Bernard Debroux : Comment est née ta vocation artistique ? Quels ont été les éléments déclencheurs des expressions artistiques que tu pratiques aujourd’hui ?
Kiripi Katembo Siku : À la fin de mes études secondaires, j’ai voulu m’engager dans des études d’aviation pour devenir pilote. Très vite, j’ai senti que ce n’était pas ma vocation. Une année plus tard, j’ai arrêté l’université technique et j’ai commencé à pratiquer le dessin. Ma sœur, ma mère, mes amis m’ont encouragé à entamer des études à l’Académie des Beaux-Arts. J’ai tout de suite senti que c’était le milieu, le monde dans lequel je voulais évoluer. Entre la première et la deuxième année du graduat, j’ai surtout fait de la peinture. La plupart de mes collègues me connaissaient comme peintre, même à l’université. J’ai participé assez tôt à des ateliers organisés par l’université des arts décoratifs de Strasbourg qui avait un partenariat avec l’académie des beaux-arts de Kinshasa. J’ai participé à des ateliers vidéo et été séduit par l’image en mouvement.
J’ai réalisé un petit film, intitulé Voiture en carton. Il a été sélectionné au festival Pocket film au centre Pompidou à Paris. Cela m’a donné la motivation de poursuivre dans le secteur de la vidéo.
Au même moment, je me suis intéressé aux images arrêtées, la photographie. J’ai emprunté des caméras à des amis, puis loué des caméras pour pouvoir prendre des photos, et réalisé la série Un regard, photos à partir des flaques d’eau de Kinshasa qui étaient comme des petites fenêtres qui ouvraient sur un monde surréaliste. Cette série ainsi qu’une autre, Après mine, ont été sélectionnées pour la Biennale de la photographie de Bamako. J’ai aussi participé à d’autres expo : Afrikaribu à Kinshasa, Picha (rencontres de l’image) à Lubumbashi. J’ai aussi été invité à Tunis pour une résidence de création, juste après la révolution, sur le thème « corps libre en espace ». J’ai ensuite mélangé les deux, photo et cinéma, en participant à d’autres formations et d’autres réalisations de courts-métrages dans la société de production de Djo Munga, Suka.
En photo, j’ai réalisé d’autres séries, Mutations, images de villes à partir des rues de Kinshasa, Brazzaville et Ostende. Cette série m’a permis de bouger davantage dans le monde. Par l’intermédiaire de Dieudonné Niangouna, artiste en résidence au Festival d’Avignon qui avait vu ces photos, comme d’autres artistes présents à l’Institut français, m’a présenté à Vincent Baudriller qui m’a ensuite proposé que je réalise l’affiche d’Avignon et que je présente une exposition de mes travaux durant le festival.
B. D. : Tu continues à mener de front ces différentes activités : photo, vidéo, cinéma ?
K. K. S. : Oui, la vidéo, c’est plutôt pour l’expérimentation, et le cinéma pour la fiction ou le documentaire.
B. D. : Y a‑t-il à Kinshasa, des lieux d’exposition, des espaces, un intérêt pour les artistes photographes ?
K. K. S. : Depuis quelque temps, ça se développe. Il y a eu des rencontres qui se sont organisées. En cinq ans, la photo a commencé à trouver son existence à la fois dans des lieux fermés mais aussi dans des espaces en plein air. Il y a eu aussi des photographes étrangers qui ont fait des installations urbaines dans les rues de Kin.
B. D. : Cette démarche de proposer de grandes photos dans l’espace urbain te tente-t-elle ?
K. K. S. : Ça me tente énormément. En octobre, avec ma société de production Mutotu et en collaboration avec d’autres partenaires, nous organiserons la biennale d’art contemporain de Kinshasa « Yango ». Il y aura des peintres, des photographes, des sculpteurs, des performers et plutôt une ouverture vers des espaces publics.
B. D. : Comment trouves-tu les moyens financiers pour développer ton travail ?