Le Kunstenfestivaldesarts : some news from home 1

Compte rendu
Théâtre

Le Kunstenfestivaldesarts : some news from home 1

Le 27 Déc 2020
Daniel Blanga Gubbay. Photo Béa Borgers.
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Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 132 - Bruxelles, ce qui s'y trame
142

Depuis sa créa­tion en 1994, le Kun­sten­fes­ti­valde­sarts a, sans con­teste, par­ticipé à met­tre Brux­elles sur la carte des arts scéniques en Europe et dans le monde. Aux côtés d’artistes inter­na­tionaux aujourd’hui étab­lis, comme Romeo Castel­luc­ci, Milo Rau et Mar­lene Mon­teiro Fre­itas, ce sont aus­si plusieurs généra­tions de créateur.rice.s issu.e.s de la scène brux­el­loise bicom­mu­nau­taire qui font l’histoire du fes­ti­val et réac­tu­alisent locale­ment et inter­na­tionale­ment l’effervescence artis­tique de la ville. Un pro­jet artis­tique ani­me le fes­ti­val depuis son orig­ine : remet­tre en ques­tion notre vision de l’art con­tem­po­rain et de ses modes d’expérience, en sou­tenant et en pro­duisant des créa­tions sou­vent expéri­men­tales et inter­dis­ci­plinaires qui réfléchissent le présent mais ne se lais­sent pas réduire à une esthé­tique ou une thé­ma­tique com­mune. Chaque année au mois de mai, la pro­gram­ma­tion met en réso­nance théâtre, per­for­mance, arts visuels, ciné­ma, approches péd­a­gogiques, théoriques et activistes, pour vivre ce « temps que nous parta­geons »1.

Daniel Blan­ga Gub­bay, directeur artis­tique du Kun­sten­fes­ti­valde­sarts depuis 2018 avec Sophie Alexan­dre et Dries Douibi,2 est instal­lé à Brux­elles depuis plusieurs années. Il a pra­tiqué la ville et la scène artis­tique en tant qu’habitant, citoyen, bénév­ole, cura­teur, pro­gram­ma­teur et enseignant à l’Académie royale des Beaux-Arts, et recon­naît avoir une affinité forte avec l’hétérogénéité et le cos­mopolitisme cul­turel de Brux­elles. Sa vision du fes­ti­val con­tre l’opposition binaire qui existe par­fois entre pro­duc­tion artis­tique locale et inter­na­tionale, tout en cher­chant à com­pren­dre ce que le con­texte brux­el­lois peut faire émerg­er comme objets artis­tiques spé­ci­fiques. « Avec les ten­dances de glob­al­i­sa­tion dans les années 1990 et l’explosion de la cir­cu­la­tion inter­na­tionale des artistes, en par­ti­c­uli­er des artistes non-européens en Europe, il y a une pres­sion de la part du marché qui réduit par­fois les artistes à être des ambas­sadeurs de leur cul­ture. On leur demande de manière incon­sciente de créer des pro­jets qui puis­sent répon­dre à l’imaginaire exo­tique et à l’héritage colo­nial qui existe encore autour du monde arabe, de l’Afrique sub­sa­hari­enne ou de l’Amérique latine par exem­ple.3 » À l’échelle de Brux­elles, soutenir le tra­vail d’artistes comme Sara Sejin Chang, Cher­ish Men­zo et Radouan Mriziga, c’est partager la sen­si­bil­ité pour la com­plex­ité de leur tra­vail, la mul­ti­plic­ité des expres­sions cul­turelles, et résis­ter à l’homogénéisation des imag­i­naires. Il trou­ve aus­si intéres­sant de « tra­vailler avec des artistes inter­na­tionaux qui con­nais­sent moins Brux­elles et per­me­t­tent de porter une vision qui n’est pas encore inscrite dans les règles silen­cieuses qui exis­tent déjà dans une ville. »

Pour Daniel Blan­ga Gub­bay, nav­iguer à l’intérieur et en dehors des insti­tu­tions cul­turelles est une con­di­tion impor­tante pour ren­con­tr­er des œuvres qui renou­vel­lent le lan­gage artis­tique. Cela implique de recon­sid­ér­er le régime de vis­i­bil­ité qui forge notre per­cep­tion de ce qui com­pose la scène émer­gente brux­el­loise, ou de ce qui en est juste­ment exclu. « Des artistes sont par­fois placés sous la caté­gorie “ arts urbains ”, parce que ne répon­dant pas aux codes esthé­tiques qui les plac­eraient dans “ le bon périmètre du con­tem­po­rain ” et tels qu’ils sont sous-enten­dus par les insti­tu­tions dom­i­nantes, majori­taire­ment blanch­es. Par­al­lèle­ment, le Kun­sten­fes­ti­valde­sarts n’est pas une référence pour de nom­breux bruxellois.es qui n’évoluent pas dans les mêmes réseaux. Le vis­i­ble et l’invisible ne tien­nent donc pas en tant que caté­gories défini­tives. » Selon Blan­ga Gub­bay, il est essen­tiel de redessin­er la car­togra­phie des col­lab­o­ra­tions qui organ­isent le secteur cul­turel afin d’imaginer de nou­velles écolo­gies à par­tir de ce qui existe déjà, en dehors des hiérar­chies. L ’« agency » – ou la capac­ité d’une insti­tu­tion à se ques­tion­ner et à se trans­former de l’intérieur aus­si bien au niveau de la pro­gram­ma­tion et des publics que de sa pro­pre struc­tura­tion – est une con­di­tion fon­da­men­tale pour soutenir des pra­tiques artis­tiques émer­gentes dans toute leur sin­gu­lar­ité. Qui y est présen­té et représen­té ? Qui vient voir le tra­vail ? Dans quelles con­di­tions ? Qui rend le fes­ti­val pos­si­ble ? L ’accom­pa­g­ne­ment artis­tique implique donc d’interroger chaque artiste sur ce que le con­texte spé­ci­fique du fes­ti­val peut ren­dre pos­si­ble : une créa­tion in situ, une col­lab­o­ra­tion avec des écoles, asso­ci­a­tions ou col­lec­tifs ; l’implication de publics spé­ci­fiques ; des pro­jets aux tem­po­ral­ités et aux géo­gra­phies mar­gin­al­isées, etc. « Ce que je trou­ve intéres­sant chez les artistes bruxellois.es avec qui on est en dia­logue, c’est la lib­erté qu’iels pren­nent de ne pas immé­di­ate­ment traduire ou pro­duire leurs intu­itions artis­tiques en un for­mat préétabli. Il doit y avoir de l’espace pour com­pren­dre plus tard quelle forme le pro­jet pren­dra. » Le car­ac­tère nomade du fes­ti­val, qui a lieu grâce à une ving­taine de lieux parte­naires, per­met aus­si de suiv­re le développe­ment d’une œuvre sans préreq­uis de salle ou de formes esthé­tiques, et de sor­tir de cette idée qu’il faut « domes­ti­quer la créa­tion artis­tique à l’intérieur de for­mats exis­tants ». 

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