Carnet d’Aix #2 Seven Stones — Eric Oberdorff

Opéra
Critique

Carnet d’Aix #2 Seven Stones — Eric Oberdorff

Le 16 Juil 2018
SEVEN STONES, Compositeur : Ondrej ADAMEK, Direction musicale : Leo Warynski, Mise en scène : Eric OBERDORFF. © Vincent Pontet.
SEVEN STONES, Compositeur : Ondrej ADAMEK, Direction musicale : Leo Warynski, Mise en scène : Eric OBERDORFF. © Vincent Pontet.

Jeu­di 12 juil­let

Le théâtre du jeu de Paume aura été, cette dernière décen­nie, le lieu des décou­vertes du fes­ti­val d’Aix-en-Provence ; la présen­ta­tion des « cartes blanch­es » don­nées aux artistes ont, grâce à Bernard Foc­croulle qui les a sus­citées, esquis­sé ce qui sera l’opéra du futur.


Sev­en Stones, pro­duit en sym­biose par le com­pos­i­teur Ondrej Adamek, l’écrivain Sjon et le met­teur en scène Eric Ober­dorff est une oeu­vre fasci­nante, d’une inven­tiv­ité sai­sis­sante.
Elle réus­sit le pari d’emmener le spec­ta­teur dans un voy­age « inouï » à par­tir d’un livret qui suit une trame nar­ra­tive tis­sé d’anecdotes qui s’enchaînent au par­cours d’un per­son­nage cen­tral, dont la pas­sion de col­lec­tion­neur de pier­res se dou­ble d’une quête de sens de la vie et de l’existence. Le réc­it n’hésite pas à mêler sci­ence et poésie, passé et présent, per­son­nages réels et imag­i­naires, univers réal­istes et sur­réal­istes.
Nous voilà embar­qués dans un voy­age autour de la pierre dans tous ses états, celle de l’enfance qu’on caresse dans sa poche, celle dont on con­stru­it les murs, celle qui servit aux lith­o­gra­phies d’Edward Munch, celle dont les radi­a­tions emportèrent Marie Curie, celle qui sert à lapi­der la femme adultère, celle des bijoux de la « pierre de lune »…
Le plaisir qui se dégage de l’écoute et de la vision du spec­ta­cle est dû notam­ment à un immense tra­vail de pré­ci­sion et d’engagement réal­isé par tous les par­tic­i­pants et exé­cu­tants de l’oeuvre ; chaque propo­si­tion musi­cale, visuelle, cor­porelle sem­ble couler de source et se fon­dre dans la suiv­ante. Il se con­stitue ain­si une ligne claire du réc­it qui allie pour­tant mys­tère et sym­bol­ique.
Cette réus­site tient aus­si à la per­fec­tion des rela­tions qui se nouent entre les pro­tag­o­nistes autour d’un rythme que l’on ressent au plus pro­fond de soi, comme un coeur qui bat. Je n’ai pu m’empêcher durant les trente pre­mières min­utes de la représen­ta­tion d’accompagner physique­ment et/ou men­tale­ment cette pul­sion du temps, de la musique, du chant.
Elle tient encore à cette belle idée de faire des chanteurs et du choeur (le tal­entueux ensem­ble Accen­tus) un véri­ta­ble orchestre ; la dic­tion par­faite des inter­prètes où chaque syl­labe est proférée avec une inten­sité qui ne retombe jamais est cap­ti­vante. Les con­sonnes, par­ti­c­ulière­ment les « sif­flantes » ( comme dans Sev­en StoneS) sont un « enchante­ment ».
La par­ti­tion, qui devrait réc­on­cili­er avec la musique con­tem­po­raine tous ceux que font fuir les approches trop abscons­es qu’on lui reproche sou­vent, réus­sit à mer­veille à inté­gr­er instru­ments clas­siques (vio­lon, con­tre­basse, vio­lon­celle) et les inven­tions de per­cus­sions de tous ordres, arche­ts sur des objets mou­vants, tin­te­ment de ver­res à vin, scie musi­cale, etc. Cet instru­men­tar­i­um inédit pro­duit au final une musique d’une grande har­monie.
Le com­pos­i­teur n’hésite pas à nous emmen­er aux ailleurs de notre monde et de notre his­toire : ça et là des par­fums d’Asie ou d’Afrique pointent au coeur des voix et des instru­ments et des notes de clavecin nous ren­voient pour un temps dans l’univers baroque.
Ce qui per­met de suiv­re cette belle propo­si­tion et d’y adhér­er, même si la com­plex­ité des formes et du réc­it est par­fois étour­dis­sante, c’est la sim­plic­ité de la resti­tu­tion qui l’accompagne, l’humilité et la volon­té inébran­lable des inter­prètes au partage d’une expéri­ence qu’ils ressen­tent unique et sin­gulière et qui en fait un moment d’humanité.

Seven Stones, opera a capella pour 4 chanteurs solistes et douze chanteurs choristes. Musique d’Ondrej Adamek, livret de Sjon, mise en scène d’Eric Oberdorff, scénographie d’Eric Soyer. Chanteurs : Anne-Emmanuelle Davy, Shigeko Hata, Nicolas Simeha, Landy Andriamboavonjy. Chooeur Accentus/axe 21. 
Création mondiale du festival d’Aix 2018.
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Festival international d'art lyrique d'Aix-en-Provence
Eric Oberdorff
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Bernard Debroux
Écrit par Bernard Debroux
Fon­da­teur et mem­bre du comité de rédac­tion d’Al­ter­na­tives théâ­trales (directeur de pub­li­ca­tion de 1979 à 2015).Plus d'info
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