Pour sa nouvelle création, la metteuse en scène et autrice, directrice du Théâtre national de Strasbourg, Caroline Gueila Nguyen, a d’abord choisi d’écrire un conte (publié aux éditions Actes Sud-Papiers) contemporain autour de Valentina. Cette petite fille roumaine s’installe en France avec sa mère atteinte d’une grave maladie cardiaque, afin que cette dernière y reçoive les soins nécessaires. Mais, allophone, la mère de Valentina ne peut communiquer avec le corps médical. Très douée pour le français, qu’elle apprend vite, la fillette de neuf ans répond à ce besoin crucial en devenant l’interprète de sa mère auprès des médecins. Une situation qui va bouleverser toute l’existence de Valentina, qui adore sa mère. Un spectacle poignant et subtil, où Caroline Gueila Nguyen mêle humour, onirisme et émotion et nous plonge, à grande hauteur d’enfant, dans notre rapport à la vérité et au mensonge.
Ces dernières années, vous nous avez habitués à des pièces chorales. Pour quelles raisons avez-vous choisi d’écrire une histoire centrée sur une mère et sa fille, une relation qui affleurait déjà, en 2024, dans Lacrima ?
J’écrivais un conte. J’ai toujours besoin d’une adresse dans ce que je fais. Ce spectacle, je voulais l’adresser à ma mère et à ma fille. Et pour l’adresser à ma fille, j’ai eu envie de revenir à la forme la plus primitive des histoires, qui est celle du conte, et la présence de personnages archétypaux. C’est une histoire assez simple avec une maman, une petite fille, un médecin, un cuisinier, un père et une directrice d’école. Des personnages qui n’ont pas de prénom, à part Valentina. Cela me semblait la forme la plus directe pour m’adresser à ma fille ainsi qu’aux jeunes spectateurs et aux adultes.

Le fait que Valentina soit le seul personnage doté d’un prénom renforce notre impression que le spectacle se focalise sur elle, d’autant que c’est la seule enfant de la pièce…
Je demande surtout au spectateur de regarder ce qui se passe dans la vie de cette petite fille quand on accueille si mal sa mère dans un hôpital français. C’est ce que j’accentue pour dire : « Regardez ce qui se passe dans la vie de cet enfant quand les parents ne sont pas accueillis de façon digne sur le territoire français. »
Comment avez-vous été en relation avec les deux petites filles qui jouent, en alternance, Valentina ?

Dans ce spectacle, il y a cinq comédiens, dont quatre qui n’avaient jamais fait de théâtre, et une comédienne professionnelle, Chloé Catrin, avec qui j’avais déjà collaboré sur Le Chagrin. J’avais très envie de travailler avec des personnes de la communauté roumaine et que la langue du spectacle soit bilingue, alternant le français et le roumain. À Strasbourg, il y a une importante communauté roumaine, avec laquelle j’ai essayé d’entrer en contact. Après plusieurs tentatives, j’y ai été introduite par le pope de l’église orthodoxe. Il m’a présentée après la messe et m’a offert le micro pour que je puisse exposer le projet et demander si des personnes seraient intéressées de venir au TNS pendant une à trois semaines, pour découvrir le théâtre et son plateau, et travailler avec moi par la suite. Toute personne parlant le roumain pouvait venir. Suite à cet appel, cinquante personnes roumaines sont venues et cela nous a permis d’entrer dans cette communauté. Loredana Iancu (qui joue la mère de Valentina) était présente à la messe ce jour-là. Comme j’avais précisé que je cherchais aussi des enfants et qu’elle avait envie de faire quelque chose avec sa fille, Angelina, elles sont venues ensemble. Et elles ont été extraordinaires ! Bien sûr, le fait que ces rôles soient joués par des personnes qui avaient réellement ce lien m’intéressait énormément. Le rôle de Valentina, qu’interprète Angelina, étant doublé, il y a une autre petite fille, qui s’appelle Cara, et qui est tout aussi formidable.
Pour quelles raisons la voie du conte est-elle apparue, dans un premier temps, comme la plus propice pour imaginer et écrire cette histoire ?
J’ai toujours besoin de passer par un autre média avant d’écrire du théâtre. Pour Elle brûle, par exemple, qui est l’un de mes premiers spectacles, j’avais imaginé toute une installation plastique avant de commencer à écrire la pièce ; pour Le Chagrin, j’avais écrit une dizaine de nouvelles ; pour Saïgon, j’ai écrit une bible, un livre qui est d’ailleurs édité par le Théâtre national de Rennes ; pour Fraternité, conte fantastique, j’ai réalisé un film.







