Si certaines figures argentines sont bien présentes dans l’histoire théâtrale européenne depuis la fin des années soixante, avec, entre autres, Jorge Lavelli, Alfredo Arias, Marilú Marini ou Copi, on assiste depuis une vingtaine d’années au développement de la circulation à travers l’Atlantique d’un grand nombre de spectacles produits à Buenos Aires ou en Argentine. Ce sont principalement les festivals internationaux tels le Kunstenfestivaldesarts de Bruxelles ou le Festival d’Automne à Paris qui se sont faits les vecteurs de la découverte d’artistes tels Ricardo Bartís, Emilio García Wehbi, Daniel Veronese, Federico León, Lola Arias ou Romina Paula. Cette vague argentine sur l’Europe est principalement le reflet de ce qu’on appelle là-bas le théâtre indépendant, renouvelé et ravivé depuis le milieu des années 1980 par le retour en démocratie après la dictature militaire (1976 – 1983).
Un grand nombre d’artistes de théâtre argentins (des teatristas comme ils se nomment eux-mêmes) est donc connu du public européen aujourd’hui. Mais on connaît mal en revanche le contexte esthétique et sociopolitique dans lequel ce théâtre a connu son développement récent, et qui continue à en définir la nature profonde et contemporaine. Comme on connaît mal le reste du contexte théâtral argentin ou celui plus spécifiquement lié à la bouillonnante capitale qu’est Buenos Aires au cœur de laquelle se développe ce théâtre indépendant.
Avec ce numéro, Alternatives théâtrales propose de partager quelques nouvelles d’Argentine (noticias argentinas), en offrant trois volets ou trois angles d’approche distincts.
Il s’agira d’abord de parcourir ce théâtre indépendant et son contexte de création et de production à travers plusieurs contributions et analyses historiques, esthétiques, ou encore socio- politiques. De quoi ces artistes qui sillonnent le monde aujourd’hui sont-ils les héritiers, dans quelles circonstances leur travail s’est-il développé, avec quelles contraintes et quelles opportunités, selon quelles influences et dans quelle mixité avec d’autres formes artistiques ou plus spécifiquement théâtrales ? Et par ailleurs, qui sont leurs contemporains qu’on connaît moins de ce côté de l’Atlantique ?
Dans un deuxième temps, le numéro offre un panorama de la production dramaturgique actuelle, très marquée à Buenos Aires par le retour en grâce de l’écriture dramatique pour le plateau. Onze auteurs ont été sélectionnés, en partenariat avec le théâtre Cervantes, reflets de la diversité de la création actuelle, en termes de genre, de styles et de sujets, afin d’offrir un panorama le plus large possible de la nouvelle génération d’auteurs dramatiques, pour la plupart encore peu connus en Europe. Onze extraits de textes sont ainsi présentés dans une traduction originale ; ils sont pensés comme une invitation à découvrir la matière textuelle brute telle qu’offerte à la scène aujourd’hui à Buenos Aires. Une contribution d’analyse en introduira une des nombreuses caractérisations possibles sous l’angle de la voix et de la parole portées par ces écritures.
Enfin, on abordera la très récente mutation intervenue au sein d’une des institutions théâtrales publiques les plus importantes d’Argentine et seul théâtre national, le Teatro Nacional Argentino – Teatro Cervantes. La nomination à sa tête en 2016 du dramaturge et metteur en scène Alejandro Tantanian a induit un profond bouleversement, attendu par le milieu artistique, et a permis de repositionner cet outil majeur au service de la création contemporaine.