou­vent liée à la néces­sité de présen­ter une his­toire inédite dans un lieu de pas­sage fréquent. On choisit d’abord le lieu, le quarti­er, et c’est en fonc­tion de ce qu’on y a déjà joué, qu’on se décide pour telle ou telle scène.
La déci­sion de jouer une scène nou­velle peut se pren­dre dans l’heure qui précède le spec­ta­cle. C’est le prési­dent du groupe — dont il est aus­si l’acteur prin­ci­pal — qui com­pose le scé­nario et dis­tribue les rôles. Une seule nar­ra­tion, quelques ques­tions doivent suf­fire. L’élab­o­ra­tion du canevas est libre et abor­de les thèmes les plus divers. En revanche, les pro­tag­o­nistes sont presque tou­jours les mêmes. Au gen­tle­man, au boy et à la jeune fille des débuts du Con­cert-Par­ty, se sont ajoutés le vieil­lard, la méchante femme, le sol­dat, le féticheur, le revenant.
Pas de répéti­tions pré­para­toires. La scène doit être jouable à l’in­stant. L’ac­teur réag­it à l’onde de force du pub­lic. Si cette ten­sion est faible ou néga­tive, la représen­ta­tion sera terne. Si au con­traire, l’air est élec­tri­fié par la con­cen­tra­tion d’une même attente, l’ac­teur sera pris par le flux. Sa puis­sance se décu­ple. Il est soulevé. Le rap­port acteurs-spec­ta­teurs est d’au­tant plus 
man­i­feste que l’ampoule, au cen­tre, éclaire aus­si bien la salle que la scène. Du cli­mat qui s’installe entre les deux pôles dépen­dra la qual­ité et l’ex­is­tence même du spec­ta­cle. Le Con­cert-Par­ty requiert un pub­lic act­if, les acteurs le savent et respectent le principe du taxi : atten­dre que la salle soit bien pleine pour com­mencer.
Les canevas sont trans­for­més, délais­sés, repris, imités par d’autres er, si les groupes ont la capac­ité de pro­duire beau­coup, la fac­ture des scènes est sou­vent sim­i­laire, comme est sem­blable le pro­pos moral de tous les scé­nar­ios.
Le Con­cert s’adresse à une pop­u­la­tion mélangée, exilée depuis peu dans les villes : le cadre social est mou­vant et à redéfinir, il faut redire ensem­ble ce en quoi l’on croit tou­jours, pot­ter un juge­ment sur des com­porte­ments jusqu’alors incon­nus. Présen­ter des his­toires exem­plaires par­ticipe à l’é­d­u­ca­tion des men­tal­ités. Le Con­cert-Par­ty est édi­fi­ant. Ses acteurs Le veu­lent tel.
Si les directeurs de groupe font des efforts pour renou­vel­er leur réper­toire, le pub­lic, pour une part, appré­cie autant une scène déjà con­nue qu’une nou­veauté et demande à ce qu’elle lui soit présen­tée de nou­veau. Ain­si, quelques scé­nar­ios ont gag­né le statut de « clas­siques » et sont repris, par­fois dans des ver­sions dif­férentes, par plusieurs groupes. Au delà de l’intrigue, du sus­pense, de la morale, les spec­ta­teurs goû­tent avant tout, en con­nais­seurs, le tal­ent des comé­di­ens. 

Entre­tien avec Azé Koko­viv­ina, un maître du Con­cert-Par­ty

Gré­goire Ingold : Com­ment Azé Koko­viv­ina est-il devenu Azé Koko­viv­ina ? 

Azxé Koko­viv­ina : C’est sim­ple. D’abord, j’ai été acteur prin­ci­pal dans un groupe folk­lorique de mon vil­lage. N’im­porte qui ne peut pas le faire : on s’at­tache des échas­s­es aux pieds et on marche avec. J’é­tais très con­nu. Je me dégui­sais même en femme pour mon­ter sur mes échas­s­es. Je met­tais des pagnes jusqu’aux orteils. Les autres ont essayé, ils n’ont pas réus­si.
À ce moment, j’avais quinze ans. J’ai joué pen­dant six ans avant de quit­ter le vil­lage. Arrivé à Lomé, j’ai vu le Con­cert-Par­ty. La pre­mière fois j’ai dit : nor­male­ment il faudrait jouer ceci comme ceci, on devrait faire ceci comme cela. Je n’avais jamais vu la chose, mais je remar­quais les erreurs.
Arrivé à la mai­son, j’ai décidé de faire comme les autres, et même de faire mieux. C’est là que j’ai com­mencé à com­pos­er de petits sketch­es. À cette époque, on m’avait mis dans la menuis­erie. Mon idée était de fab­ri­quer des gui­tares en bois. J’ai réus­si à faire ça. Je fai­sais aus­si des lits, des fau­teuils mais ce que j’avais inven­té moi-même, c’est de fab­ri­quer des gui­tares. Quand j’ai décidé de quit­ter l’atelier, j’ai joué dans les rues avec une de ces gui­tares et, un jour, j’ai ren­con­tré un mon­sieur qui tra­vaille à la radio. On a causé. Les répons­es que je lui don­nais le fai­saient beau­coup rigol­er. Il a dit : « Un jour, je vais vous lancer sur les antennes de Radio-Lomé ».
Comme ça, je vais à la radio, je joue de la gui­tare et je chante. Un jour, le comé­di­en qui ani­mait une émis­sion était absent. Alors, j’ai fait mon entrée dans le stu­dio.
J’ai fait trois ou qua­tre min­utes avec un sketch. Le lende­main, quand l’émis­sion est passée, tout le monde a crié : « C’est fan­tas­tique ! ». Les chefs ont alors décidé que je passerais chaque fois. Les gens m’ont encour­agé. C’est à ce moment-là que j’ai for­mé mon groupe Azé Koko­viv­ina Con­cert-Par­ty. J’ai joué avec ce groupe en 85 et 86. Puis, j’ai été sol­lic­ité par la troupe du Théâtre Nation­al avec laque­lle j’ai joué le rôle de la Tortue dans LA TORTUE QUI CHANTE1.
Avec cette pièce, on a d’abord fait un film vidéo, puis une tournée en Europe. À mon retour, j’ai recon­stru­it mon groupe qui est devenu très solide. Avant même la tournée, on m’avait don­né une tranche de 30 min­utes à Radio-Lomé. Chaque dimanche, j’y pro­duis tou­jours une émis­sion de Con­cert-Par­ty. Donc on peut dire que si je suis devenu Azé Koko­viv­ina, ça vient de mon courage et des inven­tions que j’ar­rive à faire. 

Vivre ou sur­vivre ? 

G. L.: Com­ment parviens-tu à vivre ? 

A. K.: Une tante m’a pris en charge à mon arrivée à Lomé mais ce n’é­tait pas suff­isant. Après avoir quit­té l’ap­pren­tis­sage, j’ai décidé de me débrouiller seul. Quelques fois, je trou­vais des manœu­vrages, quelques fois je n’en trou­vais pas. Heureuse­ment, moi je suis ouvert avec tout le monde : des amis, des copains, n’im­porte qui m’aidait. C’est comme ça que j’ai pu résis­ter avant d’être sol­lic­ité par la radio. Puis, j’ai été engagé comme employé de bureau. C’est là que j’ai com­mencé à vivre ma vie d’homme. 

G. I. : Mais est-il pos­si­ble de vivre unique­ment du Con­cert ?

A. K.: Comme je suis occupé par mon ser­vice, c’est seule­ment les ven­dre­di et same­di que je fais le Con­cert-Par­ty. Or, si l’on joue seule­ment deux jours, ce n’est pas suff­isant. Je vis grâce au salaire de mon ser­vice. 

G. I.: Et les autres acteurs ?

A. K.: La plu­part vivent avec ce qui sort du groupe. Si l’on joue et qu’on ne trou­ve rien, avec mon salaire, je com­pense. 

G. I.: Et ça leur suf­fit ? 

A. K.: Dans les semaines où on joue et où on fait beau­coup de recettes, ils sont sat­is­faits, mais par­fois, ça baisse.

Tra­di­tion et évo­lu­tion 

G. I. : Quand tu as décidé de for­mer ton groupe, pourquoi as-tu décidé de choisir un mod­èle exis­tant déjà ? 

A. K.: Au départ, mon idée était de faire mieux que les acteurs de Con­cert-Par­ty que j’avais vus. C’est ça qui m’a poussé à for­mer mon groupe. Avec ce groupe, j’ai cher­ché à chang­er, à amélior­er. Par exem­ple, dans les Con­cert-Par­ty, les acteurs ne sont pas habitués à venir à l’heure. Ils ne sont pas habitués à se réu­nir avant le jour du spec­ta­cle. Ils ne sont pas habitués à rester sur scène sans cig­a­rette et sans alcool. Moi, je suis par­venu à con­va­in­cre les acteurs. 

G. I.: Que con­serves-tu de la tra­di­tion ? 

A. K. : Les maquil­lages et les accou­trements. Mais je rajoute encore des choses. Ain­si, j’ai décidé de fab­ri­quer des masques vrai­ment présenta­bles. Si c’est un ani­mal, il faut que je présente le vrai masque de cet ani­mal. Par con­tre, je suis revenu au maquil­lage tel qu’on le fai­sait. Dans le Con­cert-Par­ty, c’est l’ef­fet de maquil­lage qui attire le pub­lic, qui fait com­pren­dre que celui qui se des­sine une autre fig­ure c’est qu’il représente quelqu’un d’autre, que ce n’est pas lui vrai­ment. Ce maquil­lage, je l’ai con­servé et même j’en ajoute pour que ce soit plus atti­rant. 

G. I.: D’habi­tude, le Con­cert­Par­ty se joue avec des micros. Il y a trois ou qua­tre pieds et les acteurs restent devant. Hier, tu as pro­posé de les enlever. Ça a provo­qué un grand change­ment dans l’in­ter­pré­ta­tion : les acteurs n’é­taient plus tenus de rester immo­biles ;ils avaient la lib­erté de bouger sur tout le plateau. Pens­es-tu que ce change­ment puisse être renou­velé ?

A. K.: Oui, je crois qu’on va con­tin­uer à jouer sans micro. Hier, j’ai joué partout, je me suis déplacé partout et je crois que ça a plu aux spec­ta­teurs. Ce que je craig­nais, c’est que la scène ressem­blât aux scènes du théâtre clas­sique… Mais nos maquil­lages, nos accou­trements, nos inter­ven­tions mon­trent sans erreur que nous sommes des acteurs de Con­cert-Par­ty. Donc, je vais pro­pos­er aux autres groupes de met­tre la sonori­sa­tion quelque part, en cachette, pour que les acteurs puis­sent cir­culer partout et mon­tr­er aux spec­ta­teurs la force que nous avons dans la comédie. 

G. I.: Hier soir, il y avait une autre inno­va­tion : vous avez joué en français. Est-ce que tu crois que c’est intéres­sant de pour­suiv­re dans cette voie ? 

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et Grégoire Ingold
Gré­goire Ingold est comé­di­en et met­teur en scène (il a été l’in­ter­prète et l’as­sis­tant d’An­toine Vitez) et a...Plus d'info
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