Faire reculer les frontières mentales

Entretien
Théâtre

Faire reculer les frontières mentales

Entretien avec Denis Mpunga

Le 5 Jan 2018
Denis Mpunga dans Anathème, Groupov, 2005. photo Lou Hérion.
Denis Mpunga dans Anathème, Groupov, 2005. photo Lou Hérion.
Suite de notre série consacrée aux défis de la diversité culturelle dans #133 : les propos de Denis Mpunga, auteur et metteur en scène1.

Com­ment définiriez-vous votre tra­vail de créa­tion artis­tique, envis­agé à l’aune de la « diver­sité cul­turelle » ? Et que revêt selon vous ce terme devenu d’usage courant au sein des insti­tu­tions cul­turelles ?

La diver­sité cul­turelle n’est pas quelque chose qui se trou­ve en dehors de moi, mais quelque chose que je vis depuis ma ten­dre enfance, ayant des par­ents qui ne par­laient pas la même langue. Si la diver­sité fait par­tie de mon « géno­type » cul­turel, mon « phéno­type » est la recherche d’une cer­taine uni­ver­sal­ité dans le lan­gage artis­tique.

L’universalité n’est pas un fait, c’est une idéolo­gie, alors que la diver­sité est un fait.

Nous sommes tous dif­férents et ma recherche artis­tique repose sur ce ques­tion­nement : que faisons-nous de nos dif­férences ? Faut-il en faire quelque chose et pourquoi ?

Ce ques­tion­nement m’a ouvert les yeux sur une cer­taine uni­ver­sal­ité des évène­ments con­tem­po­rains avec des marges et des représen­ta­tions qui peu­vent vari­er d’une région du monde à l’autre mais l’amour, la sol­i­dar­ité, l’exclusion, la faim, la pau­vreté, la vio­lence, l’abandon, la peur, la joie… sont d’une cer­taine façon uni­versels et c’est leur con­fronta­tion dans un espace théâ­tral qui peut créer une ten­ta­tive d’un lan­gage com­mun au-delà des cul­tures.

Cela nous demande sans cesse une ouver­ture à la cul­ture de l’autre, ten­ter de com­pren­dre le « logi­ciel » qui con­di­tionne sa vision du monde.

Si je ne sais pas qu’un Japon­ais et un Chi­nois peu­vent se com­pren­dre par l’écriture logographique, mais pas par la parole, car s’ils utilisent bien les mêmes signes pour écrire, ils ne les prononce pas pareille­ment. En terme d’universalité, que puis-je partager avec eux, si je ne suis pas au courant de ce trait cul­turel ?

Issu de l’immigration et du voy­age, je suis con­va­in­cu du fait que le monde sur­vivra par la diver­sité et non par le repli iden­ti­taire car­ac­téris­tique de notre époque. Quand on regarde notre monde depuis les siè­cles de lumières, ce sont ces grands voyageurs qui ont fait décou­vrir la richesse cul­turelle des peu­ples du monde et celle-ci con­court – du moins le devrait – au bien-être de tous.

Pour moi, la meilleure chose que l’on puisse apporter aux autres, ce n’est pas de leur don­ner notre richesse, mais de leur révéler la leur. Je tente à cha­cun de mes spec­ta­cles de trans­met­tre hum­ble­ment ce principe.

Si on regarde l’origine de la vie à par­tir de l’inerte, c’est comme une bac­térie qui était là immo­bile pour tou­jours et qui décide de devenir mobile, pour décou­vrir le monde, quitte à en per­dre la vie. De l’immortalité, la bac­térie a préféré devenir mortelle. C’est de cet organ­isme uni­cel­lu­laire que nous descen­dons tous.

Nous avons voulu jouer avec le feu, mais comme dirait le met­teur en scène québe­cois Robert Lep­age, « …Il est vrai qu’à trop jouer avec le feu, l’homme prend le risque de se brûler, mais il prend égale­ment la chance d’éblouir et d’illuminer»

Avez-vous le sen­ti­ment de subir, à titre per­son­nel, une iné­gal­ité de traite­ment en tant qu’artiste issu de l’immigration ; ou d’être vic­time d’une forme de stig­ma­ti­sa­tion, voire de ségré­ga­tion cul­turelle qui ne s’avoue pas en tant que telle ?

Je n’ai jamais ressen­ti ni une iné­gal­ité de traite­ment en tant qu’artiste issu de l’immigration, ni une forme de stig­ma­ti­sa­tion, pour la sim­ple rai­son que je n’ai jamais abor­dé ce méti­er en tant qu’Africain, mais avant tout en tant qu’artiste. Et en tant qu’artiste, mon rôle est de faire reculer les fron­tières men­tales. Les Anglo- sax­ons ont deux mots pour par­ler des fron­tières : « bor­der » et « fron­tier ».

« Fron­tier » est une lim­ite physique, comme un mur ou une bar­rière ; « bor­der » est une fron­tière sou­ple qui est plus proche des lim­ites à explor­er et qu’on peut donc redessin­er, ou reculer.

Quand cette dernière fron­tière, « bor­der », vient à dis­paraître, on passe à un autre état de con­science. C’est cet état qui a fait dire par exem­ple à mon ex-femme après quinze de vie com­mune : « c’est étrange, je ne me rend plus compte que tu es noir »… et moi, je ne me rendais plus compte qu’elle était blanche… quand ces fron­tières men­tales dis­parais­sent, il n’y a plus que des êtres humains qui ten­tent ce qu’ils peu­vent pour trou­ver leur place au monde… Je ne me regarde pas tous les matins dans ma glace pour me rap­pel­er que je suis noir. J’en suis même venu à oubli­er que je le suis…

C’est prob­a­ble­ment pour cette rai­son que je ne souf­fre pas des iné­gal­ités que me rela­tent par­fois des artistes noirs à Paris ou à Brux­elles. Quand une struc­ture refuse mon pro­jet, elle ne me dit pas non parce que je suis noir, mais elle dit non au pro­jet que je pro­pose. Il ne s’agit donc pas d’une atteinte à mon intégrité, mais d’un refus du pro­jet que je pro­pose. Et si la struc­ture a dit incon­sciem­ment non à mon pro­jet parce je suis noir, c’est elle qui a un prob­lème, pas moi…

Cepen­dant les dif­fi­cultés que j’ai pu iden­ti­fi­er et qui sont liées à mes orig­ines sont plus sub­tiles.

La Bel­gique est un pays où cohab­itent 3 peu­ples, 3 cul­tures (fran­coph­o­ne, fla­mande et ger­manophone). Quand je pro­pose un spec­ta­cle dans une aire qui sort de celle où je suis sen­sé m’exprimer, les réac­tions sont sou­vent de l’ordre de : « on trou­ve le texte intéres­sant, mais ce serait mieux que tel ou tel met­teur en scène de notre com­mu­nauté le monte ». Tout se passe comme s’il n’y avait pas une con­fi­ance dans les esthé­tiques et lan­gage artis­tique qui découlent de mon tra­vail. Ils font plus con­fi­ance à ce qu’ils con­nais­sent qu’à ce qu’ils ne con­nais­sent pas.

L’autre fait impor­tant et réc­curent est celui où sys­té­ma­tique­ment on nous sig­nale que l’on a pas assez ou trop d’accent africain.

Pour désar­morcer ce genre de pro­pos, j’ai un jour par provo­ca­tion répon­du à un chef de cast­ing qui me demandait : « tu con­nais un acteur noir qui par­le avec un accent africain ? », « non, mais je cherche pour ma future mise en scène un acteur blanc qui par­le avec un accent européen ».

Je pense que ce jour là, il s’est ren­du compte non seule­ment de l’incongruité de sa ques­tion, mais aus­si de la vio­lence que rêvet cette ques­tion.

Plus générale­ment, les artistes issus de l’immigration souf­frent-ils d’un déficit de vis­i­bil­ité sur les scènes européennes ? Ou au con­traire d’une forme de pro­mo­tion par­ti­sane et mil­i­tante ?

Oui indé­ni­able­ment, quand on regarde le nom­bre d’acteurs et actri­ces noirs qui sont sur le marché et le peu de vis­i­bil­ité qu’ils ont sur les scènes et les médias européens, le déficit est man­i­feste. Il y a aus­si effec­tive­ment, une forme de pro­mo­tion par­ti­sane, large­ment incon­sciente je pense, qui con­siste à engager des acteurs noirs qui vien­nent du con­ti­nent africain, ils sont encore spon­tanés, peu­vent par­ler avec accent sans rechign­er, con­traire­ment aux acteurs présents ici en Europe, qui ne sont plus tout à fait noirs et qui dis­cu­tent de tout et dont le cli­mat froid a enlevé toute spon­tanéité… Il faut bien recon­naître qu’il y a une forme d’exotisme chez cer­tains met­teurs en scènes européens.

Con­sid­érez-vous que les théâtres man­quent à leur mis­sion de ser­vice pub­lic, pour la pro­mo­tion de la diver­sité cul­turelle au sein de nos sociétés mul­ti­cul­turelles ?

Oui glob­ale­ment, même si cela ne con­cerne pas tous les théâtres, cer­tains ont instru­men­tal­isé la cause. C’est-à-dire : je m’occupe de la diver­sité cul­turelle pour me créer des nou­veaux marchés et des nou­veaux publics. Au bout du compte tout cela n’aura pas d’impact sur la vis­i­bil­ité des artistes de la diver­sité.

La seule vraie ques­tion que les directeurs des théâtres doivent se pos­er, c’est : « la pro­gram­ma­tion pro­posée aux publics est-elle là pour que plus tard, ils devi­en­nent des grands con­som­ma­teurs de théâtre, où la pro­gram­ma­tion est là car elle est indis­pens­able à leur développe­ment et épanouisse­ment dans nos sociétés ? ».

À la décharge des directeurs de théâtre, les pou­voirs sub­sid­i­ants leur deman­dent surtout des résul­tats en terme de rentabil­ité. L’aspect qual­i­tatif est sou­vent ignoré ou dif­fi­cile­ment pal­pa­ble. Dans leur énon­cé de poli­tique générale, les pou­voirs sub­sid­i­ants vont par­ler de l’importance du théâtre pour l’épanouissement des peu­ples, mais en défini­tive, seuls les chiffres comptent.

Cer­tains théâtres se deman­dent pourquoi les Africains ne vont pas beau­coup au théâtre et sou­vent je refor­mule la ques­tion, pourquoi les Africains iraient-ils au théâtre ?

Cha­cun doit tra­vailler sur cette ques­tion, les Africains et les directeurs de théâtres. Si le thème touche les Africains, ils vont au théâtre, mais si la pro­gram­ma­tion est à mille lieues de leurs préoc­cu­pa­tions, ils ne fer­ont pas l’effort d’aller au théâtre.

L’impact d’un Omar Sy qui reçoit un césar est dix-mille fois plus puis­sant que toutes les for­ma­tions ou ate­liers que l’on fait autour de la diver­sité. Car la jeunesse issue de la diver­sité a besoin de héros pour se con­stru­ire. Il ne faut pas aban­don­ner pour autant le tra­vail de réseau­tage effec­tué par les théâtres, mais l’un doit pou­voir s’appuyer sur l’autre.

Pensez-vous que l’audiovisuel, ou d’autres secteurs du spec­ta­cle vivant tels que la danse ou la musique par exem­ple, rem­plis­sent davan­tage leur mis­sion de pro­mo­tion de la diver­sité que le théâtre ?

Non ! Même si on a l’impression que ces secteurs rem­plis­sent mieux leur mis­sion, cela n’est qu’une apparence. Le théâtre requiert une maîtrise de la langue, c’est un lan­gage artis­tique exigeant pour le pub­lic. Même si la danse, la musique, l’audiovisuel sem­blent plus acces­si­bles, pour l’artiste de la diver­sité, il doit se con­former à ce que l’on attend de lui pour pou­voir faire sa place. Il faut s’inscrire dans un moule pré­fab­riqué pour cor­re­spon­dre aux critères de la pro­gram­ma­tion. Par exem­ple quand un choré­graphe issu de la diver­sité présente de la danse con­tem­po­raine, est-ce que cette choré­gra­phie est une évo­lu­tion de la danse tra­di­tion­nelle africaine, ou s’agit-il d’une influ­ence de la danse con­tem­po­raine européenne, qui a sa pro­pre his­toire. Pour le dire autrement doit-il pour sat­is­faire les Blancs faire une choré­gra­phie qu’ils peu­vent appréci­er avec un vocab­u­laire qu’ils con­nais­sent, ou est-ce qu’il se donne le droit de les désta­bilis­er, de les amen­er où ils ne l’attendent pas. Ce que je dis pour la danse vaut aus­si pour la musique et l’audiovisuel.

La recette éprou­vée, avec un relatif suc­cès, par cer­tains théâtres privés issus du show busi­ness et de l’industrie du diver­tisse­ment, à la façon du Com­e­dy Club ini­tié par Jamel Deb­bouze, est-elle trans­pos­able dans le cadre du théâtre d’art ?

Je ne pense pas. Si cela peut marcher pour le théâtre d’humour, les onemanshow, stand-up… pour le théâtre plus « clas­sique / tra­di­tion­nel », cela me sem­ble dif­fi­cile. Ce théâtre-ci n’est pas unique­ment de la per­for­mance d’acteurs, mais est un col­lec­tif qui tente de créer avec le pub­lic un lien frag­ile qui est tou­jours à recon­stru­ire. Ce n’est pas un théâtre qui se con­stru­it sur des cer­ti­tudes, mais sur des doutes…

Et puis, il y a ce trait cul­turel belge dont il faut tenir compte : il n’y a pas de « star sys­tem » comme on peut avoir en France ou aux USA. Les frères Dar­d­enne boivent leur café à Liège dans un endroit où tout le monde peut aller et per­son­ne ne les regarde. Deux césars à Cannes ? Et alors… Ils sont comme nous. C’est ça la Bel­gique.

Ce que Jamel Deb­bouze a fait avec le Com­e­dy Club, il peut se le per­me­t­tre juste­ment parce que c’est une star.

Ici, je peux me tromper, ça ne marchera pas. D’ailleurs nos acteurs belges, s’ils veu­lent devenir des stars, ils vont à Paris, ils ne restent pas ici. Per­son­nelle­ment j’apprécie cette atti­tude qui fait par­tie de la « bel­gi­tude ».

Peut-on dire que le spec­ta­cle vivant en Bel­gique est encore pris­on­nier d’un « sys­tème d’emplois » d’autant plus effi­cace qu’il ne se déclare pas comme tel, voire qu’il n’a pas con­science de lui-même ?

Ce que je peux dire d’emblée est que le théâtre belge fla­mand est pris­on­nier de la forme et le théâtre belge fran­coph­o­ne, pris­on­nier de la langue. C’est aus­si un trait cul­turel impor­tant de la Bel­gique et celui-ci est à l’origine de pas mal des malen­ten­dus entre les deux com­mu­nautés et les artistes issus de la diver­sité pris en otage entre ces deux plaques tec­toniques qui frot­tent l’une con­tre l’autre, mais qui pour­tant sont com­plé­men­taires et enrichissantes, si la poli­tique ne s’en mêlait pas. Que le spec­ta­cle vivant belge soit pris­on­nier d’un « sys­tème d’emploi » est évi­dent, mais à sa décharge la poli­tique n’a jamais statué sur une posi­tion claire du méti­er d’artiste. Si, en France, l’intermittent du spec­ta­cle est un statut à part entière, même s’il y a beau­coup de choses à amélior­er, en Bel­gique l’artiste est assim­ilé à un employé et à un indépen­dant, du coup il est à la fois un faux salarié et un faux indépen­dant.

Je viens d’être con­vo­qué par l’inspection social de l’Onem (équiv­a­lent de Pôle Emploi en France). On me reprochait d’avoir touché des droits d’auteurs en 2014 et 2015 (qui sont des revenus d’indépendant) et de ne pas les avoir déclaré à mon syn­di­cat. Je leur ait sor­ti deux arti­cles de lois con­tra­dic­toires et là, c’est sur­réal­iste ! Le pre­mier dit, en gros : « … La per­cep­tion de revenus liés à une activ­ité artis­tique peut avoir un impact sur les allo­ca­tions de chô­mage. En effet, si le reve­nunetimpos­able annuel lié à cette activ­ité dépasse 4.109,04 €, les allo­ca­tions de chô­mage sont revues à la baisse. Au- delà de ce mon­tant net, l’allocation jour­nal­ière est dimin­uée… »

Le deux­ième arti­cle le con­tre-dit : « Tous les revenus liés à la ces­sion et à la con­ces­sion de droits d’auteur sont des revenus mobiliers soumis à une fis­cal­ité par­ti­c­ulière de 15%. Il devrait en résul­ter que ces revenus ne devraient pas avoir d’im­pact sur le cal­cul des allo­ca­tions de chô­mage. Une par­tic­u­lar­ité que l’administration devrait pren­dre en compte pour que la loi du 16 juil­let 2008 rel­a­tive à la fis­cal­ité des revenus de droits d’auteur soit pleine­ment effec­tive. Mais à ce jour, aucune déci­sion n’a été prise dans ce sens. »

Quand je fais remar­quer cela à l’inspecteur social, il me dit que je suis con­damné quand même car dans ce deux­ième arti­cle les verbes sont con­jugués au con­di­tion­nel et le poli­tique n’a pas encore pris de déci­sion et que, par con­séquent, c’est l’administration qui décide. C’est sur­réal­iste, non ?!

Peut-on y voir la résur­gence d’une his­toire du théâtre mar­quée par son inca­pac­ité à penser l’altérité, comme le mon­trent les spec­ta­cles exo­tiques, freaks shows ou slide shows, dont Sarah Baart­man la « vénus hot­ten­tote » ou « vénus noire », le clown Choco­lat et la danseuse Joséphine Backer ne sont que les fig­ures sail­lantes ? Com­ment vous situez-vous par rap­port a ces artistes pio­nniers can­ton­nés dans des rôles racisés, voire com­plète­ment essen­tial­istes ?

Sur cette ques­tion, je vais devoir être un peu plus long car elle est com­plexe et touche à l’essence même de la prob­lé­ma­tique que soulève cette enquête.
Quand un met­teur en scène ou un réal­isa­teur blanc et un artiste noir se ren­con­trent pour la pre­mière fois, ils ont déjà une his­toire com­mune inscrite dans leur mémoire col­lec­tive et cette his­toire qu’ils le veuil­lent ou non, va influer sur leur per­cep­tion de l’autre. Quand mon ex-femme me dit :« je ne me rend même plus compte que tu es noir », ce qu’elle veut exprimer c’est que, après avoir tra­ver­sé ses pro­pres préjugés et ceux de son entourage à pro­pos de mes orig­ines, elle peut aujourd’hui se faire une idée de l’être humain qui est der­rière ce voca­ble de « Noir ». Et qu’elle n’en a plus peur, quelque part, elle peut assumer son choix.

La colo­nial­itécomme dis­ent les chercheurs en soci­olo­gie, philosophie…est l’impact de la coloni­sa­tion sur nos men­tal­ités et cela nous con­cerne tous, Blancs et Noirs. Il y a un an, je me présente pour un cast­ing à Paris, je sonne à l’adresse indiquée, une jeune femme noire vient m’ouvrir et m’accueillir chaleureuse­ment, je regarde au-dessus de son épaule au fond du bâti­ment et elle me dit : « vous cherchez la direc­trice de cast­ing ? », je dis « oui » et elle me répond : « Eh ! Bien c’est moi… »…

Elle a vu mon trou­ble, je me suis con­fon­du en excus­es, mais elle m’a ras­surée me dis­ant qu’elle en avait l’habitude. Lorsque nous avons pris ren­dez-vous, rien dans son nom ni dans son accent ne trahis­sait ses orig­ines, je m’attendais à voir une Blanche. Ce qui est intéres­sant, ce que je n’ai finale­ment pas passé le cast­ing, mais nous avons par­lé de notre pro­pre con­di­tion­nement men­tal et cul­turel.
Donc, quand ce met­teur en scène blanc et cet artiste noir se ren­con­trent pour la pre­mière fois, ils ne sont pas vierges et ont déjà une opin­ion non pas sur la per­son­ne qui se tient devant eux, mais sur la com­mu­nauté dont cette per­son­ne fait par­tie.

Ils sont face à face, deux iden­tités ; mais l’identité n’est pas sta­ble mais rela­tion­nelle. Le Blanc doit se méfi­er de son eth­no­cen­trisme et le Noir de sa propen­sion à faire ce que l’autre attend de lui.
Com­ment je me situe par rap­port à ces artistes pio­nniers can­ton­nés dans les rôles racisés ?
Si le rôle pro­posé per­met de faire avancer la lutte con­tre les per­sis­tances et accélér­er la décon­struc­tion des stéréo­types, alors il faut le faire. S’il n’y a pas d’espace, même restreint, pour cette cause, mais qu’au con­traire cela ren­force les préjugés, alors il ne faut pas accepter le rôle. Si le pro­pos de la pièce, même anec­do­tique, per­met de démon­ter les mécan­ismes qui mènent aux préjugés, alors il faut le faire.

Ces artistes racisés ont joué un rôle impor­tant pour la jeunesse, ils ont été les héros des enfants. Grâce à eux, les enfants issus de la diver­sité peu­vent pren­dre con­science qu’ils peu­vent eux aus­si accéder au ciné­ma, à la télé et au théâtre. Cela leur est acces­si­ble. Il n’y a pas de fatal­ité, s’ils y tra­vail­lent, ils peu­vent y arriv­er. Le héros donne à l’enfant la force et la grandeur qu’il n’a pas. Quand un jeune me dit : on ne donne jamais qu’aux « gros » (sous-enten­du, aux rich­es), je réponds tou­jours : est-ce que toi aus­si tu peux devenir gros ou pas ? C’est la seule ques­tion à laque­lle tu devras trou­ver une réponse… »

Pour para­phras­er l’écrivain Samy Tchak, on pour­rait refor­muler la sit­u­a­tion des artistes issus de la diver­sité cul­turelle de cette manière : Quelle est notre « sur­face de récep­tion », c’est à dire com­bi­en de pub­lic touche t- on quan­ti­ta­tive­ment, et quelle est la den­sité de récep­tion, c’est à dire l’impact qual­i­tatif qui con­tribuerait à faire avancer la cause de la décon­struc­tion des stéréo­types ?

Com­ment sor­tir d’un sys­tème de dis­tri­b­u­tion où les comé­di­ens issus de l’immigration sont le plus sou­vent relégués à des rôles sub­al­ternes, ou pires, à des rôle les les con­duisant à sur jouer les stéréo­types eth­niques ou raci­aux imposés par la société, y com­pris quand on s’appelle Omar Sy ?

Des per­son­nal­ités comme Omar Sy ou Jamel Deb­bouze ont con­sid­érable­ment con­tribué à aug­menter notre « sur­face de récep­tion », comme ce fut le cas aux USA avec le Har­ry Bela­fonte ou Syd­ney Poiti­er au milieu du XXe siè­cle. Pour Omar et Jamel, la den­sité de leur action est faible à force de jouer des rôles racisés.

Je pense aus­si qu’ils sont vic­times de ce que l’on peut appeller le syn­drôme du culte de per­son­nal­ité, qui est à mon sens une des pris­ons du théâtre français.

Quand un acteur com­mence à être con­nu, il ne joue plus des per­son­nages, il devient un per­son­nage qu’il décline dans tous les rôles qui lui sont demandés. Son savoir faire est instru­men­tal­isé par les maisons des pro­duc­tions pour une ques­tion de rentabilté au box-office.

Mais je pense par ailleurs qu’il ne faut pas tout leur met­tre sur le dos, ils ouvrent des portes, il y a une nou­velle généra­tion qui arrive et qui sem­ble s’atteler à aug­menter la den­sité de la récep­tion. Je pense notam­ment à Marc Zin­ga, Aïs­sa Maï­ga, Babeti­da Sad­jo…

Quel que soit le rôle don­né à l’acteur, l’acteur doit le ren­dre intéres­sant. Si imiter un accent est sig­nifi­ant pour l’histoire, il faut le faire, sinon il faut refuser et inven­ter autre chose. Tou­jours dis­cuter de la dra­maturgie avec le met­teur en scène.

Et quit­ter cette sphère qui voit le Noir comme un « corps physique ». C’est sans doute là notre prison et notre piège.

Je ne peux pas chang­er ce que l’Autre pense, mais je peux me chang­er moi, pour ne pas don­ner à l’Autre ce qu’il attend de moi. Pour para­phras­er Kof­fi Kwahulé : Si le corps de l’esclave appar­tient au maître, les pen­sées de l’esclave appar­ti­en­nent tou­jours à l’esclave.

Je pense donc que même quand on nous donne des rôles stéréo­typés, il faut se bat­tre pour les endoss­er de manière intéres­sante et sin­gulière. C’est la pre­mière forme de résis­tance. Je sers le rôle nar­ratif que tu attends de moi, mais ma sphère vibra­toire au niveau de la pen­sée n’est pas là où on pour­rait l’attendre. Tout le monde ne percevra pas cette nuance, mais si un pour­cent­age min­ime des spec­ta­teurs la perçoit, c’est le début d’un change­ment ; lente­ment mais sûre­ment…

Dans un pre­mier temps, j’étais adepte de faire comme aux USA où la minorité noire a mis en place ses pro­pres struc­tures. Mais aujourd’hui je pense qu’ici en Europe, cela ne fera que créer des nou­veaux ghet­tos.

Les Afro-améri­cains n’ont pas l’équivalent de notre dias­po­ra, ce qui leur per­met d’être plus unis que nous, leur his­toire com­mune est l’esclavage, ils n’ont pas d’autres choix que de se bat­tre pour recon­stru­ire une com­mu­nauté. Mais ici, les iden­tités sont mul­ti­ples, les « Afriques » divers­es, d’où la dif­fi­culté d’une union. Mais il suf­fit de quelques-uns qui s’acharnent pour tir­er la machine.

Il y a d’ailleurs une étude économique très intéres­sante qui a étudié la cir­cu­la­tion de l’argent aux USA dans les com­mu­nautés juives, his­paniques, noires et arabes.

L’étude a démon­tré que chaque dol­lar investi dans la com­mu­nauté par un mem­bre, rebondis­sait un cer­tain nom­bre de fois avant de sor­tir de la com­mu­nauté. Un Arabe, par exem­ple, allait chez un coif­feur arabe, achetait de la nour­ri­t­ure chez un Arabe, buvait son thé dans un café arabe…Quand on comp­tait le nom­bre de rebonds que ce dol­lar fai­sait avant de sor­tir de la com­mu­nauté, la com­mu­nauté juive était en tête avec 18 rebonds, la com­mu­nauté arabe 12, les His­paniques 9 et les Noirs à peine 2.

Cela mon­tre peut-être le manque de con­fi­ance qu’ont les Noirs en leur com­mu­nauté. Je me suis demandé à l’époque com­ment faire pour amélior­er le nom­bre de rebonds de la com­mu­nauté noire… Aujourd’hui, je con­sid­ère que le peu de rebonds est une chance et une richesse. Car ce que les Africains et les artistes de la diver­sité peu­vent apporter au monde c’est de penser au-delà des com­mu­nautés. C’est cela le monde de demain.

L’Afrique est la seule région au monde qui ne se pré­cip­ite pas pour impos­er ses pro­pres préjugés aux autres.

Le théâtre souf­fre-t-il d’une forme d’inconscient cul­turel colo­nial et si tel est selon vous le cas, com­ment le com­bat­tre ?

Sor­tir de ce sys­tème demande aux uns et aux autres de pren­dre con­science de l’impact de la « colo­nial­ité » sur nos men­tal­ités.

L’ethnocentrisme chez l’Européen agit par­fois à des endroits inat­ten­dus. Il y a une dizaine d’années, un émi­nent anthro­po­logue a fait une longue étude de ter­rain dans ma région du Kasaï en RDC. Ses con­clu­sions étaient effarantes : le peu­ple Luba n’a pas le sens de la per­spec­tive lorsqu’il des­sine. Sur le ter­rain, il mon­trait le dessin de deux éléphants adultes marchant à la file indi­enne, celui au fond du paysage était plus petit que celui qui était proche du regard de l’observateur. Sys­té­ma­tique­ment, toutes les per­son­nes inter­rogées dis­aient que cela représen­tait un éléphant et son petit. Ensuite, il demandait aux par­tic­i­pants de dessin­er deux éléphants adultes marchant l’un der­rière l’autre. Tous les par­tic­i­pants ont dess­iné des éléphants de la même taille.

On peut se deman­der l’intérêt et la per­ti­nence de ce genre d’études, tou­jours est-il que l’anthropologue est arrivé à la con­clu­sion que les Luba du Kasaï n’avait pas le sens de la per­spec­tive. D’autres émi­nents anthro­po­logues ont tout de même fait remar­quer à leur col­lègue que la per­spec­tive était une con­ven­tion cul­turelle, elle n’est pas naturelle. C’est par­fois cela que l’on reproche aux Blancs, cette façon de regarder et de juger le monde de leur point de vue. Pour sor­tir de ce sys­tème, il y a un tra­vail de « décolo­nial­ité » à faire au niveau indi­vidu­el.

Au niveau col­lec­tif, don­ner un espace aux artistes de la diver­sité pour s’exprimer et échang­er. Je ne crois pas aux ghet­tos, mais à un vrai espace d’échange, à la recherche des modal­ités pra­tiques de l’universalité avec tous.

Com­ment élargir le recrute­ment des lieux de for­ma­tion aux métiers de la scène et du plateau, sans pour autant tomber dans les tra­vers et effets per­vers d’une poli­tique volon­tariste ?

Je pense qu’il faut créer un espace où dif­férentes tech­niques de jeu peu­vent exis­ter, s’échanger et s’enrichir les uns et les autres. Mais ces échanges doivent avoir comme objec­tif de créer un spec­ta­cle. Une sorte de d’art appliqué.

Quels sont, selon vous, les leviers par lesquels est sus­cep­ti­ble de s’opérer lapro­mo­tion d’artistes issus de cul­tures minorées ?

Ouvrir les grandes scènes nationales aux auteurs issus de la diver­sité. Don­ner l’occasion aux met­teurs en scènes issus de la diver­sité de mon­ter aus­si bien des pièces de réper­toires que des pièces con­tem­po­raines.

La « dis­crim­i­na­tion pos­i­tive » importée du monde anglo-améri­cain est-elle une solu­tion effi­cace et légitime ?

Je ne pense pas que la dis­crim­i­na­tion pos­i­tive importée du monde anglo-améri­cain soit idéale. Comme je l’ai écrit plus haut, ce ne sont pas les mêmes his­toires, ni les mêmes dias­po­ras. On voit vite les lim­ites de ce sys­tème, quelle que soit la série télévisée, on sait qu’il y aura un Noir, un Jaune, un His­panique… Est-ce que cela règle le prob­lème de la diver­sité cul­turelle dans la rue ? Non, cela donne juste une bonne con­science d’être poli­tique­ment cor­rect. Cela con­tribue à garder les per­son­nes dans leur com­mu­nauté. Or, c’est une expéri­ence mul­ti­cul­turelle, c’est l’expérience inter­cul­turelle qu’il faudrait vis­er. Une loi ne suf­fi­ra pas pour que les choses changent, il faut com­bin­er démarche indi­vidu­elle et col­lec­tive. C’est plus lent, mais les change­ments seront plus durables.

Le risque n’est-il pas grand d’alimenter une nou­velle forme de stig­ma­ti­sa­tion inver­sée ou de frag­ilis­er cer­taines propo­si­tions artis­tiques en leur don­nant un excès de vis­i­bil­ité ?

Toutes les expéri­ences sont bonnes à ten­ter. Les choses sont telle­ment déséquili­brées, qu’aller dans les extrêmes nous per­me­t­trait au moins de vivre autre chose quitte à rééquili­br­er ensuite.

Com­ment élargir cette exi­gence de diver­sité aux équipes tech­niques et admin­is­tra­tives des théâtres, et à plus forte rai­son à la com­po­si­tion des salles de spec­ta­cle ?

En don­nant des for­ma­tions tech­niques aux per­son­nes issues de la diver­sité cul­turelle. Mais j’insiste sur la notion de for­ma­tion appliquée. Il faut dans une même ses­sion appren­dre les tech­niques et les appli­quer. Beau­coup de for­ma­tions se lim­i­tent à l’apprentissage des tech­niques. C’est comme d’apprendre une langue pen­dant quelques mois, si on n’a pas l’occasion de l’appliquer, on l’oublie vite.

Assiste-t-on à une crise de la représen­ta­tion sur les scènes européennes, du fait de la faible représen­ta­tion d’artistes issus de l’immigration au sein de l’espace pub­lic et médi­a­tique ? Quelle est la respon­s­abil­ité de l’artiste dans une telle con­fig­u­ra­tion ?

Les men­tal­ités bougent lente­ment et la tech­nolo­gie beau­coup trop vite. Comme dis­ait un soci­o­logue, nous sommes tech­nologique­ment tri­om­phant et cul­turelle­ment défail­lant.

La demande d’intelligence col­lec­tive, n’a jamais été aus­si grande dans le monde. Les artistes de la diver­sité ont à jamais un rôle à jouer, pour autant qu’on leur laisse une Vraie place.

En ce début du XXIe siè­cle, alors que nous entrons dans l’ère du réchauf­fe­ment cli­ma­tique, de l’épuisement des sols par l’exploitation out­ran­cière des multi­na­tionales, il est dif­fi­cile de nier que l’Amérique reste – qu’on le veuille ou non – la référence mon­di­ale de la civil­i­sa­tion humaine urbaine. Depuis l’arrivée du peu­ple noir en Occi­dent, il y a 440 années, c’est l’Amérique qui a été la pre­mière nation à enfan­ter du tout pre­mier prési­dent noir d’occident, élu au suf­frage uni­versel en la per­son­ne de Barack Oba­ma.

En Afrique, depuis plus d’une décen­nie, la Chine a sup­plan­té l’Occident dans le com­merce et la coopéra­tion au développe­ment. Pour­tant, c’est en dol­lars que se font les trans­ac­tions du com­merce mon­di­al, et ce, bien que les Chi­nois et les Japon­ais déti­en­nent le quart de la dette améri­caine.

Enfin, qu’on l’aime ou pas, le ciné­ma améri­cain domine le paysage des box-offices en matière de fréquen­ta­tion et c’est encore la musique améri­caine qui reste dom­i­nante dans le monde.

Mais com­ment font-ils ? Une de mes hypothès­es, est que l’Amérique est la seule nation au monde qui a basé son développe­ment sur la diver­sité des peu­ples… Sans être un ado­ra­teur de l’Amérique, je dois bien recon­naître que la diver­sité est une com­posante de leur force. Cela ne veut pas dire que c’est sim­ple et facile à vivre tous les jours, mais c’est tout de même ce bras­sage entre les Irlandais, les Ger­mains, les Anglais, les Ital­iens, les Noirs, les His­paniques, les Asi­a­tiques, les Indi­ens… qui a fait et qui fait encore la force des USA. C’est ce bras­sage qui a con­duit au rêveaméri­cain

L’autre trait de sa force, c’est d’avoir con­sid­éré la cul­ture comme un moteur de développe­ment économique et d’épanouissement du peu­ple. C’est prob­a­ble­ment la car­ac­téris­tique la plus mar­quante qui com­pose leur ADN.

Dans les années sep­tante, alors ado­les­cent en Afrique, j’ai enten­du par­ler de l’Amérique par James Brown et la danse jerk, les films de west­ern. Peu après, j’ai décou­vert le coca-cola et je me suis réveil­lé un matin avec des Nike aux pieds et un jean Levis moulé aux fess­es.

L’Europe doit accepter qu’elle est une société mul­ti­cul­turelle et tout le reste suiv­ra…

Propos recueillis par Laurence Van Goethem.
  1. Denis Mpun­ga joue dans Le Petit Peu­ple de la Brume du Théâtre du Papyrus, actuelle­ment en tournée au Théâtre Les Bam­bous à l’Île de la Réu­nion. Ce spec­ta­cle sert de point de départ à un vaste pro­jet de coopéra­tion cul­turelle dans la Région des Grands Lacs avec des artistes venus du Con­go (RDC), Burun­di et Rwan­da, en parte­nar­i­at avec Ishyo Arts Cen­tre de Kigali dirigé par Car­ole Kare­mera. ↩︎
Entretien
Théâtre
Denis Mpunga
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