La Cosa, de Claudio Stellato : Jeu de tout bois

Théâtre
Critique

La Cosa, de Claudio Stellato : Jeu de tout bois

Le 8 Déc 2018
La Cosa - Claudio Stellato Company. Crédit Massao Mascaro.
La Cosa - Claudio Stellato Company. Crédit Massao Mascaro.

Venu du cirque, passé par le théâtre, Clau­dio Stel­la­to a eu envie, pour La Cosa, de pren­dre l’air hors des stu­dios et de tester, pen­dant un an, le jeu avec divers matéri­aux. Il a essayé les pier­res, les peaux d’animaux, les troncs d’arbres : il a choisi les bûch­es, pour leur légèreté et leurs infinies pos­si­bil­ités de démul­ti­pli­ca­tion, et s’est entouré de trois acolytes.

Il sont donc qua­tre, hommes, adultes, bien habil­lés et, pen­dant près d’une heure, ils vont jouer avec qua­tre stères de bois, plus d’un mil­li­er de bûch­es et quelques haches, et se livr­er à toutes les expéri­ences pos­si­bles avec la matière présente.

On les voit ain­si se lover sous les rondins, s’écrouler sous leur poids, gliss­er entre les bûch­es et plonger avec fougue sur le tas de bois qui grossit au milieu de la scène. Si rien ne laisse sup­pos­er la ten­sion ou la crainte qui habite les inter­prètes ­– les réac­tions du bois sont imprévis­i­bles, se plaît à rap­pel­er Stel­la­to – le spec­ta­cle n’en est pas moins habité par le goût du dan­ger et le flirt avec les lim­ites. Pour­tant, mal­gré sa vir­tu­osité, cet objet étrange qu’est La Cosa résiste à la per­for­mance et au spec­tac­u­laire. La poésie et l’absurde qui l’imprègnent la rap­prochent en effet plutôt du land-art et des rit­uels prim­i­tifs. Tout le tal­ent de Clau­dio Stel­la­to est ain­si de par­venir à faire ressen­tir la vie intime du bois, ses musiques, son odeur. Avec des moments de beauté brute : quand une pluie de copeaux explose dans le théâtre, on a l’impression d’entendre le bois pour la pre­mière fois. Ce lien organique passe aus­si entre les inter­prètes, qui s’efforcent, se reti­en­nent et se lâchent, ruent dans la masse ou dépla­cent avec minu­tie des mil­limètres de bûch­es, ensem­ble même quand ils sont con­tre. Certes, il y a bel et bien entre eux de la destruc­tion fra­cas­sante, de vir­iles poussés et des élans rivaux, mais la choré­gra­phie que leurs mou­ve­ments com­posent a la douceur d’une danse amoureuse. Tan­tôt heurtée, tan­tôt flu­ide, ryth­mée par des grom­melle­ments indis­tincts, elle nous par­le de l’irréductible amour qui noue la matière et les hommes. Amour bar­bare, logé du côté de l’enfance, là où joue l’âme mys­térieuse des choses inan­imées, là où nous jouons avec presque rien : Clau­dio Stel­la­to le sonde avec pas­sion, et c’est beau.

Crédit Mas­sao Mas­caro.
La Cosa, vu au Théâtre National Wallonie-Bruxelles

Chorégraphie: 
Claudio Stellato
Avec: 
Julian Blight, Mathieu Delangle, Valentin Pythoud, Claudio Stellato
Théâtre
Critique
Claudio Stellato
136
Partager
auteur
Écrit par Emilie Garcia Guillen
Emi­lie Gar­cia Guillen dérive vers le nord depuis env­i­ron quinze ans. Suite à une pre­mière jeunesse dans le...Plus d'info
Partagez vos réflexions...

Vous aimez nous lire ?

Aidez-nous à continuer l’aventure.

Votre soutien nous permet de poursuivre notre mission : financer nos auteur·ices, numériser nos archives, développer notre plateforme et maintenir notre indépendance éditoriale.
Chaque don compte pour faire vivre cette passion commune du théâtre.
Nous soutenir
Précédent
Suivant
Précédent
30 Nov 2018 — Un bon demi-siècle après l’« invention » du théâtre musical, l’association de la musique et du théâtre marque nombre des démarches les plus…

Un bon demi-siè­cle après l’« inven­tion » du théâtre musi­cal, l’association de la musique et du théâtre mar­que nom­bre des démarch­es les plus impor­tantes de la scène con­tem­po­raine. Loin de con­stituer un sim­ple « sous-genre » figé de la créa­tion musi­cale ou…

Par Isabelle Dumont et Christophe Triau
La rédaction vous propose
Mon panier
0
Ajouter un code promo
Sous-total

 

Bonjour

Vous n'avez pas de compte?
Découvrez nos
formules d'abonnements