La trilogie Büchner en jeu, fulgurance d’une oeuvre

Entretien
Théâtre

La trilogie Büchner en jeu, fulgurance d’une oeuvre

Entretien avec Laurent Poitrenaux

Le 23 Nov 2013
Servane Ducorps et Laurent Poitrenaux dans WOYZECK de Georg Büchner, mise en scène Ludovic Lagarde, la Comédie de Reims, janvier 2012. Photo Pascal Gély.
Servane Ducorps et Laurent Poitrenaux dans WOYZECK de Georg Büchner, mise en scène Ludovic Lagarde, la Comédie de Reims, janvier 2012. Photo Pascal Gély.

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Servane Ducorps et Laurent Poitrenaux dans WOYZECK de Georg Büchner, mise en scène Ludovic Lagarde, la Comédie de Reims, janvier 2012. Photo Pascal Gély.
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Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 119 - Le grand format
119

Chan­tal Hurault : Avec la créa­tion de l’intégrale des pièces de théâtre de Georg Büch­n­er en 20121, vous entamiez votre seiz­ième créa­tion avec Ludovic Lagarde. Alors que vous abor­dez majori­taire­ment ensem­ble l’écriture con­tem­po­raine d’Olivier Cadiot, qu’est-ce qui explique ce pro­jet et de quelle façon l’avez-vous envis­agé ?

Lau­rent Poitre­naux : Le théâtre alle­mand a tou­jours intéressé Ludovic Lagarde, de Brecht à Hein­er Müller. Je me sou­viens des dis­cus­sions que l’on avait sur Büch­n­er lorsque nous étions à l’école de théâtre. Ludovic dis­ait régulière­ment : un jour, il fau­dra mon­ter Büch­n­er…

Après la créa­tion d’UN MAGE EN ÉTÉ,on savait qu’Olivier allait repar­tir en écri­t­ure pen­dant longtemps. Ludovic, qui ne lance jamais de pro­jets trop en amont pour priv­ilégi­er une néces­sité du moment, a com­mencé ses recherch­es en envis­ageant un réper­toire plus clas­sique auquel il voulait revenir. LA MORT DE DANTON a rapi­de­ment été évo­quée, mais il en avait un sou­venir fan­tas­mé et, en la relisant, trop de pas­sages lui parais- saient pesants dans une per­spec­tive de plateau. D’autres met­teurs en scène parta­gent d’ailleurs ce sen­ti­ment d’une pièce trop vaste. En dis­cu­tant avec Dominique Rey­mond et André Mar­con qui ont tous les deux joué dans la mise en scène de Grüber, j’ai juste­ment appris qu’il avait ini­tiale­ment prévu une adap­ta­tion qui ne con­ser­vait que les scènes de femmes.

En réfléchissant à un nou­veau pro­jet, le vieux rêve de WOYZECK est revenu à l’esprit de Ludovic. Mais il l’a aban­don­né car il désir­ait tra­vailler une pièce de groupe rassem­blant la bande de jeunes acteurs de la Comédie de Reims. Curieuse­ment, l’idée de mon­ter en même temps WOYZECK et DANTON a com­mencé à ger­mer. Du coup, la troisième pièce, LÉONCE ET LÉNA,s’est gref­fée naturelle­ment. Le pro­jet d’une inté­grale en une soirée a alors été lancé. On savait que cela allait être intense, un peu fou même, mais évi­dent, cohérent dra­maturgique­ment.

L’intention a été de ne pas suiv­re l’ordre chronologique de l’écriture, pour débuter par WOYZECK, avant LA MORT DE DANTON puis LÉONCE ET LÉNA.Cela traçait une ligne his­torique allant du pré-révo­lu­tion­naire au révo­lu­tion­naire au post-révo­lu­tion­naire.

WOYZECK et LÉONCE ET LÉNA n’ont pra­tique­ment pas été touchés, DANTON a été réduit à un for­mat qua­si équiv­a­lent aux deux autres, avec cette intu­ition très juste de Ludovic d’une révo­lu­tion de boudoir, entre deux portes. Si les dis­cours ont été main­tenus, les scènes de rue avec le peu­ple ont été sup­primées. L’essentiel se passe dans des cham­bres, dans de petites salles à manger, dans les cerveaux de la Révo­lu­tion. Ce fut un choix dra­maturgique franc et mas­sif.

C. H.: Com­ment s’est déroulé le tra­vail de recherche, sachant que les répéti­tions se sont faites à un rythme plus que soutenu, en tra­vail­lant les trois pièces simul­tané­ment ?

L. P. : Ce rythme a été rad­i­cal, on répé­tait deux jours une pièce et on pas­sait à une autre. Cette volon­té d’avancer de front a per­mis d’être en per­ma­nence sur l’ensemble. J’avais l’image d’un cuisinier dans une immense cui­sine, il fal­lait sur­veiller les cuis­sons, donc revenir con­stam­ment sur chaque pièce, sans per­dre la mémoire de ce qu’on venait de faire sur les autres. D’une cer­taine manière, ce rythme de tra­vail a per­mis aux textes d’être en écho, ils ont rapi­de­ment com­mencé à se répon­dre sur des thé­ma­tiques ou à tra­vers des fig­ures de style qui n’étaient pour­tant pas for­cé­ment au ser­vice de la même chose. Ce qui intéres­sait Ludovic, et qui a été pas­sion­nant, c’était la tra­ver­sée de cette œuvre, livrée au pub­lic en une his­toire, comme si l’on don­nait à voir les vingt-trois ans de la vie d’un homme en une soirée.

Jean-Louis Besson, dont nous avons util­isé la tra­duc­tion, avait retenu notre atten­tion sur la jeunesse de Büch­n­er et cela a été cap­i­tal pour moi. Lorsque j’étais un peu per­du, je me rap­pelais que c’était en effet l’œuvre d’un jeune homme, avec ses ful­gu­rances, ses faib­less­es et son impé­tu­osité. La force de cette écri­t­ure venait de son esprit révo­lu­tion­naire et de la façon dont ses recherch­es et ses con­nais­sances sci­en­tifiques inner­vent l’ensemble.

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Théâtre
Laurent Poitrenaux
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Chantal Hurault
Docteure en études théâtrales, Chantal Hurault a publié un livre d’entretiens avec Dominique Bruguière, Penser...Plus d'info
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