Berlin, septembre 1988
Edito

Berlin, septembre 1988

Le 30 Nov 1989
Photo Digne Meller Marcovicz
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Article publié pour le numéro
Thomas Bernhard-Couverture du Numéro 34 d'Alternatives ThéâtralesThomas Bernhard-Couverture du Numéro 34 d'Alternatives Théâtrales
34
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POSEE sur l’une des tables à l’entrée de la « Nation­al Galerie » où nous étions assis Jean-Marie Mahieu, Chris­t­ian Rolet et moi, une pile d’affichettes en guise de pub­lic­ité pour un spec­ta­cle : « Sim­ple­ment com­pliqué » lesquelles repre­naient sur l’une des faces une pho­togra­phie de Thomas Bern­hard, le men­ton appuyé sur les mains, expres­sion grave mais sans ten­sion de l’homme plongé dans ses pen­sées. 

Au moment de par­tir, un même réflexe nous pousse cha­cun à pren­dre plusieurs de ces affichettes. Il est vrai, que depuis quelques mois, nous nous échangeons « Le neveu de Wittgen­stein », « L’imitateur », « Cor­rec­tions », etc. Non seule­ment parce que nous esti­mons que c’est le plus grand écrivain con­tem­po­rain mais aus­si parce que les vio­lentes cri­tiques lancées con­tre les insti­tu­tions, les admin­is­tra­tions pour­raient pareille­ment être lancées avec la même vio­lence con­tre l’hypocrisie et la paresse de ceux, qui en Com­mu­nauté française de Bel­gique, nous gou­ver­nent. 

Out­re le passé com­mun qui lie la Bel­gique et l’Autriche, nous vivons, nous qui par­lons français, un même prob­lème géo­graphique vis-à-vis du grand pays voisin dont nous parta­geons la langue mater­nelle. Si l’ Alle­magne pra­tique à l’en­droit des créa­teurs vivant en Autriche une sorte d’« Anschluss » cul­turel, la France notre voi­sine, un peu trop imbue d’elle-même, ignore royale­ment ce qui se déroule en Suisse romane ou en Bel­gique fran­coph­o­ne à moins de suiv­re le chemin emprun­té par quelques aînés et de s’établir à Paris. Cepen­dant, avec une obsti­na­tion mélangée d’idéalisme naïf et d’entêtement obstiné, nous avons choisi de rester et nos raisons sont les mêmes que celles qui ont poussé nos aînés à l’exil. 

Forts de cette déci­sion de rester là où nous sommes nés, nous nous sommes alors trou­vés con­fron­tés d’une part au dis­cours d’une bel­gi­tude dont nous ne voulons pas et d’autre part à la bêtise bour­geoise, à l’apathie imbé­cile, au népo­tisme inde­scriptible qui gou­verne ce pays sans âme parce que sans ambi­tion. Sou­vent dans ce con­texte, la lec­ture de Bern­hard deve­nait jubi­la­tion intime : Kraïsky, Vran­itzky ou Wald­heim sont à la lim­ite des prête-noms pour nos hommes poli­tiques. 

Quelques semaines après notre retour de Berlin, Elvire Bri­son évoque son pro­jet de mon­ter « Au but », à l’époque la dernière pièce traduite de Bern­hard. Soudain, dans la con­ver­sa­tion sur­git l’idée d’as­soci­er des plas­ti­ciens autour de ce pro­jet puisque, depuis Berlin, existe l’idée de tra­vailler autour de ce por­trait. Rapi­de­ment l’idée prend forme d’associer une dizaine d’amis pein­tres-dessi­na­teurs au pro­jet de cette expo­si­tion qui accom­pa­g­n­erait les représen­ta­tions de « Au but ».

Comme les lieux où la pièce est appelée à être mon­trée vari­ent, — immenses ici, plus exi­gus là — nous avons d’emblée et parce que Bern­hard tra­vaille beau­coup par mod­ules, pris le par­ti de deman­der à chaque artiste de tra­vailler selon une for­mule de puz­zle et de pro­pos­er un tra­vail tel que l’ensemble puisse invari­able­ment être mon­tré linéaire­ment ou groupé en rec­tan­gles. L’ambition de cette expo­si­tion était de mon­tr­er une con­ver­gence ou un par­al­lélisme entre l’écri­t­ure de Thomas Bern­hard et la démarche des plas­ti­ciens : soit que ceux-ci étaient proches de Bern­hard par l’e­sprit de leur tra­vail soit qu’ils parta­gaient cer­tains thèmes. L’ex­po­si­tion n’est donc pas une illus­tra­tion ni un hom­mage mais une preuve qui voudrait soulign­er l’existence d’un écho sim­ple où mul­ti­ple qui par-delà les gen­res et les démarch­es témoigne de la créa­tion con­tem­po­raine. 

Le hasard de cer­tains choix a entraîné une autre con­séquence : chaque plas­ti­cien, sans con­sul­ta­tion préal­able, à traité ce qui pour­rait se présen­ter comme une tête de chapitre d’une mono­gra­phie sur Bern­hard. L’idée fut d’ailleurs lancée fin juin de se lancer dans une telle opéra­tion, écri­t­ure d’une mono­gra­phie, puisqu’il n’en existe aucune en langue française.

Mi-août « Alter­na­tives théâ­trales » accep­ta d’accueillir ce tra­vail autour de Thomas Bern­hard et pro­posa de con­juguer le cat­a­logue de l’exposition et la mono­gra­phie. Cepen­dant, comme une revue ne se lit pas de la même manière qu’un livre mais aus­si, parce qu’elle pos­sède une autre dynamique interne, d’autres cir­cuits et une autre exis­tence dans le temps, comme de plus les délais de fab­ri­ca­tion furent égale­ment extrême­ment courts, l’essen­tiel des textes ici pro­posés adopte volon­taire­ment une for­mule frag­men­taire, une organ­i­sa­tion en gradins invi­tant à une lec­ture éclatée, à l’image de ric­o­chets ou de jeux de miroirs mul­ti­ples. 

La struc­ture de la plu­part des textes s’est dégagée à la suite des con­ver­sa­tions avec les plas­ti­ciens ce qui con­tribue à don­ner une vision de leur lec­ture. Si cette for­mule a été adop­tée, c’est aus­si pour mon­tr­er ce que la mise en scène d’une pièce de théâtre est capa­ble de met­tre en œuvre, témoin s’il en est que con­traire­ment à ce que pensent quelques esprits cha­grins, le théâtre vit et se trou­ve capa­ble de monop­o­lis­er des éner­gies par-delà les lim­ites que ces mêmes esprits cha­grins voudraient lui assign­er.

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