Continuer à déplacer des repères

Entretien
Théâtre

Continuer à déplacer des repères

Entretien avec Rodolphe Dana 
et Marie-Hélène Roig (Les Possédés)

Le 20 Nov 2019
Julien Chavrial, Emilie Lafarge, David Clavel et Marie-Hélène Roig dans Tout mon amour de Laurent Mauvignier. Mise en scène Rodolphe Dana, collectif Les Possédés. Photo Jean-Louis Fernandez

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Julien Chavrial, Emilie Lafarge, David Clavel et Marie-Hélène Roig dans Tout mon amour de Laurent Mauvignier. Mise en scène Rodolphe Dana, collectif Les Possédés. Photo Jean-Louis Fernandez
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Couverture du numéro 139 - Nos alternatives
139

CHANTAL HURAULT
À l’origine des Pos­sédés, il y a la créa­tion d’Oncle Vania en 2002, qui reste pour beau­coup un spec­ta­cle de référence. Com­ment est né ce col­lec­tif d’acteurs ? Qui en a été à l’origine ?

RODOLPHE DANA  Nous avons, Kat­ja Hun­singer et moi, porté ce pre­mier pro­jet. Tout a com­mencé à la Ferme du Buis­son quand José-Manuel Gonçalvès m’a pro­posé d’amorcer un tra­vail. Nous avons mon­té un acte d’Oncle Vania, puis l’entièreté de la pièce en faisant appel aux cama­rades de l’aventure de la Com­pag­nie d’Edvin(e) d’Éric Ruf. Ce qui a été la charnière, c’est que j’ai rem­placé un des acteurs alors que je devais être unique­ment met­teur en scène. C’est ain­si, sans le préméditer, qu’est né ce col­lec­tif d’acteurs. Je ne voulais pas d’un statut de met­teur en scène omni­scient, d’où ma propo­si­tion que les acteurs se fassent des retours les uns les autres, des retours cri­tiques mais dans la bien­veil­lance afin de ne pas oubli­er que le seul objec­tif, c’est le spec­ta­cle. Un état d’esprit a émergé pro­gres­sive­ment, cha­cun devenant garant de l’autre.

CH
Le terme de col­lec­tif est venu dès Oncle Vania ? 

MARIE-HÉLÈNE ROIG Nous n’y avions pas pen­sé au moment d’Oncle Vania. Il est venu après-coup je dirais, naturelle­ment. Il nous sem­blait définir au mieux notre mode de tra­vail, le théâtre que nous voulions faire à l’avenir.

MHR Le terme de com­pag­nie ren­voy­ait à un dis­posi­tif plus hiérar­chisé. J’ai eu très vite envie que tout le monde assiste aux répéti­tions et surtout s’implique dans les dis­cus­sions pour que tout se fab­rique con­comi­ta­m­ment, en temps réel. Même si j’arrive avec des idées dra­maturgiques, la créa­tion com­mence le pre­mier jour de répéti­tion ; c’est au plateau de révéler l’essence de ce que l’on cherche.

CH
Vous signez « créa­tion col­lec­tive dirigée par ». En quoi cette ter­mi­nolo­gie se démar­que-t-elle d’une « mise en scène » ?

RD Elle nous a sem­blé dire plus juste­ment un mode de tra­vail en col­lec­tif qui intè­gre une instance déci­sion­naire. J’essaye de met­tre en lien plutôt que de met­tre en scène les acteurs, selon un agré­gat d’objectifs, la recherche d’une har­monie col­lec­tive, une flu­id­ité des enjeux dra­maturgiques, un lien à créer dans le tri­an­gu­laire texte-acteur-spec­ta­teur.

MHR À la dif­férence de cer­tains col­lec­tifs, Rodolphe a tou­jours décidé du texte et de la dis­tri­b­u­tion, puis il nous soumet­tait ses propo­si­tions. Sinon ça pre­nait des heures, des jours, voire des semaines ! Du fait de notre passé com­mun avant Les Pos­sédés – on s’était ren­con­tré à l’école de théâtre puis on s’était retrou­vé dans la Com­pag­nie d’Edvin(e) – il y avait une ami­tié nais­sante, une com­plic­ité déjà forte. Cela a par­ticipé à ce que l’on se sente immé­di­ate­ment à l’aise dans cette respon­s­abil­ité que Rodolphe nous demandait d’avoir sur la glob­al­ité du pro­jet. 

CH
Avez-vous eu besoin de vous posi­tion­ner con­tre un cer­tain type de théâtre pour défendre celui des Pos­sédés ?

MHR Il y avait une volon­té évi­dente de rompre avec cer­tains codes clas­siques, n’avoir aucun a pri­ori sur le texte, ne pas caté­goris­er les per­son­nages… Rodolphe laisse l’acteur pro­pos­er, il nous dit : « c’est vous qui savez, c’est vous qui sen­tez, à vous de ten­ter », puis nous en dis­cu­tons. Les tg stan nous ont influ­encés dans la moder­nité avec laque­lle ils cas­saient les codes de la représen­ta­tion, la notion de 4e mur, les entrées et sor­ties de scène… Je repense à Point Blank, leur adap­ta­tion de Platonov. Ils nous avaient sidérés par leur art de s’approprier un texte en le ren­dant très sim­ple et naturel. On allait les voir jouer, on a beau­coup dis­cuté avec eux…

RD Être con­tre a effec­tive­ment pu être moteur. Je con­ser­vais de mes expéri­ences de comé­di­en ma ren­con­tre avec des gens moyen­nement investis hors de leurs « moments ». Pour­tant, pré­par­er, balis­er le ter­rain pour celui qui nous suc­cède n’est pas qu’un idéal du col­lec­tif, la qual­ité du spec­ta­cle s’en ressent, j’y vois un petit sup­plé­ment d’âme dans la façon dont est portée l’histoire. J’irai plus loin en dis­ant que cet état d’esprit con­cerne le rap­port à ses parte­naires mais aus­si au pub­lic. On ne fait pas du théâtre pour soi, mais pour les autres.

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Rodolphe Dana
Marie-Hélène Roig
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Chantal Hurault
Docteure en études théâtrales, Chantal Hurault a publié un livre d’entretiens avec Dominique Bruguière, Penser...Plus d'info
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