La Traviata, à choeur ouvert

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Opéra

La Traviata, à choeur ouvert

Le 23 Juil 2018
Vincent Guidon et Charlotte Clamens dans "Italienne, scène et orchestre", mise en scène Jean-François Sivadier. ©Marie Clauzade.
Vincent Guidon et Charlotte Clamens dans "Italienne, scène et orchestre", mise en scène Jean-François Sivadier. ©Marie Clauzade.

En pas­sant la porte du théâtre pour voir le spec­ta­cle Ital­i­enne scène et orchestre, ne pensez pas venir en tant que « sim­ples » spec­ta­teurs.

Jean-François Sivadier et ses fidèles com­pagnons de route ont tout orchestré pour que le pub­lic soit immergé dans un proces­sus de créa­tion. En ren­dant poreuse la tra­di­tion­nelle fron­tière scène — salle, ils invi­tent les spec­ta­teurs à devenir de véri­ta­bles parte­naires de jeu de l’œuvre en train de se créer.

Dans le hall, un doc­u­men­taire sur la diva inter­pré­tant le rôle de Vio­let­ta tourne en boucle. Dans les couloirs, des notes de ser­vice et des arti­cles de presse habil­lent les murs. Con­vié à entr­er par les couliss­es, le pub­lic prend place sur le plateau, sous les cin­tres, aux côtés des comé­di­ens pour le début de la répéti­tion. Après l’entracte, une porte dérobée mène les spec­ta­teurs à la fos­se d’orchestre, ils sont invités à s’installer aux pupitres, tels des musi­ciens guidés par la baguette de leur chef.

Au départ de ce pro­jet, en 1996, il y a un défi artis­tique ini­tié par Lau­rent Pel­ly pour Le Car­go de Greno­ble. « L’enjeu du fes­ti­val était de com­man­der à des met­teurs en scène des petites formes, avec deux ou trois comé­di­ens, et qui pou­vaient se pass­er n’importe où dans le théâtre, sauf sur le plateau », se sou­vient Jean-François Sivadier. Très vite, la con­trainte devient créa­tive. Depuis longtemps fasciné par le monde de l’opéra, le met­teur en scène se focalise sur les répéti­tions et écrit la par­tie orchestre. « Je suis assez vite tombé sur La Travi­a­ta parce qu’il y avait un par­al­lèle entre la diva et l’histoire de cette femme, Vio­let­ta, qui chante jusqu’à la mort », racon­te-t-il. Séduit par cette pre­mière expéri­ence, il décide en 2003 de pro­longer le con­cept : il écrit la par­tie scénique, ajoute des per­son­nages et détourne la con­trainte. Cette fois, la scène se passera bien sur le plateau, mais le pub­lic, lui aus­si, y aura accès.

De la dra­maturgie de l’œuvre de Ver­di aux con­di­tions de pro­duc­tion, la troupe aus­culte avec minu­tie le fonc­tion­nement de l’opéra et ses plan­nings mil­limétrés. Dans ce chas­sé-croisé de per­son­nages, le met­teur en scène, habité par sa lec­ture shake­speari­enne de l’œuvre, déjoue les cer­ti­tudes d’un ténor trop bavard et d’une diva car­ac­térielle. Le chef d’orchestre, quant à lui, impose sa vision d’une cer­taine lenteur néces­saire à la dra­maturgie, par-delà les cri­tiques du met­teur en scène qui s’offusque d’une Travi­a­ta à la Duras.

Pour cette plongée opéra­tique, nul besoin d’être expert en la matière. Le spec­ta­cle, note Jean-François Sivadier, joue sur les arché­types du milieu et donne à voir une vision con­den­sée, comme essen­tial­isée, de la réal­ité des répéti­tions d’opéra. Il s’adresse alors autant aux pro­fes­sion­nels, qui sou­vent se recon­nais­sent dans l’un ou l’autre des per­son­nages, qu’aux néo­phytes qui par­fois red­outent l’élitisme de cet univers. On songe alors à cette anec­dote racon­tée par le per­son­nage de Tere­sa, incar­nant le rôle d’une jeune pre­mière. Si elle chante, explique-t-elle, c’est pour cette femme décou­vrant l’opéra pour la pre­mière fois qui vint lui gliss­er à l’oreille avec émo­tion, à l’issue de la représen­ta­tion : « je ne savais pas que Mozart par­lait aus­si de moi ».

Un rythme enlevé pour une tra­ver­sée jubi­la­toire : comme tou­jours chez Sivadier, le théâtre se joue avec générosité. On rit allè­gre­ment avec ces per­son­nages autant que l’on s’émeut de leurs dif­fi­cultés. Et ce, tou­jours, pour attein­dre la joie, à l’image de ces mots que le met­teur en scène adresse au ténor : « C’est pour attein­dre la joie qu’on chante des choses trag­iques. »

Italienne, scène et orchestre
Texte et mise en scène : Jean-François Sivadier / collaboration artistique : Véronique Timsit / avec Nicolas Bouchaud, Marie Cariès, Charlotte Clamens, Vincent Guédon, Jean-François Sivadier, Nadia Vonderheyden / son : Jean-Louis Imbert / lumières : Jean-Jacques Beaudouin / régie générale : Laurent Lecoq
Festival Paris l'été
Du 9 au 28 juillet À 19H (sauf les samedis à 16H et relâche le dimanche). Durée : 3H30 avec entracte.
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Jean-François Sivadier
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Alisonne Sinard
Après un parcours d’études théâtrales, de littérature française (Paris III Sorbonne Nouvelle) et de management...Plus d'info
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