Kinshasa, signes de vie

Réflexion

Kinshasa, signes de vie

Le 11 Juil 2014
Fleuve Congo. Photo Marie-Françoise Plissart.
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Fleuve Congo. Photo Marie-Françoise Plissart.
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Couverture du 121-122-123 - Créer à Kinshasa
121 – 122-123

Kin­shasa-femme. Presque tous les poètes africains qui ont flirté avec cette ville, qu’ils soient Fran­cis Bebey, Sony Labou Tan­si, Syl­vain Bem­ba, Paul Mun­dan­da, Antoine Wen­do, Joseph Kabase­le, Fran­co Luam­bo, Loma­mi Tchibam­ba… ont recon­nu en elle une sorte de « mami­wa­ta », capa­ble du pire et du meilleur ! Mon­stre ten­tac­u­laire et pour­tant véri­ta­ble miroir aux alou­ettes, pour la majorité de jeunes con­damnés à la mis­ère des cam­pagnes, Kin­shasa con­tin­ue à faire rêver. Éton­nante ville dont le nar­cis­sisme, le culte du paraitre et un cer­tain exhi­bi­tion­nisme sont en fait des anti­dotes con­tre les assauts et les hideurs de la mis­ère matérielle. Ville fière sans arro­gance, charmeuse sans raco­lage, qui se livre sans se don­ner vrai­ment mais qui, lorsqu’elle se donne enfin dans l’ivresse, la musique, la vio­lence
ou la démence, ensor­celle irrémé­di­a­ble­ment le soupi­rant empressé.

C’est que cette ville-femme a tout con­nu tout au long de sa vie. Elle a surtout appris à se débrouiller parce que les dif­férents soupi­rants, le colonisa­teur belge ou le politi­cien con­go­lais, s’en sont servis. Sa force qui s’exprime par la pas­sion de la vie, est donc une longue his­toire inscrite dans le métis­sage d’une ville-car­refour, d’une ville mutante, d’une ville éprou­vée.

Kin­shasa est aus­si une ville-fleuve. Ce fleuve Con­go qui l’enlace est telle­ment iden­ti­fié à la ville dans ses rythmes et saisons, dans sa course folle et impétueuse, avec ses entrelacs si dan­gereuse­ment calmes et pro­fonds, avec ses cataractes indompt­a­bles !

Atten­tion aux apparences trompeuses, aux fauss­es dévo­tions, à l’indifférence plus ou moins feinte des Kinois ! Les douleurs et les pas­sions cri­antes des Kinois ne sont par­fois que par­o­dies, alors que les euphories riantes n’ont d’égales que leurs colères imprévis­i­bles et revan­chard­es : jan­vi­er 1959, lors des émeutes anti-belges ; juin 1969 et 1971 avec les révoltes estu­di­antines ; 1981 avec la fronde des par­lemen­taires en plein régime dic­ta­to­r­i­al ; sep­tem­bre 1986 avec la marche de protes­ta­tion mas­sive des femmes lumumbistes ; sep­tem­bre 1991 et jan­vi­er 1993 avec les pil­lages ; févri­er 1992 avec la marche réprimée des chré­tiens con­tre la dic­tature ; mai 1997 avec la traque con­tre les « col­la­bos » mobutistes ; août 1998 avec les mou­ve­ments de résis­tance pop­u­laire con­tre les infil­tra­tions des rebelles à la sol­de du Rwan­da. Tout cela est symp­to­ma­tique d’une ville têtue qui n’a eu quelque­fois que la logique du fleuve : le sens unique.

Oui, Kin­shasa est ce fleuve du proverbe ban­tou : parce que, parait-il, le fleuve, avant son long voy­age a refusé de suiv­re les con­seils des sages, le voilà débrouil­lant un chemin tortueux, dif­fi­cile et infi­ni, à tra­vers monts et val­lées, au lieu d’adopter la ligne droite vers le but.

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Lye Mudaba Yoka
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Lye Mudaba Yoka
André Yoka Lye est Docteur en Études Théâtrales de Paris III, Sorbonne Nouvelle (1972-1977). Il...Plus d'info
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