L’enfant au cœur du Xiqu, l’opéra traditionnel chinois
Entretien

L’enfant au cœur du Xiqu, l’opéra traditionnel chinois

Entretien avec Audia Lin Shean Yuan

Le 8 Déc 2025
La femme qui tue les 4 portes, spectacle de fin d’année réalisé par les élèves de la NTCPA dans l’auditorium-théâtre de l’école. 2025, Taipei, Taïwan© Giulia Filacanapa
La femme qui tue les 4 portes, spectacle de fin d’année réalisé par les élèves de la NTCPA dans l’auditorium-théâtre de l’école. 2025, Taipei, Taïwan© Giulia Filacanapa

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La femme qui tue les 4 portes, spectacle de fin d’année réalisé par les élèves de la NTCPA dans l’auditorium-théâtre de l’école. 2025, Taipei, Taïwan© Giulia Filacanapa
La femme qui tue les 4 portes, spectacle de fin d’année réalisé par les élèves de la NTCPA dans l’auditorium-théâtre de l’école. 2025, Taipei, Taïwan© Giulia Filacanapa
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La présence de l’enfant sur scène pose des ques­tions à la fois péd­a­gogiques, artis­tiques et sym­bol­iques : que sig­ni­fie jouer dès le plus jeune âge, et com­ment l’apprentissage de la dis­ci­pline et du geste scénique s’articule-t-il avec la représen­ta­tion de l’enfance elle-même ? Pour appro­fondir la réflex­ion sur la place de l’enfant sur scène et sur les méth­odes péd­a­gogiques du Nation­al Tai­wan Col­lege of Per­form­ing Arts (NTCPA), nous avons décidé d’interviewer Audia Lin Shean Yuan, acteur et péd­a­gogue, respon­s­able des pro­grammes d’innovation sci­en­tifique au sein de l’école et chargé des rela­tions inter­na­tionales.

La femme qui tue les 4 portes, spectacle de fin d’année réalisé par les élèves de la NTCPA dans l’auditorium-théâtre de l’école. 2025, Taipei, Taïwan© Giulia Filacanapa
La femme qui tue les 4 portes, spec­ta­cle de fin d’année réal­isé par les élèves de la NTCPA dans l’auditorium-théâtre de l’école. 2025, Taipei, Taïwan© Giu­lia Fila­cana­pa

Avec un groupe de dix étudiant·e·s du départe­ment Théâtre de l’université Paris‑8, j’ai eu l’occasion de vivre cette réal­ité, à Taipei, au Nation­al Tai­wan Col­lege of Per­form­ing Arts (NTCPA), l’une des plus grandes insti­tu­tions dédiées aux arts tra­di­tion­nels chi­nois : nous nous y sommes ren­dus en juin 2025, pen­dant deux semaines, afin de réalis­er un séjour de décou­verte du xiqu (ensem­ble des formes spec­tac­u­laires con­nues en Occi­dent sous le terme d’ « opéra chi­nois »). Sur le même cam­pus que les enfants (ils s’y for­ment dès l’âge de 9 ans), nous avons partagé non seule­ment les cours et la scène, mais aus­si les dor­toirs et le réfec­toire, expéri­men­tant ain­si une immer­sion com­plète dans le quo­ti­di­en artis­tique et péd­a­gogique de l’école. 

Le NTCPA fonc­tionne comme un inter­nat : les étu­di­ants y vivent en per­ma­nence. En effet, ils dor­ment sur place, pren­nent leurs repas à la can­tine et suiv­ent un emploi du temps très struc­turé. L’observation et le partage de leur vie quo­ti­di­enne nous ont fait décou­vrir une cul­ture basée sur la dis­ci­pline et la régu­lar­ité, celles-ci imprég­nant chaque aspect de la for­ma­tion. Témoins de l’intérieur des méth­odes rigoureuses du NTCPA (de l’acrobatie au chant en pas­sant par la danse et le maquil­lage), nous avons observé com­ment la présence de l’enfant sur scène est conçue, encadrée et val­orisée dans une tra­di­tion scénique haute­ment cod­i­fiée. Cette présence per­met égale­ment une réflex­ion sur les rap­ports entre for­ma­tion, dis­ci­pline et sym­bol­ique de l’enfance dans le théâtre chi­nois, ain­si que sur la manière dont ces pra­tiques nour­ris­sent la créa­tiv­ité et l’ouverture inter­cul­turelle des jeunes artistes.

Pour com­mencer, pour­riez-vous nous présen­ter briève­ment la mis­sion du NTCPA et la place accordée aux enfants dans votre école de théâtre ?

La mis­sion du Nation­al Tai­wan Col­lege of Per­form­ing Arts (NTCPA) est de préserv­er et de trans­met­tre les arts du spec­ta­cle tra­di­tion­nels de Chine et de Taïwan, tout en for­mant une nou­velle généra­tion de tal­ents dotés d’une vision con­tem­po­raine. L’éducation des enfants est au cœur de cette mis­sion, car les com­pé­tences fon­da­men­tales du xiqu doivent être établies dès le plus jeune âge. Les enfants ne sont pas seule­ment des élèves, ils sont l’incarnation con­crète de la con­ti­nu­ité de cette tra­di­tion.

Exercices réalisés par les élèves du département de Jin Ju de l’INTCPA, 2024, Taipei, Taïwan© Département Jin Ju, NTCPA
Exer­ci­ces réal­isés par les élèves du départe­ment de Jin Ju de l’INTCPA, 2024, Taipei, Taïwan© Départe­ment Jin Ju, NTCPA

À par­tir de quel âge les élèves com­men­cent-ils leur for­ma­tion, et com­ment leur sélec­tion s’opère-t-elle ?

La plu­part des étu­di­ants démar­rent leur for­ma­tion vers l’âge de 12 ans, bien que cer­tains intè­grent l’école dès l’âge de 9 ans. L’admission se fait prin­ci­pale­ment par con­cours, avec des épreuves de com­pé­tences pro­fes­sion­nelles et des entre­tiens. Ces derniers éval­u­ent les apti­tudes physiques, le sens musi­cal, la capac­ité d’imitation et le poten­tiel scénique des enfants. Nous recher­chons des enfants pas­sion­nés et capa­bles de s’adapter à une for­ma­tion de longue durée.

Quelles sont les qual­ités ou spé­ci­ficités que vous recherchez lors de la sélec­tion des enfants pour votre école ?

Au-delà des con­di­tions physiques de base, nous atta­chons de l’importance à la con­cen­tra­tion, à la capac­ité d’imitation, à l’engagement face à l’apprentissage, et à la fac­ulté de coopér­er dans la vie de groupe. Le xiqu ne repose pas unique­ment sur la tech­nique indi­vidu­elle ; il est fon­da­men­tale­ment un art col­lec­tif.

Exercices réalisés par les élèves du département de Jin Ju de l’INTCPA, 2024, Taipei, Taïwan© Département Jin Ju, NTCPA
Exer­ci­ces réal­isés par les élèves du départe­ment de Jin Ju de l’INTCPA, 2024, Taipei, Taïwan© Départe­ment Jin Ju, NTCPA

Com­ment leur par­cours d’études est-il struc­turé ? Y a‑t-il d’abord une for­ma­tion com­mune, puis une spé­cial­i­sa­tion dis­ci­plinaire ?

Dans les class­es inférieures, les étu­di­ants reçoivent une for­ma­tion com­mune de base com­prenant le mou­ve­ment, le chant, les tech­niques mar­tiales et la théorie musi­cale. Une fois ces fon­da­tions acquis­es, ils sont ori­en­tés vers des rôles spé­ci­fiques selon leurs tal­ents et leurs intérêts – tels que sheng (rôles mas­culins), dan (rôles féminins), jing (rôles à vis­age peint), chou (rôles de clown) – ou vers dif­férents gen­res théâ­traux, comme le jingju (opéra de Pékin), le geza­ixi (opéra taïwanais) ou le keji­axi (opéra hak­ka).

Vous avez égale­ment com­mencé votre for­ma­tion étant enfant, mais vous n’avez pas fréquen­té le NTCPA. Com­ment avez-vous vécu vos pre­mières années de for­ma­tion et votre ini­ti­a­tion au jeu ?

Mon par­cours a été dif­férent de celui des étu­di­ants du NTCPA, mais j’ai, moi aus­si, suivi un entraîne­ment rigoureux dès mon plus jeune âge. Con­traire­ment à l’emploi du temps struc­turé de l’école, j’avais davan­tage de flex­i­bil­ité et de temps libre pour un appren­tis­sage autonome, car je n’étais pas en inter­nat. J’ai été for­mé auprès de maîtres indi­vidu­els, selon le sys­tème tra­di­tion­nel de « maître-dis­ci­ple », ce qui per­me­t­tait un enseigne­ment per­son­nal­isé, plus rare dans un cadre sco­laire. Une autre dif­férence est que j’ai étudié le jeu en trav­es­ti (qian­dan, rôle d’imitation fémi­nine dans le xiqu). À l’époque, ce type de for­ma­tion était découragé, voire inter­dit, dans les écoles offi­cielles, notam­ment pour les rôles mas­culins jouant des femmes. Même si je n’ai pas fréquen­té le NTCPA (alors appelé Nation­al Fu-Hsing Dra­mat­ic Arts Exper­i­men­tal School), mes maîtres y enseignaient égale­ment, et je jouais sou­vent avec des élèves de mon âge. Cela m’a don­né un sens aigu de la dis­ci­pline et de la sen­si­bil­ité scénique. Bien que dif­fi­cile, la mémoire cor­porelle et l’intuition artis­tique dévelop­pées très tôt ont con­sti­tué une base essen­tielle pour ma car­rière ultérieure de comé­di­en pro­fes­sion­nel.

La femme qui tue les 4 portes, spectacle de fin d’année réalisé par les élèves de la NTCPA dans l’auditorium-théâtre de l’école. 2025, Taipei, Taïwan© Giulia Filacanapa
La femme qui tue les 4 portes, spec­ta­cle de fin d’année réal­isé par les élèves de la NTCPA dans l’auditorium-théâtre de l’école. 2025, Taipei, Taïwan© Giu­lia Fila­cana­pa

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