TWO UNDISCOVERED AMERINDIANS, appelée aussi THE COUPLE IN THE CAGE, est une œuvre de performance créée en 1992 par Coco Fusco et Guillermo Gómez-Peña, deux artistes et théoriciens de la performance d’origine latino-américaine vivant aux États-Unis.
Dans cette pièce, les performeurs s’exposent eux-mêmes dans une cage en se présentant comme des membres d’une nation autochtone qui aurait été découverte tout récemment. Satire du principe colonial d’exposition vivante, la performance incarne le stéréotype du couple d’Indiens sauvages, coupés de la civilisation, pour critiquer vivement ce cliché, ainsi que le colonialisme de manière générale. Profitant de l’occasion des célébrations et contre-célébrations du 500e anniversaire de l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique qui avaient lieu autour du monde en 1992, elle a d’abord été présentée à la Plaza de Colòn à Madrid, puis elle s’est déplacée au Covent Garden à Londres, dans différentes villes des États-Unis (dont Washington, Chicago et New York), à Sydney en Australie et enfin à Buenos Aires en Argentine.
Les performeurs demeuraient généralement trois journées consécutives dans leur cage, à raison de plusieurs heures par jour. Ils étaient emmenés à la cage en étant tenus en laisse par des « gardiens », qui étaient de connivence avec eux. Personnifiant des autochtones provenant de l’île (fictive) de Guatinaui, les artistes étaient nourris par ces mêmes gardes, quelques fois par des spectateurs. Ces derniers pouvaient payer pour faire danser ou chanter les performeurs (cinquante sous), ainsi que pour se faire photographier en leur compagnie (un dollar). La cage, de couleur dorée, était fermée avec un cadenas. On y trouvait différents accessoires, formant un ensemble hétéroclite, volontairement anachronique. Cette incohérence kitsch se retrouve également dans les costumes des performeurs. « I was dressed as a kind of Aztec wrestler from Las Vegas, and Coco as a Taina straight out of Giligan’s Island1 », résume Gómez-Peña. Proprement incorrects au niveau ethnographique, les costumes portés par les deux performeurs participent d’une exagération carnavalesque.
Susciter la confusion
Dans son ouvrage PERFORMANCE : A CRITICAL INTRODUCTION, Marvin Carlson écrit :
« It is quite appropriate that UNDISCOVERED AMERINDIANS is probably the best-known performance piece of the 1990s, not only because it touched upon so many of the central concerns of performance in that decade – including spectatorship and display, the touristic gaze and cultural appropriation, colonialism, racism, and the dynamics of cultural interaction – but also because it featured two of the best-known and most influential performance artists of the decade. »2
Si elle est aujourd’hui reconnue en tant qu’œuvre de performance de première importance, la pièce de Fusco et Gómez-Peña, au moment de sa présentation, n’a pas nécessairement été saisie comme œuvre de création satirique. Devant cette étrange exposition-spectacle, les spectateurs étaient perplexes, confus. « Provoking this state of confusion, guilty pleasure ‚and genuine sadness is, I feel, the power and the brilliance of the performance »3, affirme Diana Taylor.
Voir deux personnes en cage devait normalement susciter un certain malaise, un trouble, des émotions contradictoires et éventuellement une réflexion sur l’altérité, l’identité culturelle, l’Amérique, la coloni- sation. Cette performance audacieuse constitue une métaphore incarnée de la « rencontre » occasionnée par la « découverte » de l’Amérique, mais aussi de la ségrégation symbolique de l’altérité, illustrée par les barreaux de la cage.