Anna Rispoli, transe préparatoire

Performance
Théâtre
Portrait

Anna Rispoli, transe préparatoire

Le 19 Déc 2020
Your word in my mouth. Brussels take, mise en scène Anna Rispoli, Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles), mai 2018. Photo Barbara Sandra.
Your word in my mouth. Brussels take, mise en scène Anna Rispoli, Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles), mai 2018. Photo Barbara Sandra.

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Your word in my mouth. Brussels take, mise en scène Anna Rispoli, Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles), mai 2018. Photo Barbara Sandra.
Your word in my mouth. Brussels take, mise en scène Anna Rispoli, Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles), mai 2018. Photo Barbara Sandra.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 132 - Bruxelles, ce qui s'y trame
142

Regardez. Ici, Mül­heim an der Ruhr. A Piece of Land. Deux bateaux-mouch­es dans le cadre, à la nuit tombée. Des pro­jec­tions, un groupe de métal hurlant sur l’eau, des bull­doz­ers, une ruée de Hells Angels. Des cris gut­turaux, des moteurs de machine se mélan­gent pour une curieuse céré­monie expi­a­toire, tan­dis que des habitant.e.s, depuis les foy­ers, jouent à allumer et étein­dre leurs lumières. La rue se détraque à l’instant où tous les usager.e.s s’activent à la fois. C’est Anna Rispoli qui choré­gra­phie le paysage et réalise une com­pres­sion énergé­tique de la sit­u­a­tion, « de tout ce qui s’est dit et pas dit »1 car un débat pub­lic pas­sion­né fait rage depuis des mois. Les docks sont en tran­si­tion et glis­sent de leur fonc­tion économique vers une fonc­tion récréa­tive stan­dard­is­ée. Des bâti­ments vont être détru­its. Une stratégie de mar­ket­ing ter­ri­to­r­i­al élim­ine pro­gres­sive­ment les usages sauvages et libres qui se sont instau­rés dans la faille de la tran­si­tion. Paysage attaqué qu’Anna met en transe. Let’s have pic­nics among the ruins.

Quand Anna Rispoli débar­que, elle per­fore l’écran, mon­tre ce qu’on tait, elle prend comme ça la barre de fer du pou­voir et elle la tord et elle la sec­oue avec d’autres mains qui sont là et que le pou­voir n’a pas ser­rées. Elle rend cet « autre » qui a été effacé, invis­i­bil­isé et écrasé, vivant. Elle rend : elle venge. Elle fait cela avec de l’amour dedans. En prê­tant atten­tion à « qui est là », par une écoute et par une atten­tion préal­able qui manque partout. Elle fait cela dans le réel, le plus proche pos­si­ble du lieu du crime. Elle fait cela comme une choré­gra­phie mais une choré­gra­phie « con­crète » d’immeubles, de bateaux et de toutes sortes de sources de lumières.

Elle prend un lieu, un espace, elle l’encadre pour qu’on le regarde avec elle, comme une scène de théâtre retracée dans le réel et il y fait crépiter le feu qu’on y étouffe. C’est une sorte de « dédra­ma » : une dédrama­ti­sa­tion, un déman­tèle­ment, une décon­struc­tion, une mise à l’air de la poli­tique locale et de ses machi­na­tions. Elle baisse cinq min­utes le pan­talon du rouleau com­presseur. C’est un shoot de réel avant que l’écran ne réim­pose sa trame. Elle réalise quelque chose de l’exploit, au sens épique. Elle crée de l’histoire. Elle ne tra­vaille pas dans l’espace pub­lic, elle crée de l’espace pub­lic qui a été dis­lo­qué, qu’on a « effon­dré. » Ses propo­si­tions ont tou­jours quelque chose d’exceptionnel ou d’un peu mer­veilleux, qui relève de l’hybris, parce que ces actes de bravoure sont réal­isés en col­lec­tif avec qui vit là, faisant ou subis­sant le paysage. Il y a des adjuvant.e.s comme dans le con­te de fée, et Anna leur donne ren­dez-vous pour sen­tir des bas­cules de vie pos­si­bles.

I really would like to come back home, mise en scène Anna Rispoli, Gwangju (Corée du Sud), 2012.
Photo AAT.
I real­ly would like to come back home, mise en scène Anna Rispoli, Gwangju (Corée du Sud), 2012. Pho­to AAT.

Regardez ain­si par là. Water­front d’Abu Dhabi. Five Attempts to Speak with an Alien. Anna affrète une croisière pour un city-trip lors duquel une voix tente de renouer un dia­logue avec l’architecture locale, bap­tisée par les spé­cial­istes « alien­at­ed mod­ernism », et qui s’est quelque peu autonomisée de l’humain. La croisière est une ten­ta­tive pour se remet­tre en con­tact avec cette forme d’intelligence et voir si le coup peut être rat­trapé. Dans ces forêts de grat­te-ciel ultra-sécurisés, les moments d’échange sont en bulles sociales, on ne ren­con­tre d’autres humain.e.s que si on les con­naît déjà. Une résis­tance facétieuse, une patiente infil­tra­tion dans un ser­vice de man­age­ment d’éclairage de façades de sky­scrap­ers ont tout de même per­mis quelques min­utes de black-out. Regardez, Water­front d’Abu Dhabi, Anna a organ­isé une extinc­tion des feux. Comique et ten­dre per­cée de l’humain, spec­ta­cle à la lampe de poche gigan­tesque. À l’inverse, dans Vor­rei tan­to tornare a casa, elle invite car­ré­ment les 500 résident.e.s d’une tour HLM à activ­er main­tenant leur sys­tème d’éclairage domes­tique pour une per­for­mance lumineuse. La Tour devient une sorte de fan­fare ama­teure de lumière.

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