Le Festival au présent de l’Histoire

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Portrait

Le Festival au présent de l’Histoire

Le 20 Mai 2013

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Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 117-118 - Utopies contemporaines
117 – 118

LORSQU’ILS ÉVOQUENT l’histoire d’Avignon, les directeurs actuels du Fes­ti­val, Vin­cent Bau­driller et Hort­ense Archam­bault, citent le plus volon­tiers deux dates références, deux années clés dans la représen­ta­tion du passé qu’ils ont con­stru­it – et dont ils se sont servi – pour fonder leur pro­pre action à la tête de la man­i­fes­ta­tion. 1947 et 1967. Il s’agit d’une réminis­cence actuelle et entê­tante : l’expérience de Jean Vilar est relue et réac­tivée au présent autour de ces deux années pré­cis­es.

En 1947, Jean Vilar conçoit le pre­mier fes­ti­val comme la ren­con­tre d’un lieu d’histoire, Avi­gnon et son Palais des papes, et de la créa­tion théâ­trale : il joue RICHARD II de Shake­speare, et deux auteurs de son temps, Paul Claudel et Mau­rice Clav­el. C’est une audace qui lui per­met de fuir Paris et son théâtre bour­geois engoncé dans de petites salles, pour faire respir­er une scène nou­velle en plein air, dans un été décen­tral­isé. Trois élé­ments sont impor­tants dans ce choix et sa relec­ture, aus­si bien chez Vilar que chez Archam­bault-Bau­driller. La con­cep­tion du Fes­ti­val comme lieu de créa­tion tout d’abord. En refu­sant de repren­dre une pièce qu’il avait déjà jouée avec suc­cès (par exem­ple MEURTRE DANS LA CATHÉDRALE, comme le lui avaient sug­géré les Zer­vos, les pre­miers com­man­di­taires de la « Semaine d’art » en Avi­gnon) et en mon­tant RICHARD II, pièce inédite en France, dans la Cour d’honneur, ain­si que Paul Claudel et Mau­rice Clav­el, auteurs de théâtre con­tem­po­rains, Vilar fait le pari de la créa­tion, part de risque qui restera une pri­or­ité du Fes­ti­val, quel qu’en soit son directeur d’ailleurs.

Deux­ième idée majeure : jouer dans un lieu a pri­ori non théâ­tral, hors des dimen­sions, des salles, des habi­tudes, des rit­uels tra­di­tion­nels du théâtre, dit « bour­geois ». Il est évi­dent que cette part d’aventure non maîtrisée demeure l’état d’esprit d’Avignon. Des lieux hors du com­mun pour des spec­ta­cles sor­tant des règles habituelles du théâtre : quand Romeo Castel­luc­ci s’empare de la Cour d’honneur, avec INFERNO, en 2008, occu­pant les travées des spec­ta­teurs, faisant escalad­er l’immense mur, pré­cip­i­tant des écrans de télévi­sions du haut du Palais, il tra­vaille au cœur de l’héritage vilar­ien de mise en dan­ger de la scène clas­sique
du théâtre tra­di­tion­nel.

Enfin, dès 1947, Jean Vilar fonde une troisième valeur avi­gnon­naise : une céré­monie par­ti­c­ulière, le théâtre incar­né sur le plateau nu, les acteurs en mou­ve­ment, les couleurs qui écla­tent, les textes qui empor­tent, la musique qui sonne, tout un spec­tac­u­laire qui n’empêche ni la rigueur ni l’exigence, alliance qu’incarnera vite Gérard Philipe, l’acteur français le plus pop­u­laire du moment, qui par­ticipe à l’aventure à par­tir de 1951, dans le sil­lage de la troupe du TNP, fon­dant l’alliance du Fes­ti­val et de son pub­lic sur quelques créa­tions fameuses, LE CID ou LE PRINCE DE HOMBOURG. S’invente ain­si une forme de com­mu­nion entre un nou­veau pub­lic et un nou­veau théâtre, ce que ne renient en rien ni le pub­lic actuel du Fes­ti­val, qu’on peut tou­jours com­par­er à des pèlerins d’Avignon, à des fidèles du théâtre tel qu’il s’y joue, ni la scène présente du théâtre, telle que la conçoivent du moins cer­tains des artistes asso­ciés des dernières années. Pen­sons à l’épique raison­né d’un Waj­di Mouawad dans LITTORAL, INCENDIES, FORÊTS, sa trilo­gie de la Cour d’honneur en 2009, à la farce funèbre de Christoph Marthaler dans PAPERLAPPAP en 2010…

Quand il quitte la direc­tion du TNP, en 1963, Vilar garde la tête du Fes­ti­val, et décide de le boule­vers­er pour être en osmose avec les muta­tions de la société. Il dou­ble sa durée, invite des met­teurs en scène plus nom­breux hors de la troupe his­torique du TNP, intro­duit la danse (Mau­rice Béjart), le ciné­ma (Jean-Luc Godard), et cherche de nou­veaux lieux pour sor­tir de la seule Cour d’honneur, méta­mor­phosant Avi­gnon en espace théâ­tral, en forum à ciel ouvert. C’est là, en 1967, que le théâtre ren­con­tre la ville entière, mais aus­si la poli­tique, devenant un lab­o­ra­toire social d’une portée nou­velle.

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Antoine de Baecque
Historien du cinéma et du théâtre, Antoine de Baecque a publié AVIGNON, LE ROYAUME DU...Plus d'info
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