À propos de Christiane Jatahy

Compte rendu

À propos de Christiane Jatahy

Le 3 Oct 2016
What if they went to Moscow, Christiane Jatahy. © Marcelo Lipiani.
What if they went to Moscow, Christiane Jatahy. © Marcelo Lipiani.
What if they went to Moscow, Christiane Jatahy. © Marcelo Lipiani.
What if they went to Moscow, Christiane Jatahy. © Marcelo Lipiani.
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Après Julia et What if They Went to Moscow, Chris­tiane Jatahy pro­pose une troisième par­tie à son trip­tyque, très libre­ment adap­tée de Mac­beth. Une per­for­mance où réal­ité et fic­tion s’entremêlent en jouant sur dif­férentes tem­po­ral­ités.

Dans la lignée des deux précé­dents spec­ta­cles, mais de manière plus rad­i­cale, la met­teuse en scène brésili­enne puise dans la fable de la « forêt qui marche » un matéri­au fic­tif qu’elle con­fronte à notre réal­ité con­tem­po­raine. De la tragédie shake­speari­enne, elle con­serve le thème du pou­voir extrême et le décline en d’infinis jeux de miroirs. Dans un espace qui pour­rait être un lieu de vernissage, le pub­lic évolue au sein d’une impor­tante instal­la­tion vidéo et y décou­vre un flot d’images réelles ou allé­goriques du pou­voir. Des drames con­tem­po­rains font écho à la folie sanglante de Mac­beth. La per­for­mance inédite de Julia Bernat (qui incar­ne notam­ment les trois sor­cières) entre en dia­logue avec des témoignages réels pro­jetés sur qua­tre grands écrans. Tor­ture, assas­si­nat, incar­céra­tion, immi­gra­tion for­cée liée à la cor­rup­tion ou à la dic­tature. Dans cette per­for­mance live orchestrée de manière invis­i­ble par Chris­tiane Jatahy, le pub­lic peut être sol­lic­ité jusqu’à devenir acteur de l’événement qui se joue en direct. Con­fron­té à un dis­posi­tif immer­sif (Chris­tiane Jatahy préfère la métaphore de la « piscine »), il est aus­si invité à se ques­tion­ner sur la dis­so­lu­tion des respon­s­abil­ités, des poli­tiques, des citoyens et des spec­ta­teurs…

Extrait d’un texte écrit à par­tir d’un entre­tien avec Chris­tiane Jatahy, au CEN­TQUA­TRE-Paris, en avril 2016.

A Flo­res­ta que anda (La Forêt qui marche), libre­ment inspiré de Mac­beth de Shake­speare, pro­gram­mé au CENTQUATRE-PARIS du 4 au 22.10.2016 (avec l’Odéon-Théâtre de l’Eu­rope).

© Marcelo Lipiani
What if they went to Moscow, Chris­tiane Jatahy.© Marce­lo Lip­i­ani.
A Floresta che anda, Christiane Jatahy. ©Marcelo Lipiani
A Flo­res­ta che anda, Chris­tiane Jatahy. ©Marce­lo Lip­i­ani.

« (…) on peut préfér­er la rad­i­cal­ité de l’artiste brésili­enne Chris­tiane Jatahy qui pro­pose une réécri­t­ure inté­grale des Trois Soeurs à par­tir du motif cen­tral du texte : la quête de ce lieu utopique, sauveur et inat­teignable qu’est Moscou. Ce par­adis per­du qu’elles voudraient dés­espéré­ment réin­té­gr­er. Le texte sert de référence pre­mière, tout en ayant per­du son matéri­al­ité lit­téraire pro­pre : il s’ag­it d’une “écri­t­ure de plateau” inspirée par Tchekhov. Et, moi, je l’avoue, je préfère (…) la rad­i­cal­ité du What if they went to Moscow qui réclame un autre jeu, entraîne une dis­tri­b­u­tion mod­i­fiée, pro­pose des sit­u­a­tions dif­férentes. L’oeu­vre ini­tiale ne per­siste qu’en tant que sou­venir pre­mier, référen­tiel ; son écho ne meurt pas et il parvient jusqu’à nous telle une réver­béra­tion loin­taine… »

A Floresta che anda, Christiane Jatahy. Photo Aline Macedo.
A Flo­res­ta che anda, Chris­tiane Jatahy. Pho­to Aline Mace­do.
  • Mar­jorie Bertin, extrait de : « What if they went to Moscou ? Entre réal­ité et fan­tasme, le désir de change­ment des Trois Sœurs, de Chris­tiane Jatahy » (à lire inté­grale­ment dans le #129, Scènes de femme, juil­let 2016).

Focal­i­sa­tion et con­cen­tra­tion sur les per­son­nages féminins

What if they went to Moscou ?, l’adaptation des Trois sœurs, par la met­teuse en scène et plas­ti­ci­enne brésili­enne Chris­tiane Jatahy, repris à la Colline (2), se situe aujourd’hui, dans une ville incon­nue du Brésil, dont le nom évoque celui de Moscou. L’action de ces deux spec­ta­cles en un (une par­tie du pub­lic assiste à la représen­ta­tion théâ­trale tan­dis qu’une autre voit « comme au ciné­ma » le film, tourné en direct, de la pièce) est resser­rée autour de la fête d’anniversaire d’Irina, la plus jeune des sœurs. Libre­ment adap­té, le texte est une « référence pre­mière, tout en ayant per­du sa matéri­al­ité lit­téraire pro­pre. Il s’agit d’une « écri­t­ure de plateau » inspirée par Tchekhov », comme l’écrit Georges Banu. La pièce devient un matéri­au par­mi d’autres (les entre­tiens, la vidéo, les mes­sages et appels que reçoivent les per­son­nages, les spec­ta­teurs invités sur le plateau) pour ques­tion­ner le spec­ta­teur sur le change­ment. Jatahy était venue pour la pre­mière fois en France en 2014 au Cen­tqua­tre y présen­ter ce spec­ta­cle avec Julia, adap­ta­tion remar­quée de Made­moi­selle Julie de Strind­berg, qui mêlait aus­si théâtre et ciné­ma, asso­ciant des scènes filmées à l’utilisation de la caméra en direct.

(…) Dans What if they went to Moscou ?, Jatahy a sup­primé la plu­part des rôles mas­culins, ne con­ser­vant presque que ceux (qua­si mutiques) d’Andreï et de Ver­chi­nine. Cette démarche traduit la volon­té de met­tre les sœurs au cen­tre de la pièce explique Chris­tiane Jatahy, qui pré­cise : « Quand on s’attarde sur le texte de Tchekhov, on s’aperçoit que la réflex­ion part sou­vent des hommes. J’ai décidé de par­tir du fait qu’elles [les trois sœurs] par­lent de ce qui s’était passé, comme si, ce faisant, elles s’appropriaient elles-mêmes ce passé ». Il ne s’agissait pas de minor­er l’importance des per­son­nages mas­culins mais de déplac­er le point de vue : « Je veux que les hommes exis­tent à par­tir du regard des trois sœurs. Elles sont au cen­tre de la dra­maturgie mais ce qui est autour d’elles con­stru­it ce qu’elles sont. Le cam­era­man, un point de vue très impor­tant, puisque c’est lui qui con­stru­it l’autre face de la pièce, est un homme. Ce procédé est un retour à Tchekhov mais à la dif­férence de celui-ci, je mets une loupe sur elles et garde l’idée qu’elles sont le cen­tre de l’action. Ce qui est mis en orbite ren­voie à l’univers mas­culin ». L’objectif est atteint, ce change­ment de point de vue et l’improvisation lais­sée aux comé­di­ennes con­cen­trent l’attention sur la muta­tion de leurs désirs. En out­re, la caméra mon­tre, comme dans Julia, le traite­ment, par­fois vio­lent, infligé aux corps dans l’intimité. Ce choix d’un type de représen­ta­tion, néces­saire­ment lacu­naire, à tra­vers la coex­is­tence d’images et de sup­ports dif­férents, offre une vision com­plexe et kaléi­do­scopique de la fic­tion. Car Jatahy, comme le souligne José Da Cos­ta, adore jouer avec les effets de réel (3).

  1. Article rédigé d’après un entretien réalisé par Marjorie Bertin avec Christiane Jatahy en mars 2016, traduit du portugais (Brésil) par Guillaume Pinçon.
  2. Le spectacle avait déjà été présenté au CENTQUATRE-Paris, dont Christiane Jatahy est artiste associée, en septembre 2014.
  3. Voir José Da Costa « Théâtre et chez Christiane Jatahy » et « Ligne ténue entre réalité et fiction » de Christiane Jatahy (texte traduit par Guillaume Pinçon) in L’espace du commun le théâtre de Christiane Jatahy, par José Da Costa/ Christiane Jatahy, textes réunis par Christophe Triau, traduit par Christophe Bident et Guillaume Pinçon, publi.net, mars 2016.
    
    Christiane Jatahy est artiste associée internationale au CENTQUATRE-PARIS depuis plusieurs années, et artiste associée à l'Odéon-Théâtre de l'Europe depuis l’an passé.
    • La règle du jeu de Jean Renoir, mise en scène Christiane Jatahy, sera programmé à la Comédie Française du 04.02 au 15.06.2017
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Sylvie Martin-Lahmani
Professeure associée à la Sorbonne Nouvelle, Sylvie Martin-Lahmani s’intéresse à toutes les formes scéniques contemporaines....Plus d'info
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