Oh les beaux jours

Annonce
Théâtre

Oh les beaux jours

Le 14 Jan 2020
Alessia Contu
Alessia Contu

Même sans l’avoir vue en scène, pour beau­coup d’entre nous, Oh les beaux jours a mar­qué l’imaginaire col­lec­tif du théâtre par l’image de Madeleine Renaud souri­ante ten­ant son ombrelle, enfouie jusqu’à la taille dans un tas de sable.

Aujourd’hui, grâce à la mise en scène de Michael Delaunoy, c’est la per­for­mance d’Anne Claire dans la célèbre pièce de Samuel Beck­ett qui sera gravée dans nos mémoires.

Enser­rée, enfer­mée elle aus­si jusqu’a la taille dans la pre­mière par­tie puis jusqu’au cou dans la deux­ième, Win­nie ‑Anne Claire- nous entraîne dans un tour­bil­lon ryth­mique de mots étranges et décalés dont on a du mal à suiv­re la logique et qui pour­tant éclaire nos exis­tences dérisoires par cet humour pro­pre à Beck­ett et son phrasé savoureux, où sou­vent les phras­es font dis­paraître le sujet ou le rem­place par « ça » ! Le génie de Beck­ett est là, qui parvient par une suc­ces­sion de séquences et de descrip­tions d’actions et d’objets tou­jours très con­crets à nous emmen­er dans un univers philosophique que Anne Claire nous fait partager avec inten­sité.

On est dans un présent qui nous enferme mais la nos­tal­gie est là qui nous recon­duit aux portes de l’enfance.

Nous sommes impuis­sants devant l’implacable cours du temps, auquel on ne peut met­tre un terme. Le revolver posé à côté de Win­nie nous le rap­pelle, et pour­tant elle n’en fera pas usage tant la pul­sion de vie est là chaque matin au moment de se bross­er les dents…

La moitié du corps ten­du, puis le seul vis­age, Anne Claire nous offre une Win­nie boulever­sante d’une finesse et d’une élé­gance rares.

Michael Delaunoy a rai­son de nous rap­pel­er, même si on a l’habitude de voir en Win­nie une veille dame, que Beck­ett l’a imag­inée en femme de cinquante ans dans la force de l’âge.

Sa Win­nie plongée dans le trag­ique de l’existence se défend, par l’humour et une sorte de légèreté, du poids de l’histoire qui lamine les êtes sen­si­bles. Son parte­naire Willie-Philippe Vauchel – con­tre-point au physique imposant à qui elle ne cesse de s’adresser et de faire appel — oscille entre ani­mal­ité bru­tale et human­ité pro­fonde. La dernière image où il appa­raît enfin, empêtré dans un corps encom­brant, puis figé, bouche ouverte et les yeux écar­quil­lés tournés vers Win­nie, à la fois proche et inac­ces­si­ble hantera longtemps notre mémoire de spec­ta­teur.

Le tas de sable est rem­placé ici par un vaste plan incliné qui lui aus­si par­ticipe de cet univers de la fuite et de la chute du temps.

Dans ces moments trou­blés où nous sommes ten­tés de nous enfon­cer dans l’obscurité, le théâtre est là, tous les soirs, pour tenir la lampe allumée.


Oh les beaux jours de Samuel Beck­ett
Mise en scène Michael Delaunoy
Scéno­gra­phie Didi­er Payen
Avec Anne Claire et Philippe Vauchel


Annonce
Théâtre
Michael Delaunoy
171
Partager
Bernard Debroux
Bernard Debroux
Fondateur et membre du comité de rédaction d'Alternatives théâtrales (directeur de publication de 1979 à...Plus d'info
Partagez vos réflexions...

Vous avez aimé cet article?

Aidez-nous a en concocter d'autres

Avec votre soutien, nous pourrons continuer à produire d'autres articles de qualité accessibles à tous.
Faites un don pour soutenir notre travail
Soutenez-nous
Chaque contribution, même petite, fait une grande différence. Merci pour votre générosité !
La rédaction vous propose
Mon panier
0
Ajouter un code promo
Sous-total

 
Artistes
Institutions

Bonjour

Vous n'avez pas de compte?
Découvrez nos
formules d'abonnements