Quelle est la vie organique du groupe ? Qui entre, qui sort ?
(Comment se vit la fidélité ?)
Artistiquement, nous sommes deux à tenir les rênes. C’est à deux que nous initions et développons les propositions scéniques. Après, nous faisons appel à un certain nombre de créateurs, artistes ou techniciens ou autres, en fonction de nos besoins et envies à différents stades de chaque projet. Avec le temps s’est constituée une sorte de nébuleuse de collaborateurs qui reviennent régulièrement, mais qui ont leurs propres projets de leur côté. Par ailleurs, entre nous rien n’empêche a priori que chacun.e participe de son côté à d’autres aventures artistiques, dans la mesure où nous considérons notre compagnie comme un territoire d’expérimentation artistique non-exclusif, même s’il faut avouer que cela arrive peu finalement. Comme si de l’extérieur on nous voyait comme une entité indissociable et trop occupée à ses propres créations pour s’en extirper. C’est un peu dommage…
Quelle est la durée de vie de cette association ?
Cette question est très difficile. Nous avons commencé à travailler ensemble en 2002, même si la compagnie a été créée fin 2000 sous forme de trio (c’était un peu par hasard d’ailleurs). Ça fait un bail donc, et la Clinic Orgasm Society s’est inextricablement mêlée avec nos vies personnelles. Nous sommes amis, c’est la famille. Difficile d’imaginer ce que notre association artistique deviendra dans l’avenir. On espère juste que s’il faut arrêter un jour cette collaboration, on le fera au bon moment. Mais a priori on imagine une durée de vie illimitée. Il nous semble qu’on a encore plein de voies à explorer.
Quelle appellation/signature ? collectif, bande, groupe, troupe, ensemble…
Sur notre site internet on a mis « groupe artistique ». Ce n’est pas tout à fait juste même si cela semble être le terme le plus proche de notre façon de fonctionner sur chacun de nos projets.
Quelles sont vos influences (théâtrales et non théâtrales) ?
LUDOVIC Mes premières influences sont liées à la bande-dessinée, le métier que j’envisageais au départ et depuis très petit. André Franquin, Marcel Gotlib, etc. puis plus tard Art Spiegelman, Jacques Tardi, Charles Burns, Chris Ware. Mes autres influences sont essentiellement issues des arts plastiques (Marcel Duchamp, Marina Abramović, Antoni Tapies, …) et de la musique (Franz Schubert, Antonín Dvořák, Pink Floyd, Pixies, …). La scène est venue comme un accident qui a duré longtemps et qui m’a permis de mêler différents médias. Et puis il y a aussi David Lynch, qui a servi de fixatif en quelque sorte à mon goût pour l’étrangeté de l’ordinaire. Théâtralement il n’y en a pas vraiment, à part éventuellement Tadeusz Kantor. Avec le temps je sens qu’on est proches de groupes comme les « Chiens de Navarre » mais ce n’est pas une influence.
MATHYLDE Mon premier coup de cœur c’était un spectacle de danse de Philippe Découflé, Codex en 1986. J’étais clouée sur mon siège, j’ai des scènes encore très claires dans ma tête. Et puis il y a eu Platel et la vague chorégraphique flamande. En théâtre ma plus belle découverte reste Roméo Castellucci. Plus récemment L’Amicale de Production pour leur folie créatrice, Philippe Quesne pour l’esthétique… La jeune création belge est également très inspirante. Sinon le cinéma reste une influence majeure. Lynch évidement, Tarantino, Guy Maddin, et bien d’autres. La liste est trop longue.
Constatez-vous un retour du leader ?
Non. Le fonctionnement en collectif à plutôt l’air de se généraliser. C’est une très bonne chose, à l’heure où les réseaux sociaux encouragent le narcissisme. C’est une aventure risquée mais qui vaut la peine.
Y a‑t-il une dimension politique à votre démarche collective, un projet politique à affirmer et défendre ?
Ce n’est pas quelque chose que nous revendi-quons en tout cas. Lors du processus de création, beaucoup de choses nous échappent. Mais ça ne veut pas dire que ce que nous faisons n’a pas de dimension politique. Nous avons créé notre mode de fonctionnement instinctivement, sans préméditation, et bien sûr qu’il y a une dimension politique puisque nous cherchons à nous inscrire (même malgré nous) dans la vie de la cité et que nous avons façonné une forme d’organisation. Mais nous n’essayons pas de « dire » le monde ou de lui donner des leçons, nous ne faisons que le régurgiter pour lui donner des couleurs et ne pas sombrer. Notre démarche est donc politique, mais ce n’est pas notre moteur.
Y a‑t-il une menace à travailler ensemble ?
Il y a toujours la menace de finir dans le com-promis, donc la frustration, et non dans quelque chose qui nous transporte plus loin que ce qu’on avait imaginé. Pour le reste tout va bien.
Le texte complet de l’entretien
avec Clinic Orgasm Society
est à retrouver sur :
www.alternatives theatrales.be