Chorégraphie institutionnelle, chorégraphie insurrectionnelle…

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Chorégraphie institutionnelle, chorégraphie insurrectionnelle…

À propos de La Maison d’Ibsen

Le 31 Mar 2018
Stéphane Olivier, Peter Vandenbempt, Bernard Breuse, Kristien De Proost, Lucas Meister dans We Want More de Tristero & Transquinquennal. Photo Herman Sorgeloos.
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Article publié pour le numéro
Couverture deu numéro 134 - Institutions / insurrections
134

L’art est un rêve
Qui tient éveil­lé
Tous les matins on se lève
Le courant passe à côté
Main­stream, main­stream

Dominique A.

L’été dernier, le jour­nal­iste et cri­tique Jean-Pierre Thibau­dat comblait un vide man­i­feste dans le réc­it de l’histoire du théâtre mon­di­al en pub­liant le pre­mier ouvrage con­séquent con­sacré aux vingt années d’existence du Fes­ti­val de Nan­cy (1963 – 1983). Année par année, spec­ta­cle par spec­ta­cle, Le Fes­ti­val mon­di­al du théâtre de Nan­cy – Une utopie théâ­trale1 racon­te com­ment la recherche pas­sion­née et tâton­nante, menée par quelques acharnés, de nou­velles formes de ren­con­tres entre artistes inter­na­tionaux et spec­ta­teurs locaux aura peu à peu influé sur la redéf­i­ni­tion des con­tours de l’institution théâ­trale française et de son finance­ment. Après ses années nancéi­ennes, Jack Lang sera celui qui sign­era l’acte II du min­istère de la Cul­ture en France, béné­fi­ciant du dou­ble­ment de son bud­get voulu par Mit­ter­rand dès son arrivée au pou­voir.
Avec le recul, on peut con­sid­ér­er que cette époque (le début des années 1980) aura prob­a­ble­ment été, dans le champ fran­coph­o­ne, le dernier moment his­torique où Art, Pou­voir et Argent auront ensem­ble dan­sé la même danse. Une danse à trois, c’est sou­vent com­pliqué.
Cela sup­pose a min­i­ma de s’entendre sur les pas.
La choré­gra­phie com­plexe à laque­lle se livrent ces trois-là depuis plusieurs décen­nies souf­fre de plusieurs désac­cords majeurs.
Le pre­mier d’entre-eux provient sans doute de la con­sid­éra­tion portée à celui qui regarde.
Quand l’Art s’adresse au Spec­ta­teur, le Pou­voir cherche à con­va­in­cre l’Électeur, et l’Argent à séduire le Con­som­ma­teur.
Ponctuelle­ment, deux des trois parvi­en­nent à s’entendre et à sceller une alliance le temps de quelques pas. Quand Art et Pou­voir con­sid­èrent ensem­ble le « citoyen-spec­ta­teur » ou quand l’Argent con­va­inc le Pou­voir de con­sid­ér­er l’élec- teur en con­som­ma­teur. Et le troisième danseur se voit alors con­traint de suiv­re la cadence de mau­vaise grâce, ou de quit­ter la piste…
Cette choré­gra­phie-là, dans laque­lle la musique de l’Argent s’impose au Pou­voir et à l’Art (musique dés­espérante parce que syn­onyme de dis­pari­tion de l’accès aux arts con­sid­éré “comme un droit et un ser­vice pub­lic) sem­ble être celle qui s’impose actuelle­ment sous nos con­trées. Bon nom­bre d’artistes et de respon­s­ables insti­tu­tion­nels s’interrogent aujourd’hui pour trou­ver le moyen de revenir dans la danse…
C’est à ceux-là que nous don­nons d’abord la parole dans cette livrai­son d’Alternatives théâ­trales. En Fédéra­tion Wal­lonie-Brux­elles, où le paysage scénique vient d’être redéfi­ni pour cinq années et où tous les acteurs con­cernés peinent à com­pren­dre dans quel sché­ma de poli­tique cul­turelle ils s’inscrivent désor­mais. En France, où les pre­miers con­tacts élec­triques avec le pou­voir macronien en juil­let 2017 à Avi­gnon ont provo­qué un tra­vail pro­fond d’introspection de l’institution mené actuelle­ment, entre autres, par les directeurs de CDN. En Alle­magne, où la danse du trio sus­nom­mé s’avère par­fois plus mus­clée encore qu’ailleurs, comme le cas de la Volks­bühne tend à le démon­tr­er. Plus à l’Est égale­ment : en Russie où cer­taines résur­gences auto­cra­tiques trou­blent davan­tage encore un équili­bre déjà pré­caire, ou en Pologne où cer­tains gestes indi­vidu­els peu­vent être inter­prétés comme des prémices insur­rec­tion­nelles.
Si ce numéro nous per­met égale­ment de con­sacr­er un dossier au col­lec­tif brux­el­lois Tran­squin­quen­nal, ce n’est pas un hasard : plus qu’aucune autre com­pag­nie, celle-ci aura, durant ces trois décen­nies d’existence, con­stam­ment inter­rogé sa place au sein de l’institution. En fix­ant publique­ment sa date de mort (le 31 décem­bre 2022) et en revendi­quant ce geste comme artis­tique, les mem­bres de Tran­squin­quen­nal font acte de réap­pro­pri­a­tion : ils imposent le tem­po, dans un ultime pas à trois, au Pou­voir et à l’Argent.
Le geste de Tran­squin­quen­nal porte à son parox­ysme un mou­ve­ment finale­ment plus général : ceux qui occu­paient les marges des décen­nies passées quit­tent peu à peu la scène après avoir con­quis de haute lutte – et avec plus ou moins de bon­heur – leur cen­tral­ité2. Mais dans cet espace aux con­tours mal défi­nis, place ne sem­ble néan­moins pas faite aux « nou­veaux mar­gin­aux d’aujourd’hui »…
Repenser la rela­tion au spec­ta­teur, est-ce encore pos­si­ble pour les artistes ou la fig­ure du con­som­ma­teur s’est-elle défini­tive­ment imposée ?
Ici et ailleurs, l’institution parvien­dra-t-elle à se redéfinir ou fini­ra-t-elle par implos­er ?

Anja Röttgerkamp, Eléonore Valère-Lachky, Eveline Van Bauwel et Louise Vanneste dans Gone in avheartbeat de Louise Vanneste, Radikal, Berlin, 2017. Photo Caroline Thirion.
Anja Röttgerkamp, Eléonore Valère-Lachky, Eveline Van Bauwel et Louise Vanneste dans Gone in avheartbeat de Louise Vanneste, Radikal, Berlin, 2017. Photo Caroline Thirion.
Anja Röttgerkamp, Eléonore Valère-Lachky, Eve­line Van Bauwel et Louise Vanneste dans Gone in avheart­beat de Louise Vanneste, Radikal, Berlin, 2017. Pho­to Car­o­line Thiri­on.
  1. Les Soli­taires intem­pes­tifs, 2017. ↩︎
  2. Pour preuve, ce geste sim­i­laire du Théâtre de la Galafronie, com­pag­nie Jeune Pub­lic large­ment recon­nue en Bel­gique fran­coph­o­ne et à l’étranger, qui a choisi elle aus­si de tir­er défini­tive­ment sa révérence en avril 2018, après quar­ante années d’activité. ↩︎

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Antoine Laubin
Antoine Laubin
Metteur en scène au sein de la compagnie De Facto.Plus d'info
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