Préserver une liberté, une poésie, un mode de fonctionnement solidaire

Entretien
Théâtre

Préserver une liberté, une poésie, un mode de fonctionnement solidaire

Questions au collectif Les Lucioles

Le 17 Nov 2019
Rachid Zanouda, Arthur Amard, Simon Terrenoire, Elsa Verdon, Alicia Devidal, Valentin Clerc, Pierre Maillet dans Le Bonheur (n’est pas toujours drôle), d’après trois scénarios de Rainer Werner Fassbinder : « Le droit du plus fort », « Maman Küsters s’en va au ciel » et « Tous les autres s’appellent Ali ». Création à la Comédie de Caen, janvier 2019. Photo Nicolas Marie
Rachid Zanouda, Arthur Amard, Simon Terrenoire, Elsa Verdon, Alicia Devidal, Valentin Clerc, Pierre Maillet dans Le Bonheur (n’est pas toujours drôle), d’après trois scénarios de Rainer Werner Fassbinder : « Le droit du plus fort », « Maman Küsters s’en va au ciel » et « Tous les autres s’appellent Ali ». Création à la Comédie de Caen, janvier 2019. Photo Nicolas Marie
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 139 - Nos alternatives
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PHILIPPE MARTEAU Le col­lec­tif per­met avant tout de se lancer. Comme un défi irré­press­ible, d’abord à soi-même et ensuite à l’ensemble : « j’ai envie d’essayer quelque chose avec ce texte, cet auteur. »

Et dans un pre­mier temps, à la marge des insti­tu­tions, sans dis­pos­er tou­jours de beau­coup de moyens, il est pos­si­ble de faire exis­ter un nou­v­el objet. Cela donne de l’encouragement et de la con­fi­ance. Et sou­vent ça marche !  Au-delà de nos espérances. Et c’est ça qui est beau.

Nous nous con­nais­sons depuis 1991 et le regard que nous por­tons les uns sur les autres est néces­saire­ment pro­fond et com­plexe.

Il nous arrive par­fois de ne pas être d’accord avec ce que fait l’autre. Nous agis­sons comme une démoc­ra­tie, rarement avec des votes, mais le plus sou­vent empirique­ment, tou­jours favor­ables au développe­ment des pro­jets.

VALÉRIE SCHWARCZ
Que refusez-vous ?
Qu’affirmez-vous ?

Nous avons tou­jours affir­mé la lib­erté pour cha­cun d’aller et venir en dehors du col­lec­tif et de pro­pos­er des pro­jets, de là découlait le fait que nous avons très vite eu plusieurs pro­jets en même temps portés par un porteur(se) de pro­jet dif­férent, sans oblig­a­tion aucune que tous y soient inclus, ce qui a créé du mou­ve­ment, mais aus­si un mou­ve­ment vers la sor­tie… et par­fois une dif­fi­culté à nous iden­ti­fi­er.

Quels sont vos objec­tifs ?

Je crois que nous voulions ça, un théâtre en mou­ve­ment, une lib­erté de jeu, expéri­menter les places.

Quelle est la vie organique
du groupe ? Qui entre, qui sort ?
(com­ment se vit la fidél­ité)

À par­tir du moment où le col­lec­tif est devenu un col­lec­tif de met­teurs en scène (plus que d’acteurs) et que cha­cun est dans une logique de dis­tri­b­u­tion, il arrive de plus en plus sou­vent à tous de tra­vailler en dehors du col­lec­tif ; se pose bien sûr la ques­tion du désir, et de la fidélité…disons que nous sommes absol­u­ment volages mais que nos ami­tiés peu­vent être fidèles…

PIERRE MAILLET
Quelle est la vie organique
du groupe ? Qui entre, qui sort ?
(com­ment se vit la fidél­ité)

La ques­tion de la fidél­ité à l’intérieur des Luci­oles est proche de celle qu’on peut ressen­tir en famille. Le fait de rester ensem­ble, même si on tra­vaille moins « tous ensem­ble » que les pre­mières années, en dit suff­isam­ment long sur l’attention portée à cha­cun, mais c’est une atten­tion pudique. Respectueuse. Une chose tacite entre nous dont on ne par­le jamais ouverte­ment, peut-être à tort d’ailleurs. Car il y a cer­taine­ment, comme le dit Valérie des frus­tra­tions d’en être ou pas, mais ce n’est jamais claire­ment dit. En tout cas en réu­nion. Ce qui est indé­fectible par con­tre c’est l’encouragement com­mun à « faire » coûte que coûte. Que tout le monde ait du tra­vail, et puisse en vivre… Quant à ceux qui y entrent, dis­ons que le cer­cle s’est con­sid­érable­ment agran­di depuis 25 ans, au gré de nos dif­férentes ren­con­tres « en dehors » : acteurs, auteurs, musi­ciens et surtout tech­ni­ciens : créa­teurs à part entière et avec qui pour le coup une grande fidél­ité s’est écrite au fil des années. Le noy­au dur d’origine lui, n’a jamais vrai­ment bougé. Deux seules per­son­nes en sont sor­ties : Mar­cial Di Fon­zo Bo parce qu’il a pris la direc­tion de la Comédie de Caen mais son lien avec la com­pag­nie n’a jamais été rompu. Bien au con­traire, c’est même une évi­dente con­ti­nu­ité avec cer­tains d’entre nous. Quant à Mélanie Ler­ay, mal­gré plusieurs pro­jets per­son­nels dans le cadre des Luci­oles elle a eu besoin de s’affranchir du groupe pour faire ses créa­tions, donc elle est volon­taire­ment par­tie créer sa pro­pre com­pag­nie. 

ÉLISE VIGIER L’idée pre­mière était de se dire que les acteurs étaient act­ifs, désir­ants et pas unique­ment choi­sis ou élus, désirés ou non désirés par les met­teurs en scènes. L’idée était aus­si de ne rien empêch­er, d’accompagner et de favoris­er tous les désirs, donc si quelqu’un ou quelqu’une d’entre nous avait le désir de met­tre en scène un texte, de créer une forme, il le fai­sait, et d’ailleurs cela con­tin­ue, il ou elle le fait ! Il n’y a aucune cen­sure… l’idée pre­mière était de créer une autonomie. 

Un groupe autonome. Un out­il de pro­duc­tion, même si au départ on ne l’a pas for­mulé comme ça.

Nous étions au départ tous acteurs actri­ces et juste­ment l’idée était de ne pas dépen­dre du désir des autres pour au con­traire pou­voir ini­ti­er des pro­jets. La seule con­trainte que nous nous étions don­née était de mon­ter des spec­ta­cles avec d’autres mem­bres de col­lec­tifs, d’autres luci­oles.

FRÉDÉRIQUE LOLIÉE
Y‑a-t-il une dimen­sion poli­tique

à votre démarche col­lec­tive,
un pro­jet poli­tique à affirmer
et défendre ?

La poli­tique c’est : com­ment vivre ensem­ble. Donc oui la démarche col­lec­tive est poli­tique. 

Elle résiste. À la poli­tique qui pense pour d’autres et impose. Aux sys­tèmes fer­més, uni­latéraux. 

Il me sem­ble que dans les Luci­oles on a tou­jours cher­ché tout ce qui est ouvert, en mou­ve­ment et peut pro­duire des effets ent­hou­si­astes, vivants. En jouant avec l’économique, la tech­nique et l’artistique. C’est archi poli­tique de rêver et faire rêver… 

Le prob­lème du poli­tique c’est qu’il réag­it à des effets de mode, de presse, c’est sin­istre. C’est résoudre des prob­lèmes. Mais en fait, le chemin est beau­coup plus intéres­sant que la solu­tion (qui n’en est pas une en plus !). Le fameux « intérêt pour le déroule­ment et non pour le dénoue­ment » de Brecht. Il y a tou­jours une force propo­si­tion­nelle du « bas » à écouter parce qu’elle est sou­vent inven­tive, inédite. Drôle aus­si. 

En 1968, les gens par­laient du dimanche de la vie, ils avaient l’impression de pou­voir touch­er leur vie, pren­dre posi­tion, acter. 

Quand on con­duit on oublie qu’on est dans un espace com­mun, on est dans sa bag­nole et on oublie que la route n’est pas à nous ! Je ne sais pas… peut-être les Luci­oles c’est être un à plusieurs.

Le texte com­plet de l’entretien avec les Luci­oles est à retrou­ver sur
www.alternatives theatrales.be

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Collectif Les Lucioles
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