“Protéger la liberté artistique” (entretien avec Lorraine Pintal)

Entretien
Théâtre

“Protéger la liberté artistique” (entretien avec Lorraine Pintal)

Le 21 Août 2017
Lorraine Pintal. Photo Jean-François Gratton
Lorraine Pintal. Photo Jean-François Gratton
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Philippe Cou­ture : Il est d’usage aujourd’hui de cri­ti­quer les théâtres étab­lis au motif de leur inca­pac­ité à inté­gr­er la diver­sité cul­turelle de nos sociétés mul­ti­cul­turelles. Existe-t-il, selon vous, un prob­lème spé­ci­fique d’accès des artistes issus de l’immigration aux scènes québe­cois­es ? 

Lor­raine Pin­tal : Un des prin­ci­paux obsta­cles réside dans le fait que l’accès aux écoles pro­fes­sion­nelles de théâtre a été pen­dant longtemps dif­fi­cile pour les artistes de la diver­sité cul­turelle. Il est récent que ces derniers se retrou­vent sur le marché du tra­vail après avoir com­plété une for­ma­tion adéquate qui leur ouvre les portes des insti­tu­tions et com­pag­nies théâ­trales. La bar­rière de la langue con­stitue égale­ment un frein quant à l’intégration des artistes immi­grants aux pro­duc­tions pro­fes­sion­nelles, du moins en ce qui con­cerne le Théâtre du Nou­veau Monde qui présente exclu­sive­ment des pro­duc­tions en français.

De plus, un tra­vail de sen­si­bil­i­sa­tion auprès des auteurs et des met­teurs en scène s’impose car tout le proces­sus de créa­tion naît de ces deux fonc­tions. Si les auteurs n’ont pas cette con­science aiguë de l’importance de traduire les nou­velles réal­ités démo­graphiques québé­cois­es, les thèmes exploités con­tin­ueront de ne refléter que la réal­ité des fran­coph­o­nes de souche. Il faut inciter les met­teurs en scène à faire preuve d’ouverture et d’audace en dis­tribuant des rôles par exem­ple du réper­toire clas­sique français à des acteurs issus de la diver­sité cul­turelle. Nous sommes arrivés à un point où le car­ac­tère d’un jeune amoureux dans une pièce de Mari­vaux ne doit pas oblig­a­toire­ment être joué par un comé­di­en de couleur blanche et d’expression fran­coph­o­ne. Cette mix­ité se retrou­ve de plus en plus au sein des com­pag­nies émer­gentes ou inter­mé­di­aires mais il reste encore beau­coup d’étapes à franchir au sein des grandes insti­tu­tions.

Heureuse­ment, les temps changent. La créa­tion de l’organismes DAM (Diver­sité artis­tique Mon­tréal) dont la mis­sion est de pro­mou­voir la diver­sité cul­turelle des arts et de la cul­ture au Québec con­tribue cer­taine­ment à la recon­nais­sance d’une diver­sité d’artistes et de pra­tiques dans les réseaux artis­tiques et les cir­cuits de dif­fu­sion à Mon­tréal. Cet organ­isme a pénétré de manière sen­si­ble et effi­cace la plu­part des organ­i­sa­tions cul­turelles car en plus de soutenir les artistes issus de l’immigration dans leur par­cours d’insertion pro­fes­sion­nelle à tra­vers un ser­vice d’accompagnement per­son­nal­isé, un pro­gramme de men­torat et des activ­ités de mise en rela­tion et de réseau­tage, il tra­vaille en col­lab­o­ra­tion avec l’Union des Artistes à Mon­tréal qui a mis sur pied des pro­grammes de for­ma­tion et d’insertion de ces artistes afin de faire leur pro­mo­tion auprès des dif­férents employeurs, que ce soit en télévi­sion, ciné­ma, pub­lic­ité ou théâtre.
Un autre obsta­cle franchi est la lim­i­ta­tion du nom­bre d’artistes issus de la diver­sité aux audi­tions annuelles du Théâtre de Quat’Sous. Ce dernier leur a ouvert offi­cielle­ment ses portes il y a plusieurs années, per­me­t­tant ain­si aux direc­tions artis­tiques, aux pro­duc­teurs et aux met­teurs en scène de décou­vrir des tal­ents nou­veaux représen­tat­ifs de leurs milieux respec­tifs.

P. C. : Com­ment se traduit l’injonction con­tra­dic­toire des pou­voirs publics sur ce qui est devenu un enjeu poli­tique d’affichage et de vis­i­bil­ité, tout en soule­vant des débats de fond au sein d’une société mar­quée par la frac­ture colo­niale ? 

L. P. : L’intervention des pou­voirs publics au Québec quant à l’enjeu poli­tique d’inclure les artistes de la diver­sité cul­turelle s’est ren­for­cée depuis quelques années, soit par la créa­tion de nou­veaux pro­grammes de sub­ven­tion dédiés par exem­ple à l’intégration des artistes autochtones, soit par l’ajout de critères d’évaluation qui mesurent les ini­tia­tives pris­es par les organ­ismes cul­turels pour faire la pro­mo­tion des artistes de la diver­sité cul­turelle sur leurs scènes ou pour diver­si­fi­er le pub­lic afin d’assurer une meilleure représen­ta­tiv­ité de la réal­ité actuelle.
Nous n’en sommes pas ren­dus à répon­dre à des quo­tas mais il est cer­tain que ces nou­velles ori­en­ta­tions ne peu­vent être pris­es à la légère par les direc­tions des lieux cul­turels et qu’elles ont un impact sur les sub­ven­tions attribuées. Il est donc cap­i­tal que la lib­erté artis­tique soit avant tout pro­tégée et que l’intégration de la diver­sité eth­no­cul­turelle naisse d’un désir authen­tique des artistes de partager leurs dif­férentes sen­si­bil­ités et préoc­cu­pa­tions face à l’évolution de la société et à l’impact de l’art sur le pub­lic d’aujourd’hui.

P. C. : Il sem­ble que le théâtre soit à la traine d’une ten­dance à la diver­si­fi­ca­tion des artistes sen­si­ble en par­ti­c­uli­er dans la danse ou la musique, et à plus forte rai­son dans l’audiovisuel, depuis des années ? Pourquoi une telle résis­tance ou réti­cence ? 

L. P. : Ayant ciblé le fait qu’au Québec, la majorité du théâtre se fait en français et que la bar­rière de la langue pou­vait réelle­ment frein­er toute volon­té de mieux représen­ter la diver­sité de la société dans le secteur du théâtre, il est cer­tain que cet obsta­cle est moins présent dans le secteur de la danse et de la musique.
Une fois cet état de fait con­staté, il n’en demeure pas moins que plusieurs ini­tia­tives au sein d’organismes moins insti­tu­tion­nal­isés nous prou­vent le con­traire. Par exem­ple, le MAI (Mon­tréal Arts Inter­cul­turels) a fait fig­ure de pio­nnier dans la val­ori­sa­tion et la dif­fu­sion de pra­tiques artis­tiques inter­cul­turelles. D’autres théâtres ont emboîté le pas, notam­ment le Cen­tre du Théâtre d’Aujourd’hui avec la créa­tion TROIS de l’auteur, comé­di­en et met­teur en scène Mani Soley­man­lou qui réu­nis­sait sur une même scène une quar­an­taine d’artistes venus témoign­er cha­cun à leur manière de leur dif­férence cul­turelle.

D’une façon plus invis­i­ble, il n’est pas rare de voir émerg­er au sein des com­pag­nies des comités de tra­vail qui visent à réfléchir sur les façons de chang­er les pra­tiques pour inclure davan­tage la diver­sité. Un groupe de réflex­ion a été créé au TNM la sai­son dernière, ce qui a per­mis à la direc­tion d’organiser pour la pre­mière fois des audi­tions qui fer­ont appel au tal­ent des artistes de la diver­sité en vue d’établir une pro­gram­ma­tion plus diver­si­fiée et inter­cul­turelle dès 2019 – 2020.

(…)

L'intégralité de cet entretien sera disponible prochainement sur notre site, dans le dossier que nous consacrons à ce sujet en préambule à la publication du #133 (automne 2017).

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