Un cirque qui parle de soi

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Un cirque qui parle de soi

Le 24 Mar 2017
Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel, GRANDE –. Photo Tout ça/ Que ça.
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Couverture de numéro 131 - Écrire, comment?
131

Révélés en 2012 avec De nos jours au sein du col­lec­tif Ivan Mosjoukine, Vimala Pons et Tsir­i­ha­ka Har­riv­el pour­suiv­ent leurs explo­rations avec GRANDE- : un con­den­sé hale­tant de dix ans de recherche autour du cirque et de la parole, assaison­né d’un goût pour le spec­ta­cle à com­pléter. 

Ils sont nom­breux, ces jeunes trente­naires qui por­tent un méta dis­cours sur l’art dra­ma­tique. Antoine Defoort et ses com­pars­es, au sein de l’Amicale de Pro­duc­tion, ont à cœur de détri­cot­er les codes du théâtre et de jouer avec leurs représen­ta­tions1. Dans le cirque, s’affirme depuis plusieurs années un courant min­i­mal­iste, réduisant l’acte cir­cassien à sa plus sim­ple expres­sion : Sébastien Wod­jan enchaîne les per­for­mances pour per­dre près de deux kilos de sueur en un spec­ta­cle ; Alexan­der Van­thournout pro­pose une créa­tion sous con­traintes qui ques­tionne les fon­da­men­taux de l’acrobatie… Vimala Pons et Tsir­i­ha­ka Har­riv­el, cérébraux et joueurs, croisent le fer entre pra­tiques cir­cassi­enne et théâ­trale. 

For­ma­tion symétrique pour les deux : la pre­mière, issue du Con­ser­va­toire supérieure d’art dra­ma­tique de Paris, passée par le ciné­ma et le théâtre (on l’a vue notam­ment sur les planch­es de Jacques Reboti­er ou Jean-Michel Rabeux, et au ciné­ma chez Christophe Hon­oré, Philippe Garel ou encore Antonin Peret­jatko aux côtés de Vin­cent Macaigne), s’initie aux arts du cirque en 2005. Le deux­ième a démar­ré par le cirque, à Ros­ny-sous-Bois puis au Cen­tre Nation­al des Arts du Cirque (CNAC) de Châlons-en-Cham­pagne, puis joue sous la direc­tion de Christophe Huys­man ou Math­urin Bolze après un pas­sage par le Con­ser­va­toire de Paris. Dès leur ren­con­tre en 2005 au CNAC, ils mon­tent un lab­o­ra­toire sur la prise de parole au cirque, un écueil sur lequel se sont échoués nom­bre de propo­si­tions, en ten­tant de théâ­tralis­er arti­fi­cielle­ment des actes qui regim­bent naturelle­ment à par­ler d’autre chose que d’eux-mêmes.

Écri­t­ure frag­men­tée 

En 2012, le col­lec­tif Ivan Mosjoukine posait une petite défla­gra­tion avec De nos Jours [notes on the cir­cus]. Aux côtés de Marous­sia Diaz Ver­bèke et Erwan Ha Kyoon Larcher, Vimala et Tsir­i­ha­ka s’y atte­laient de front à relire l’histoire du cirque, jouer avec ses fon­da­men­taux et détourn­er ses inter­dits. Suiv­ant le déroulé de notes dûment chiffrées sur la feuille de salle, les saynètes s’y égrainaient, jouant sur une écri­t­ure sérielle et ludique. Une manière de rafraîchir le cirque, tout en se fiant à la joyeuse inco­hérence dra­maturgique qui émerge naturelle­ment de son essence : une suc­ces­sion de propo­si­tions hétéro­clites, où la peur côtoie le rire, dans une mise en jeu de pul­sions archaïques, inso­lites ou dérisoires. « Nous avions listé plusieurs principes d’écriture : une même scène pou­vait être rejouée sous plusieurs angles dif­férents, ou revenir à l’identique tout en pro­gres­sant ; d’autres étaient annon­ci­atri­ces, et ne pre­naient sens qu’à la fin… C’est le choc entre ces frag­ments qui les fai­sait par­ler. Si le spec­ta­teur lisait la feuille de salle, ces frag­ments se reli­aient ; sinon, c’était des actes isolés absur­des », com­mente Vimala Pons. 

Le col­lec­tif emprun­tait alors à Barthes ou aux Appun­ti de Pasoli­ni, mais aus­si au mon­tage ciné­matographique. Ivan Mosjoukine est un comé­di­en « joué par le ciné­ma », via une expéri­ence menée dans les années 1920 con­nue sous le nom d’effet Koule­chov, du nom de son réal­isa­teur : un gros plan sur le vis­age inex­pres­sif de l’acteur, mon­té dans trois con­textes dif­férents, sus­ci­tait autant d’interprétations chez le spec­ta­teur manip­ulé à son insu. Qua­tre ans après, Vimala et Tsir­i­ha­ka pour­suiv­ent en binôme leurs explo­rations dans GRANDE-. Tous deux pren­nent un malin plaisir à labour­er les champs séman­tiques. Après le numéro de cirque, qui deve­nait lit­térale­ment un chiffre dans De nos jours, GRANDE- prend comme appui la revue de music hall : « Pass­er en revue nous per­met d’effectuer une tra­ver­sée, d’articuler les frag­ments d’une écri­t­ure sac­cadée autour d’une thé­ma­tique qui n’en est pas vrai­ment une », remar­que Tsir­i­ha­ka. Ali­bi fer­tile, quand on prend le temps d’examiner tous les sens du mot : « revoir son juge­ment, quelqu’un ou quelque chose, mais aus­si une sit­u­a­tion passée, ou encore dénot­er une erreur… C’est for­cé­ment non exhaus­tif, d’ailleurs les Longs poèmes courts à ter­min­er chez soi de Robert Fil­liou sont une de nos références. Écrire, c’est aus­si arrêter d’écrire ; cer­taines idées sont plus intéres­santes à évo­quer qu’à con­cré­tis­er. »

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Julie Bordenave
Julie Bordenave est journaliste spécialisée dans les arts de la rue et du cirque. Elle...Plus d'info
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