Loco

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Loco

Le 5 Nov 2021
- Natacha Belova et Teresita Iacobelli
Tita Iacobelli et Marta Pereira. Copyright Théâtre National, Bruxelles
- Natacha Belova et Teresita Iacobelli
Tita Iacobelli et Marta Pereira. Copyright Théâtre National, Bruxelles

d’après le jour­nal d’un fou de Gogol.

Un spec­ta­cle de Nat­acha Belo­va et Tere­si­ta Iaco­bel­li.

Au théâtre avoisi­nent le grand et le petit. 

En décou­vrant la remar­quable adap­ta­tion que Nat­acha Belo­va et Tere­si­ta Iaco­bel­li ont faite du jour­nal d’un fou  de Gogol (« loco » sig­ni­fie fou en espag­nol) 1, je me suis rap­pelé l’impressionnant Revi­zor (l’inspecteur général)  du même Gogol mis en scène par Math­ias Lang­hoff au tour­nant du siè­cle que j’avais invité au théâtre Nation­al  dans le cadre de Brux­elles 2000, ville européenne de la cul­ture.

Un bondis­sant Mar­tial di  Fon­zo Bo (tiens, un Argentin, pas loin du Chili de Tere­si­ta…), mélange de Buster Keaton et de Char­lie Chap­lin évolu­ait dans un immense décor en forme de tour de Babel. Lang­hoff pre­nait appui sur la fable ( un blanc-bec bien  fringué se fait pass­er pour l’envoyé du gou­verne­ment et en prof­ite pour s’en met­tre plein les poches) pour déploy­er un comique dur et blessant qui fai­sait mouche  ; un théâtre de la rage.

Avec Loco, c’est un tout autre Gogol qui est mis à jour  : celui de la ten­dresse et de la fragilité humaine.

Tita Iaco­bel­li et Mar­ta Pereira. Copy­right Théâtre Nation­al, Brux­elles.

Avec une économie de moyens — des objets réduits à l’essentiel pour illus­tr­er la fable — mais surtout la présence fasci­nante d’un vis­age de mar­i­on­nette (représen­tant le petit fonc­tion­naire Popricht­chine, soli­taire et per­du dans une exis­tence dérisoire) et deux actrices/manipulatrices se mou­vant avec une extrême douceur, on est entraîné  petit à petit  dans le monde du rêve où se réfugie Popricht­chine pour échap­per à la monot­o­nie étouf­fante de sa vie répéti­tive de copiste.

Vivre par procu­ra­tion est sou­vent l’exutoire des faibles et des dom­inés  : on s’imagine l’amoureux de la per­son­ne inac­ces­si­ble, on rêve d’humilier le patron qui nous domine, on se voit rég­nant sur le monde et n’être plus le sujet redev­able. 2

Tita Iaco­bel­li et Mar­ta Pereira. Copy­right Théâtre Nation­al, Brux­elles.

Ce qui est exem­plaire dans Loco, c’est la déli­catesse et l’invention, et sou­vent l’humour avec laque­lle ces thèmes sont traités. Tout con­court à nous envelop­per dans une bulle à la fois imag­i­naire et présente de pro­fonde human­ité grâce à un minu­tieux tra­vail de maîtrise de la voix des per­son­nages, du corps (et des chevelures) des actri­ces, de la lenteur des déplace­ments dans un espace min­i­mal­iste, de la belle sim­plic­ité des objets — le lit, la valise, les papiers, la couleur des vête­ments —, des sur­pris­es scéno­graphiques — l’utilisation ingénieuse du papi­er, l’apparition d’un énorme pois­son sor­tant du lit …, d’un univers sonore sub­til et du clair- obscur savam­ment util­isé pour abor­der les per­son­nages et les sit­u­a­tions.

La force du spec­ta­cle et  la qual­ité de sa mise en oeu­vre font que pro­gres­sive­ment c’est la mar­i­on­nette de Popricht­chine qui devient réelle. On glisse avec elle dans ses fan­tasmes, ses rêves, sa folie douce.


  1. Loco de et mis en scène par Nat­acha Belo­va et Tere­si­ta Iaco­bel­li­Avec Tere­si­ta Iaco­bel­li et Mar­ta Pereira. Choré­graphe, regard extérieur : Nicole Mossoux.
    Créa­teur lumière Chris­t­ian Halkin. Con­struc­tion de la mar­i­on­nette Loïc Nebra­da. Créa­teur
    sonore : Simon Gon­za­lez. Créa­trice cos­tumes Jack­ye Fau­con­nier ↩︎
  2. Métaphore du théâtre où les actri­ces et les acteurs, le temps de la représen­ta­tion,
    endossent la vie et l’âme des per­son­nages qu’ils vont inter­préter… ↩︎

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Bernard Debroux
Écrit par Bernard Debroux
Fon­da­teur et mem­bre du comité de rédac­tion d’Al­ter­na­tives théâ­trales (directeur de pub­li­ca­tion de 1979 à 2015).Plus d'info
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