Le parcours artistique de Frédéric Flamand commence à la toute fin des années soixante à Bruxelles. Du Théâtre laboratoire Vicinal créé avec son frère Frédéric Baal à la direction artistique du Ballet de Marseille en passant par la fondation du Plan K installé dans la célèbre Raffinerie de Molenbeek, puis pat le renouveau du Ballet de Wallonie rebaptisé Charleroi Danse, Frédéric Flamand a toujours été guidé par quelques obsessions et visions fortes qui ont nourri son travail de création.
Influencé au départ par les avant-gardes américaines des années soixante et le minimalisme (notamment musical), il a poursuivi entre petits lieux et grandes scènes le désir de faire se rencontrer spectacle vivant, arts plastiques et nouvelles technologies audiovisuelles qu’il fait se confronter avec le corps de ses interprètes. Ayant eu la chance et l’opportunité de diriger de grandes institutions, il n’a pas renoncé à continuer un travail de recherche, d’expérimentation et de poursuivre des utopies qu’il confronte au réel du plateau dans un travail de dialogue avec toutes les disciplines artistiques.
Les lignes qui vont suivre sont le fruit d’une conversation à bâtons rompus menée en octobre 2014 avec Frédéric Flamand où, sans suivre une chronologie linéaire, il évoque certaines étapes de son parcours à partir de quelques idées-forces.
B. D.
Création et Contrainte
LE RAPPORT à la contrainte m’a toujours intéressé, à tous les niveaux. La contrainte apporte énormément dans un processus de création ; elle force le corps et l’esprit à trouver des solutions inattendues. Le pire serait de faire la même chose toute sa vie.
Ce qui m’intéresse, c’est transformer les choses, les métamorphoser dans des contextes différents.
J’ai commencé à travailler dans un pays à l’Histoire récente (la Belgique est née en 1830), dans un contexte très différent de la France ou de l’Allemagne où le poids de la tradition est considérable.
Un pays carrefour ou une ville-carrefour comme Bruxelles, surtout comme Bruxelles l’était quand j’ai commencé à travailler en 1969 avec mon frère, offrait des possibilités énormes.
À cette époque, il y avait Béjart et c’était tout. Nous avons créé avec mon frère le premier groupe d’avant-garde et de recherche influencé par Grotowski, du moins sa technique : le théâtre Laboratoire Vicinal. Nous jouions dans une salle, rue Verte à Schaerbeek, dans un local peint par nous-mêmes, qui accueillait cinquante spectateurs, assis sur des bancs. Après deux semaines, nous avions fait le plein, c’était fini. Nous avons été obligés de nous expatrier. La contrainte, toujours, et les hasards des rencontres. J’ai eu une chance extraordinaire de faire ces rencontres à des moments charnières de ma vie.
À partir de cette petite boîte d’allumettes qu’était Bruxelles, nous avons découvert le monde. Peter Brook et Grotowski avaient entendu parler d’un groupe en Belgique qui travaillait sur base des principes de Grotowski et avaient envie de voir ce que ces « gamins » faisaient.
Nous nous sommes retrouvés au festival de Shiraz- Persepolis. Toute l’avant-garde mondiale s’y retrouvait : John Cage, Merce Cunningham, Karlheinz Stockhausen, Tadeusz Kantor.. Nous allions dîner avec Bob Wilson, Grotowski est venu voir notre entraînement, nous découvrions le Baratha Nathiam (danse/musique/théâtre de l’Inde)…



