Gen Z : L’art de la sublimation par Salvatore Calcagno

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Théâtre

Gen Z : L’art de la sublimation par Salvatore Calcagno

Le 2 Mar 2018
Gen Z, Salvatore Calcagno. Photo Michel Boermans.
Gen Z, Salvatore Calcagno. Photo Michel Boermans.

La jeunesse est belle et lucide, quoiqu’on en dise. Voilà ce qu’affirme plus ou moins Gen Z, nou­veau spec­ta­cle de Sal­va­tore Calcagno qui racon­te la généra­tion Z en lui lais­sant la parole et en la mag­nifi­ant.

Con­nu pour ses spec­ta­cles raf­finés qui sub­li­ment les fig­ures féminines ou font de la scène un espace de fan­tasmes et de désirs, le met­teur en scène brux­el­lois Sal­va­tore Calcagno offre ici un spec­ta­cle plus social sur la jeunesse et sur l’Europe. Ancrée dans une démarche doc­u­men­taire, la pièce est néan­moins tou­jours portée par un regard ennoblis­sant, qui, s’il ne parvient pas à appro­fondir toutes les pistes défrichées, des­sine d’un trait flam­boy­ant une jeunesse inspi­rante et styl­isée.

La matière pre­mière de ce spec­ta­cle est ver­tig­ineuse. Les spec­ta­teurs qui pren­nent aus­si le temps d’aller voir l’exposition Gen Z au Ciné­ma Galeries en auront un vaste aperçu. Sur les murs de longs cor­ri­dors s’affichent les pho­tos d’adolescents et jeunes adultes ren­con­trés par Calcagno et son équipe en Ser­bie, en Espagne, en France, en Estonie et en Bel­gique, où ils ont récolté leurs paroles et sondé leurs pen­sées sur leurs vies, sur l’école, les réseaux soci­aux, le ter­ror­isme et le sexe, entre autres.

Leur parole est brute et mul­ti­forme, par­fois colérique, par­fois naïve, par­fois clair­voy­ante. Leur image est léchée, soigneuse­ment tra­vail­lée et mon­trée sous la meilleure lumière. Exacte­ment comme l’est le spec­ta­cle né de ces ren­con­tres et inter­prété en par­tie par de jeunes comé­di­ens ama­teurs jouant par moments leurs pro­pres rôles : une incar­na­tion de la den­sité de la parole de ces jeunes autant qu’une expo­si­tion soignée de leur beauté plas­tique. Tel un écho à la splen­deur du monde et à l’espoir d’une Europe meilleure.

C’est le regard Calcagno. Une cer­taine sagac­ité devant les prob­lèmes de l’humanité, mais une con­vic­tion que la beauté est tou­jours tri­om­phante.

Un monde tech­no qui n’a rien d’inhumain

Impos­si­ble d’éviter, avec ces jeunes nés après 1995, le thème de la surabon­dance des écrans et de la mise en scène de soi sur les réseaux soci­aux. Loin du por­trait alarmiste qu’en dressent par­fois cer­tains médias, les jeunes inter­rogés par Sal­va­tore Calcagno et ses com­plices Antoine Neuf­mars et Emi­lie Fla­mant se mon­trent con­scients des dérives pos­si­bles de leur util­i­sa­tion d’Instagram ou de Snapchat mais revendiquent une meilleure mise en relief des avancées per­mis­es par ces plate­formes. Autrement dit, ils sont en quête de nuances — et ils ont bien rai­son. Soucieux de pro­téger leur vie privée ou de réfléchir aux excès de mise en scène aux­quels ils se soumet­tent, ils n’en sont pas moins ent­hou­si­astes devant les mon­des tech­nologiques qui s’offrent à eux, vus comme un fécond ter­ri­toire d’expression.

Si l’écran domine une par­tie de leurs vies, ce sont bel et bien des êtres de chair qui pren­nent parole et qui man­i­fes­tent, par ailleurs très sen­suelle­ment, l’organicité de leur appar­te­nance au monde. Le spec­ta­cle, pro­téi­forme et mul­ti­di­rec­tion­nel, abor­de pêle-mêle les ques­tions de sex­u­al­ité et d’identité de genre, de rap­port à l’autorité et au pou­voir (l’école et le con­texte de la classe ser­vent sou­vent de métaphores pour illus­tr­er d’autres struc­tures poli­tiques), de fémin­isme et de mas­culin­ité, de quête de savoir et d’émancipation per­son­nelle, et de la présence de l’art dans un monde qui en a bien besoin.

Leur rap­port à leur pays et à l’Europe est égale­ment l’un des moteurs dis­crets de l’action scénique. Par­tir ou rester?, leur demande Sal­va­tore Calcagno, apparu sur scène en deux­ième par­tie du spec­ta­cle. La réponse est presque tou­jours « rester ». Car ces jeunes-là sont nés dans une Europe glob­al­isée dans laque­lle, mal­gré les apparences, l’épanouissement et la paix sociale sem­blent presque à portée de main.

Un tis­sage dra­maturgique un peu com­pliqué

Par­fois con­fus dans ses volon­tés d’allier dra­maturgie et esprit doc­u­men­taire, le spec­ta­cle s’entête un peu trop à créer des sit­u­a­tions nar­ra­tives clas­siques, met­tant en scène une classe chao­tique où l’on tente des exer­ci­ces de démoc­ra­tie, ou un tri­an­gle amoureux inex­tri­ca­ble qui donne lieu à quelques numéros de charme. Ces saynètes, si elles sem­blent ras­sur­antes pour les comé­di­ens ama­teurs réu­nis par Calcagno, dis­traient sou­vent trop le spec­ta­teur du réel pro­pos et de la force brute des pris­es de parole. Elles créent un fort sen­ti­ment d’identification aux per­son­nal­ités de Ray­hane, Raphaëlle, Nar­cisse, Sarah, Daniel, Fatouma­ta et Madali­na, mais elles empêchent de bien savour­er leur rôle de porte-voix des paroles des autres, en par­ti­c­uli­er quand le spec­ta­cle leur met en bouche les mots de jeunes serbes nation­al­istes de droite.

Si les ten­ta­tives de nar­ra­tion ne ren­dent pas tou­jours ser­vice au spec­ta­cle, Calcagno invente en revanche un lan­gage visuel et cor­porel puis­sant : dans­es, lypsinc et cour­tes vidéos for­ment un patch­work effi­cace et éclaté pour racon­ter une jeunesse inspirée, éclatée et radieuse.

Cette généra­tion Z est-elle si dif­férente des précé­dentes ? Peut-être pas de la généra­tion Y, qui la précède de peu et à laque­lle Calcagno et ses com­pars­es appar­ti­en­nent. En util­isant en par­tie la trame sonore de Trainspot­ting, film culte des ados des années 90, le met­teur en scène souligne cette fil­i­a­tion entre la jeunesse d’hier et d’aujourd’hui. L’avenir, toute­fois, sem­ble plus radieux pour ces jeunes-là que pour les tox­i­cos désem­parés du film de Dan­ny Boyle.

À voir au Théâtre des Tanneurs jusqu’au 3 mars.
Du 6 au 8 mars à Mars - Mons et 18 et 19 mai au Central à La Louvière.

Gen Z, Searching for Beauty
Mise en scène Salvatore Calcagno

Ecriture Salvatore Calcagno, Emilie Flamant et Antoine Neufmars

Avec Diogo Alves, Sara Badi, Aziz Delire, Fatoumata Diallo, Nisrine Harrak, Madalina Iolu, Wassima Jerrari, Narcisse Joao, Rayhane Kaapoun, Daniel Rampello (un groupe de jeunes acteurs non-professionnels) et Raphaëlle Corbisier, Egon Di Mateo, Emilie Flamant, Pauline Guigou Desmet, Manon Joannoteguy, Antoine Neufmars et Sophia Leboutte

Scénographie et lumières Simon Siegmann

Création vidéo Zeno Graton

Caméraman Simon Fascilla

Direction technique Philippe Baste

Maquillage Edwina Calcagno

Collaboration artistique Sofie Kokaj

Aide à l'élaboration de l'environnement sonore Jean-François Lejeune

Conseiller dramaturgie Sebastien Monfé

Assistante scénographie et lumières Angela Massoni

Aide aux costumes Adriana Maria Calzetti

Assistant direction technique Malo Martiny

Construction décor Fred Op De Beeck et Pierre Ottinger

Production Manon Faure

Accompagnement à la diffusion Sabine Dacalor

Prise de vue et étalonnage teaser Bram Droulers

Création et montage teaser Lucien Gabriel et Thomas Xhignesse
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