Quand tu es revenu de Geneviève Damas au théâtre des Martyrs, Bruxelles.

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Théâtre

Quand tu es revenu de Geneviève Damas au théâtre des Martyrs, Bruxelles.

Le 15 Juin 2021
Jan Hammenecker et Genevieve Damas_Crédit photo Zvonock
Jan Hammenecker et Genevieve Damas_Crédit photo Zvonock
Jan Hammenecker et Genevieve Damas_Crédit photo Zvonock
Jan Hammenecker et Genevieve Damas_Crédit photo Zvonock

« …les soirs de vague à l’âme et de mélan­col­ie n’a‑tu jamais en rêve au ciel d’un autre lit comp­té de nou­velles étoiles… »

Péné­lope, Georges Brassens

Geneviève Damas est une artiste pro­téi­forme : actrice, met­teure en scène, auteure, nou­vel­liste, roman­cière … elle n’hésite pas à pro­longer sa pas­sion des mots par des ate­liers d’écriture ou en se faisant chroniqueuse occa­sion­nelle pour la presse écrite. On dirait qu’elle a mille vies qui s’entrelacent les unes dans les autres.

Cette propen­sion à mor­dre dans la réal­ité et la vie à pleine dents, on la retrou­ve dans le texte jubi­la­toire créé au théâtre des Mar­tyrs ce 9 juin. Il vient à point nom­mé pour nous redonner le goût du théâtre après ces mois de grand manque où nous aspiri­ons à retrou­ver le spec­ta­cle vivant.

« Tu ne m’as pas recon­nu » appar­tient par cer­tains aspects à l’autofiction qui a imprégné la lit­téra­ture de ces dernières années et  tisse avec brio l’histoire de cinq cou­ples puisés dans l’histoire, la mytholo­gie, la généalo­gie famil­iale de l’auteure et bien sûr son imag­i­na­tion. Deux fig­ures tutélaires pour ori­en­ter le réc­it : celle de Péné­lope (la femme qui reste) et celle du grand-père de l’auteure (l’homme qui part).

Genevieve Damas_Credit photo Zvonock
Genevieve Damas_Credit pho­to Zvonock

Sur scène une femme et un homme. Ils nous atten­dent quand nous ren­trons dans la salle. On sent tout de suite qu’elle et lui ne nous lâcheront pas. On est au théâtre : les his­toires s’enchevêtrent les unes dans les autres, les deux inter­prètes se glis­sent dans les per­son­nages, changent de rôle, de sexe et offrent une palette de jeu sai­sis­sante — de l’adresse la plus directe au pub­lic à la dis­tance que requiert la plongée dans la tragédie grecque. Par petites touch­es, des signes et références en clin d’oeil jalon­nent le réc­it comme les les travaux d’aiguille de Péné­lope, mali­cieuse­ment exé­cutés par l’homme et non la femme ou la robe de tragé­di­enne joli­ment dess­inée par Claire Farah dont se pare la femme dans une appari­tion qui nous ren­voie à la représen­ta­tion de l’antiquité grecque.

Le cli­mat général du spec­ta­cle m’a fait fait penser à Woody Allen par cette manière de ne jamais s’appesantir sur le trag­ique de l’existence pour­tant là, en toile de fond (au sens pro­pre le décor min­i­mal­iste pro­pose entre autre des repro­duc­tions de pein­ture) mais parsemé de pirou­ettes inat­ten­dues qui font bas­culer le spec­ta­cle dans le rire libéra­teur.

Le per­son­nage de l’homme est inter­prété par un Jan Hamme­neck­er au som­met de son art. Si Geneviève Damas l’a choisi — on l’apprend au cours du spec­ta­cle qui fait aus­si des va-et-vient entre la représen­ta­tion pro­pre­ment dite et une sim­u­la­tion de répéti­tion selon le procédé bien­venu du théâtre dans le théâtre — c’est quelle a sen­ti en lui cette capac­ité à jon­gler avec tous les reg­istres du jeu théâ­tral. Cet acteur fla­mand dévore la langue française avec une gour­man­dise con­tagieuse. Il passe du clas­si­cisme d’une élo­cu­tion par­faite dans cer­tains pas­sages référents à la tragédie grecque au réal­isme des sit­u­a­tions con­tem­po­raines où ses expres­sions savoureuses, cor­porelles et ver­bales font mouche. 

Geneviève Damas (qui assure aus­si la mise en scène en coréal­i­sa­tion avec Guillemette Lau­rent) alterne colère, reven­di­ca­tion, énergie, et fraîcheur dans ces rôles de femmes qu’elle a créées et où s’insèrent par une mise en abîme émou­vante des bribes de sa pro­pre vie.

Crédit photo Zvonock
Crédit pho­to Zvonock

A la fin du spec­ta­cle l’acteur décroche une à une les images, pho­togra­phies et pein­tures qui con­sti­tu­aient le fond de scène puis dis­paraît. Ne reste plus devant l’actrice, d’un côté la vieille pho­to de famille qui lui rap­pelle d’où elle vient, et de l’autre la jeune fille à la fenêtre de Sal­vador Dali. Devant elle, la mer, la lumière, le futur.

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Geneviève Damas
Guillemette Laurent
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Bernard Debroux
Bernard Debroux
Fondateur et membre du comité de rédaction d'Alternatives théâtrales (directeur de publication de 1979 à...Plus d'info
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